Rendez-vous demain, jeudi 31 mars, pour découvrir notre portrait d'Ernest Pignon-Ernest. En attendant, voici un aperçu de cet artiste hors du commun.
Artiste de rue
Ernest Pignon-Ernest, 73 ans, a été le premier à investir la rue pour exposer ses dessins, devenant ainsi l’initiateur, voire le précurseur de l’art urbain, désormais appelé « street-art ». Ses dessins (des hommes ou des femmes à taille humaine) sont collés sur des lieux méticuleusement choisis, en adéquation avec son engagement politique et philosophique. Il fait toujours écho à l’histoire ou à une légende qui a pris place à l’endroit du collage, comme lorsqu’en 1974, il affiche des centaines d’images d’une famille noire parquée derrière des barbelés dans sa ville natale de Nice. Cette oeuvre d’art est une réaction à une décision municipale de se jumeler avec Le Cap : grande ville d’Afrique du Sud, où sévit comme partout dans le pays le racisme institutionnalisé.
Ses combats
L’apartheid, l’avortement, les expulsions ou l’Algérie, sont des exemples de sujets qui ont été au cœur du travail d’Ernest Pignon-Ernest. Assurément engagé, l’artiste s’est servi de son art pour soutenir ces combats. Après de longs mois de réflexion autour de l’Algérie, il a choisi d’afficher au cœur d’Alger en 2003, un dessin de Maurice Audin, professeur d’université français engagé pour l’indépendance de l’Algérie, et mort sous la torture. Malgré deux arrestations et des tentatives pour lui retirer son appareil photo et ses affiches, un gradé de la police algérienne l’a remercié, lui confiant qu’il allait dire à ses hommes qui était ce martyr de leur révolution.
Reconnaissance
Reconnu par le milieux des street-artistes tels que JR ou Banksy, il est, depuis quelques années aussi sollicité par l’État. Plutôt étonnant au premier abord pour un artiste qui se dit lui-même « très indépendant et sauvage ». En mai 2015, François Hollande fait appel à lui : il demande à l’artiste de réaliser les portraits de Germaine Tillion, Geneviève De Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay, grandes figures de la résistance qui entrent au Panthéon. Exceptionnellement, puisque la cause lui plait, Ernest Pignon-Ernest accepte et dessine ces portraits beiges affichés sur la devanture du monument.
La polémique
Le 27 janvier dernier se tient une vente aux enchères de 36 couvertures du journal Libération, revisitées par des artistes. Le projet fait au profit de Reporter Sans Frontières est soudainement annulé, lorsque l’ambassade d’Israël en France demande à la galerie où se tient l’exposition de retirer la couverture d’Ernest Pignon-Ernest. L’artiste a fait le choix de dessiner sur la Une de la mort de Yasser Arafat, le portrait de Marwan Barghouti, chef militaire du Fatah (le « mouvement de libération de la Palestine ») emprisonné à vie en Israël. Son dessin était accompagné de la phrase suivante : « En 1980, quand j’ai dessiné Mandela, on m’a dit que c’était un terroriste ».