Martine Denisot est de ces femmes dont la délicatesse est inouïe. Habillée tout de rose poudré, elle avance vers son « orgue de matières premières ». Ce coffre en cuir renferme toutes les essences à l’origine de Pour toujours, sa collection de parfums sortie ce printemps.
« Les plus jolis souvenirs sont des souvenirs olfactifs. »
Depuis toujours, Martine Denisot se passionne pour les odeurs. Son plus beau souvenir olfactif, c’est celui des gants en peau de sa grand-mère qu’elle sentait ou mordillait, enfant. Il y a trois ans, après 25 ans de travail à l’office du tourisme d’Irlande, son rêve profond d’approcher le monde du parfum s’est concrétisé.
Le temps d’une année, Martine Denisot met entre parenthèses son métier dans la communication afin de faire ses gammes auprès de Jacques Polge, nez de Chanel. Rencontré grâce à la figure emblématique de Canal + Michel Denisot, avec qui elle partage sa vie, Jacques Polge lui permet de comprendre et d’apprendre le vocabulaire si propre au monde du parfum, en lui ouvrant les portes du laboratoire de la prestigieuse maison de luxe durant un an.
« Je suis tombée dans la marmite du sorcier » se souvient-elle. « Je me suis exercée à sentir la matière, à disséquer une essence jusqu’à un certain point. Les odeurs que j’aime sont celles qui nous font nous sentir bien. Les odeurs cocon, qui pourraient paraître être à rebours de certaines tendances. »
Nez au vent, Martine Denisot a appris à connaître les odeurs qui lui ressemblent. Ses six parfums, Graine, Tudo Bem, Bootylicious, Pyrus, Boule de Gomme ou Khamsin, évoquent des goûts ou des odeurs en lien avec sa vie. Petite, elle aimait plonger ses mains dans de grands sacs de jute pleins d’orge et de haricots chez les grainetiers de son Berry natal. La poussière qui en émanait évoquait une odeur de terre et l’un de ses parfums, Graine, est l’héritier de ce souvenir. Cette emprunte de terre est, aujourd’hui, la ligne conductrice de sa collection entière.
Si chacun de ses parfums racontent une histoire, un souvenir, la création de sa maison de fragrances, elle, est le fruit d’un hasard. Martine Denisot souhaitait avant tout se faire plaisir en testant des mélanges d’essences. Marraine d’un verger cognassier, dont la fleur l’a séduite, elle en fait une brume. Intégrée à une collection de parfums pour la maison (qui n’est plus en vente), elle est devenue la plus jolie vente de la série. Un épisode qui marque le premier pas de Martine Denisot vers la monétisation de ce qui était, jusqu’ici, un plaisir personnel.
« Le parfum Bootylicious est aussi parti de l’odeur du coing sur laquelle j’avais déjà travaillé pour la brume de maison. Le nom du fruit n’étant pas très sexy, j’ai cherché un nom, que j’ai finalement trouvé en lisant un magazine. Les anglais, qui sont un peu plus audacieux que nous, ont fait entrer le mot Bootylicious – qui est aussi un titre de chanson de Beyoncé – dans le dictionnaire d’Oxford se souvient-elle. Avant d’ajouter : je me suis dit que j’allais peut-être pouvoir m’en servir… Et puis, il est difficile de nier que le coing a une jolie paire de fesses ! »
Un nez non éduqué ne distinguera pas forcément toutes les subtilités des parfums de la maison Pour toujours. Cependant, tous les jus sont le fruit de mélanges très fins et complexes d’odeurs légères, à l’image de la douceur de leur créatrice. Ils sont à découvrir au Bon Marché à Paris ou chez Liberty à Londres, en attendant la nouvelle collection qui devrait sortir au printemps prochain.
Image à la Une © F. Coquerel