En association avec Spotify et sa playlist « Punchlineurs » qui regroupe tous les hits du rap français du moment, Clique a demandé à des experts d’analyser la formule pour composer un tube en 2017.
Inscrivez-vous à la playlist « Punchlineurs », exclusivement sur Spotify.
Pour ce cinquième et dernier épisode, nous avons essayé de comprendre comment, en plaçant certains morceaux dans leurs playlists les plus écoutées, les plateformes de streaming ont la possibilité de faire du morceau d’un artiste inconnu le hit incontournable de demain.
Pour en parler, nous nous sommes directement adressés à l’équipe qui s’occupe de la curation des playlists de rap chez Spotify France : Meriem Nassiri en charge de la composition éditoriale chez Spotify. Nous avons également demandé l’avis d’Oumar Samaké, fondateur de Golden Eye Music et manager des rappeurs Dosseh, Joke et Dinos Punchlinovic.
Créées au milieu des années 2000, les plateformes de streaming ont, en l’espace d’une dizaine d’années, révolutionné l’industrie musicale, à la fois dans sa consommation et sa diffusion. Aujourd’hui, plus d’un tiers des Français utilise une plateforme de streaming pour écouter de la musique. Et avec le développement du streaming, un nouvel acteur entre dans le jeu d’influence et du succès des titres : les playlists.
» Aujourd’hui nos utilisateurs consomment principalement de la musique via nos playlists : cela représente les usages de 50% des utilisateurs de Spotify et un milliard de streams par semaine… » expose Meriem Nassiri de Spotify.
Concoctées par des équipes de veille musicale, ces playlists sont le fruit de discussions éditoriales au sein des plateformes de streaming. Cloud rap, Fresh rap, Pop Urbaine, Classiques du Rap Français… Chez Spotify, en France, on retrouve sept playlists officielles de rap français.
Punchlineurs, qui regroupe les hits de rap français, est une vitrine pour l’élite la scène locale : elle compte près de 450 000 abonnés ce qui en fait la deuxième playlist française la plus populaire de la plateforme… Une audience considérable qui ne cesse de grimper au fil du développement du streaming : à l’instar des programmations des radios jusqu’à la fin des années 2000, la playlist Punchlineurs devient un acteur majeur pour la découverte et la popularisation de nouveaux morceaux de rap français – qui est, rappelons-le, le genre le plus écouté dans le pays…
Si les playlists sont devenues un enjeu de premier plan dans l’industrie musicale, celles qui concernent le rap cristallisent cet intérêt grandissant : sur les 25 titres les plus streamés dans la semaine du 13 octobre 2017, 24 morceaux sont issus du rap selon le classement fourni par la SNEP.
Oumar Samaké, fondateur du label Golden Eye, souligne l’importance croissante de ce nouvel instrument : « Les playlists sont devenues des médias à part entière, avec qui nous collaborons quasiment de la même manière ».
Mêlant artistes confirmés et nouveaux phénomènes, les playlists comme Punchlineurs deviennent des rampes de lancement incontournables pour les artistes en quête de succès. Au centre de cet enjeu, une question : comment figurer dans ces playlists ? Quelle est la part entre les choix éditoriaux, les suggestions des labels, les statistiques d’écoute et les algorithmes des plateformes ?
« Le choix des titres part souvent d’une intuition éditoriale. La data sert plus de donnée d’ajustement », précise Meriem Nassiri.
La salariée de Spotify cite l’exemple du morceau « Ouloulou » de Dabs pour illustrer le poids de l’éditorial au sein de la playlist Punchlineurs. « Il a été ajouté aux playlists suite à un coup de coeur éditorial au sein de notre équipe. Il n’était pas connu du grand public en décembre 2016. On a poussé le morceau sur un coup de coeur et les datas ont confirmé notre intuition. Du coup, sans être connu, ni signé, il est monté dans les playlists jusqu’à se hisser au top de Punchlineurs, aux côtés des Booba et des Kaaris. » Le morceau comptabilise aujourd’hui dix millions d’écoute sur Spotify… ainsi qu’une certification Platine, obtenue en septembre dernier.
Le clip de « Ouloulou » de Dabs.
Dans les chiffres mis à disposition des équipes des playlists, on retrouve le nombre d’écoutes mais aussi, entre autres, le taux de skip, qui repère les moments où l’auditeur a quitté la lecture de la chanson, ou encore le taux d’abonnement aux artistes…
Pour autant, les choix du public et des auditeurs peuvent aussi influer sur l’équipe éditoriale de Spotify, qui va être attentive aux coups de coeur populaires. « Il arrive que des titres soient portés à notre attention, parce que les utilisateurs jouent de manière organique un titre. C’est le cas notamment avec les artistes indépendants », ajoute Meriem Nassiri, qui tempère sur la nouvelle responsabilité supposée des playlists.
« Le Hip-hop a toujours valorisé les influenceurs : qu’ils soient DJs, animateurs de soirée ou animateurs radio. C’est juste un format différent », affirme Tuma Basa, le responsable de RapCaviar, la playlist la plus influente du rap américain (huit millions d’abonnés !).
Les responsables de ces playlists ne se considèrent pas pour autant comme des gardiens du temple : « le temps est révolu où c’était les rédacteurs de magazines, les directeurs artistiques et les programmateurs qui pouvaient déterminer ce que les gens écoutaient », ajoute Tuma Basa dans une récente interview. « Je me considère comme un facilitateur. Mon job n’est pas d’être un videur qui laisse les gens dehors ou qui les vire, mon job est de faire entrer les gens. Mon job, c’est de trouver les bonnes personnes et de faire en sorte que la fête continue de battre son plein. »
En France, Spotify confirme sa volonté de créer le rendez-vous et de défricher, comme pouvaient le faire les médias traditionnels.
« Punchlineurs vient de naître. Notre objectif va être d’événementialiser au maximum cette playlist, qui tend à devenir une vraie marque musicale. » – Meriem Nassiri.