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Arts
Par Elsa Scetbon

QUI ES-TU ? Charlie Lyne, petit génie du cinéma et super pro du teen movie

Âgé de 23 ans, Charlie Lyne, critique pour The Guardian et blogueur consacré par The Times, The Independant ou encore The Daily Mail, ne cesse de faire parler de lui. Réalisateur et auteur de son premier long-métrage Beyond Clueless, le cinéphile nous plonge dans les arcanes du cinéma ado et remet au goût du jour plus de 200 teen movies.
En salles le 29 avril, le film a entièrement été financé par 500 donateurs de Kickstarters en janvier 2013 et a été présenté avec succès au Festival South By South West, pour ne citer que lui.
Boom, bal de Promo, soirée girly ou encore remise de diplômes, il interroge avec finesse toute une génération souvent incomprise.

Qui es-tu ?
Je m’appelle Charlie Lyne, j’ai 23 ans et je viens de Londres.
À l’âge de 16 ans, j’ai créé mon blog sur le cinéma appelé Ultraculure. Puis, j’ai quitté le lycée, mon blog s’est développé et j’en ai fait mon métier. Je m’y suis consacré à plein temps et je suis devenu critique de cinéma en freelance. Puis j’ai eu la chance de faire ce film, qui est lui-même une sorte de critique de films. J’ai une sœur qui est américaine, elle vient de finir le lycée, donc elle est en quelque sorte ma taupe dans les écoles américaines si un jour j’en ai besoin (rires).

Tu es journaliste à la base, qu’est ce qui t’a fait changer de casquette ?
Je pense que, dans le fond, j’aurai toujours envie de faire les deux. Je dois trouver un équilibre. Mais les deux m’aident, ils se complètent dans mon travail puisque j’ai fait ce film et que je travaille sur les films. Ça a vraiment contribué à mon développement en tant que critique cinéma, cela m’a donné une meilleure compréhension de ce milieu. Ce qui est précieux quand tu écris sur ce sujet. Je continue à écrire toutes les semaines dans le journal anglais The Guardian. J’aime vraiment ça, mais faire un film est certainement plus excitant. Ça me permet de voyager, de donner des interviews, d’aller à des festivals. On a un peu moins d’excitation à être critique de cinéma, bien que cela m’ait également permis d’aller à des festivals. Donc voilà.. c’est surement plus drôle de faire des films, mais une fois de plus je ne pense pas que j’aurais pu faire l’un sans l’autre.

Comment on fait pour convaincre des producteurs quand on a 23 ans ?Techniquement, je n’ai pas eu à le faire puisque nous avons réalisé notre projet grâce à Kickstarter, qui est un site de crowdfunding. Je ne pense pas que ça soit bon pour toutes les personnes ou tous les projets. Mais en l’occurrence pour moi et les deux ou trois personnes avec qui j’étais c’était parfait puisque nous n’avons pas beaucoup d’expérience dans la réalisation de film. Par contre, nous savions que le sujet qu’on proposait aller intéresser les gens. Nous avions un avantage que beaucoup d’autres n’ont pas dans le crowdfunding, c’est que nous pouvions leur dire : « Voilà un sujet qui vous passionne déjà, on veut en faire un film et avec de la chance cela vous plaira » et oui, les gens ont été emballés. Le budget dont nous avions besoin était relativement petit comparé à d’autres, mais j’ai quand même été époustouflé par l’enthousiasme général. J’espère ainsi que les conversations que j’aurai avec les hypothétiques producteurs que je rencontrerai seront plus faciles.

 

 

 

Lors de ta présentation tu as dit que c’était facile de faire un film : des images et une table de montage. Quel message souhaite-tu faire passer ?
Ce que je voulais dire c’est que le processus pour faire un film est extrêmement basique. Si vous avez quelques DVD et un ordinateur, vous pouvez quasiment faire ce film. Quand vous allez sur YouTube et que vous regardez ce que les gens y mettent, il y a des projets du même genre que le mien : ils prennent quelque chose qui existe déjà et disent ce qu’ils en pensent, la seule différence c’est qu’on va appeler ça un film au cinéma alors que posté sur YouTube on appellera ça une vidéo. J’ai eu beaucoup de chance, le film a pris des proportions inespérées.
C’est ma responsabilité en tant que critique de cinéma, mais aussi celle des autres d’aller chercher et de trouver ces vidéos pour les faire ressortir. Il y a beaucoup de choses sur Internet qui sont faites par des enfants qui méritent d’être découvertes.

Quel genre d’adolescent étais-tu ?
Je dirais que j’étais un adolescent qui regardait beaucoup de Teen Movies, ça c’est certain. J’étais du genre artiste. Quand j’avais 14 ou 15 ans, j’étais attiré par l’art conceptuel donc je faisais beaucoup d’art conceptuel à l’école. Mais je ne le prenais pas sérieusement. J’aurais dû me diriger vers une école d’art, mais je suis devenu critique de cinéma.

L’adolescence est défini comme l’âge ingrat, tu es d’accord avec ça ?
Bien sûr. Je ne peux pas penser à une autre période de ma vie qui a été plus bizarre et écrasante que celle-là. Ces quelques années où tu traverses la puberté, tu te cherches, l’éveil sexuel… Tout ça te tombe dessus en même temps, c’est très bizarre comme ressenti. Je pense que c’est en partie pour cela que ces films représentent une sorte de refuge.
En tout cas pour moi ça a été toujours été un monde à part, dans lequel je pouvais entrer pour m’échapper de la réalité de ma vie d’adolescent. C’est probablement pour cela qu’ils existeront toujours sous une forme ou une autre. Être un adolescent ne va pas devenir plus facile dans le futur.

Tu mets en avant tous les problèmes auxquels un adolescent peut être confronté : la méchanceté, l’humiliation, le racisme, le sexe.
Quel est le pire souvenir de ton adolescence ?
Oh mon Dieu, c’est une bonne question. Je te donne un point parce que personne ne m’a jamais posé cette question avant ! Je dirais que c’est un peu comme pour tout le monde : des histoires d’amour que vous imaginiez être les plus importantes de votre vie et qui finalement ne seront rien. Je me souviens d’une scène qui s’est passée un premier jour d’école. On pense que ça n’arrive que dans les films : j’étais assis sur un banc, une fille avance vers moi et me fais signe donc je lui réponds : « Hi ! », en lui faisant un signe en retour, mais bien-sûr ce n’était pas à moi qu’elle faisait signe ! Avec du recul ça me semble évident, j’avais tellement honte ! Pourtant j’ai bien vécu cette expérience qui semble tiré d’un sketch.

Est ce que tu pourrais définir ton film comme un roman d’éducation ?
La joie de ce genre de film est d’embrasser les émotions, si tu le ressens comme un rite de passage c’est exactement l’effet désiré donc je suis content que tu dises ça. C’est aussi pour ça que j’ai procédé de cette manière avec différents clips ; ne pas couper avec des interviews. Je voulais vraiment que ce soit pur.

Tu dis deux choses très fortes dans ton film : au chapitre 5 tu parles de « l’illusion de la jeunesse » et à l’épilogue tu dis : « Adulte, on assume ses anormalités. ». Es-tu pessimiste ? Est ce un constat de ta propre vie ?
Mon but était vraiment de faire refléter les Teen Movies comme le monde les voit. Et c’est vrai que, dans un sens, ils peuvent paraître pessimistes et très conservateurs dans la manière de penser, ce qui est l’inconvénient de ces films. Mais inévitablement, le processus de réalisation du film ayant été si personnel, qu’une grosse partie de moi-même a été mise dedans. Mais je ne dirais pas que le processus de laisser l’adolescence derrière soi ou d’assumer ses anormalités, est quelque chose de négatif pour autant.
Je me souviens quand j’ai quitté le lycée, je me suis dit : « Wow qu’est ce que c’était ? ». À la seconde où l’on quitte cet établissement, on n’arrive plus à imaginer qu’on y était, cela semble si bizarre. Tu te dis : « Wow j’ai pris ça pour acquis toutes ces années ! ». Cela semble fou ! Aujourd’hui, on ne pourrait jamais s’y replonger. Il y a à la fois de la joie et une désorientation à laisser tout ça derrière soi.

Pourquoi parmi tous les teen-movies, tu as choisi de faire écho à Clueless, le film d’Amy Heckerling ? Est ce que c’est une stratégie de communication ?
J’adore ce film mais la meilleure chose à propos de Clueless, c’est qu’il a permis de redonner confiance aux studios hollywoodiens. Il suffit de regarder le nombre de Teen Movies produits avant la sortie de Clueless, il devait y en avoir une demie douzaine et l’année d’après les chiffres se sont envolés. Donc même si les 200 ou 300 films qui apparaissent dans Beyond Clueless n’y font pas toujours référence, ils lui doivent tous une dette en quelque sorte. C’est comme un point de référence que les gens associent à cette époque.
Le clip d’Iggy Azalea avec Charlie XCX « Fancy » est sorti au moment où nous étions en train de faire la promotion du film au South By Southwest Festival.
Le timing était assez incroyable, c’était fou de voir l’intérêt porté à ce film.

 

 

 

Le teen-movie est un phénomène ignoré voire méprisé, pourquoi ?
C’est compréhensible puisque, idéalement, et par dessus tout, les Teen Movies sont faits pour plaire aux adolescents. Donc d’un côté cela a du sens qu’un critique de 40 ou 50 ans ne puisse pas y voir d’intérêt. Mais je ne comprends pas pourquoi on ne voudrait pas s’interroger sur ce phénomène, y réfléchir d’une manière critique, cela me paraît fou.
Bien sûr qu’il y a des mauvais Teen Movies mais il y en a aussi des bons, ce n’est pas pour autant qu’il faut complètement les ignorer. Peu importe ce que vous pensez, vous manquez l’opportunité de pouvoir vous y attaquer. C’est un phénomène tellement puissant, du moins pour les générations plus jeunes. Personnellement je trouverai toujours cela fascinant, même si je ne les comprends pas toujours.
C’est comme ce film qui est sorti l’année dernière « Nos Étoiles contraires », je l’ai trouvé déroutant, je ne l’ai pas du tout compris, je ne l’ai pas trop aimé non plus et pourtant il a rapporté 300 millions de dollars, rien qu’avec des adolescents qui se sont rués pour le voir. Je trouve ça fascinant et je me dis : « Qu’est ce qu’il y a à propos de ce film qui fait que ça fonctionne vraiment très très bien auprès des adolescents ? ».
Dans tous les cas, ça ne sera jamais inintéressant à mes yeux.

 

 

Le teen-movie est-il un genre subversif ?
Je ne pense pas que beaucoup de personnes soient d’accord avec ça. C’est un genre qui est conduit par des formules et des stéréotypes qui ressortent tout le temps. Je comprends que les gens puissent les regarder en se disant que c’est toujours prévisible, mais le fait qu’ils soient toujours aussi prévisibles rend les tous petits éléments subversifs, beaucoup plus puissants.
Faire un film subversif que 100 personnes vont voir et faire un Teen Movies que des millions de personnes vont voir avec un simple élément subversif pourra avoir un effet massif sur les gens. C’est ce qui s’est passé pour moi quand j’étais adolescent et ce seront toujours mes films préférés.Teen Movies ou non, je parle des films qui apportent quelque chose de puissant alors qu’on ne s’attendait pas à cela en les jugeant par la couverture.

Qu’est ce que les teen-movies disent de nous ? Quel est ton avis sur ta génération ?
C’est très personnel donc c’est dur d’en faire une généralisation mais je pense que les Teen Movies qu’on regarde quand on est adolescent peuvent nous en dire beaucoup sur nous-même. En regardant les 200 films qui ont servi pour Beyond Clueless, chacun reflétait un peu une partie de mon adolescence. Tu ne peux pas t’empêcher de te remémorer ce qu’ils représentaient pour toi il y a 10 ans ou te souvenir à quel point tu t’identifiais à un personnage en particulier.
On fait partie d’une génération transitionnelle parce qu’on est les seuls à qui Internet a été donné au milieu de notre adolescence. On a dû s’adapter à cela. Quand j’ai commencé à aller à l’école je n’avais même pas de téléphone portable et quand j’ai fini le lycée, on avait tous Facebook et le reste. Toute la culture avait complètement changé. Aujourd’hui pour les nouvelles générations, tout leur est donné, ils ne sauront jamais ce que c’est de faire une recherche sans utiliser Internet.
En gros, on pourra dire qu’on a été une génération étrange.

Dans ton premier court-métrage tu rends hommage au maître du suspens en récupérant tous les passages de ses films qui évoquaient une séquence meurtrière. Aujourd’hui tu rends hommage au teen-movie avec le derushage de plus de 200 films, quelle est la prochaine étape?
C’est marrant que tu dises ça parce que quand je l’ai fait ça et que je l’ai mis sur YouTube, je n’aurais jamais appelé ça un film, ou même un court-métrage, c’était une simple vidéo YouTube. Mais maintenant que j’y repense, cela semble être une étape logique vers ce film. Tout dépend de la manière dont tu l’élabores dans ta tête.
Concernant mes projets, j’ai commencé la semaine dernière à travailler sur mon nouveau film qui est un film pour la BBC « Fear Itself ». C’est un projet un peu similaire. Il aborde la peur à travers les films d’horreur. C’est un voyage à travers la psychologie des films d’horreur et je dois le finir d’ici octobre, ce qui est aussi terrifiant.

L’âge d’or du teen-movie était dans les années 80, pourtant tu n’y fais pas référence, pourquoi ?
Pour être honnête, je pense qu’un âge d’or reste toujours la période dans laquelle on a grandi. Après il y a des personnes qui sont venus à ma projection qui avait 30 ou 40 ans et qui sont convaincus que l’âge d’or du teen-movie, ce sont les années 90 avec John Hugues. Il y a aussi des personnes qui ont 60 ou 70 ans et qui sont convaincus que ce sont les films de James Dean dans les années 50, et je suis sûr que s’il y avait eu des personnes de 100 ans à mes projections, elles auraient dit que ce sont les films des années 30 qui sont les meilleurs.
C’est très subjectif. Et le sujet a beaucoup évolué.
Si on regarde les premiers teen movies, c’est souvent fait du point de vue de l’adulte qui voit son adolescence comme un problème à résoudre. Plus les années passent plus il y a un changement de perspective, désormais on regarde à travers les yeux de l’adolescent, de son point de vue. Ce qui veut dire bien sûr que cela intéresse encore plus les adolescents eux-mêmes. Et maintenant que les adolescents font leurs propres trucs, avec leur propre perspective et peuvent tout poster directement sur Internet pour d’autres adolescents, on a atteint le point ultime. On n’a plus besoin d’adultes au milieu : ça va des adolescents aux autres adolescents, directement.

Quel est ton teen-movie préféré ?
« Eurotrip ». Ce n’est probablement pas celui qui a été le plus encensé par la critique, mais c’est celui qui a eu le plus d’impact sur moi quand j’étais adolescent et encore aujourd’hui quand je le revois. On le voit 5 ou 6 minutes dans « Beyond Clueless ». Il est très étrange mais c’est un bon exemple de film pour adolescents qui, en fait, apporte beaucoup plus que ce qu’on ne peut penser.

Quel est ton site Internet préféré ?
C’est une bonne question… J’essaye de penser à d’autres choses que les exemples ennuyeux de Facebook ou Twitter… Il y a « The Pitchfork », un site musical, duquel découle un autre site, « The Dissolve » mais pour les films cette fois. Je l’aime beaucoup, enfin un peu moins puisqu’ils n’ont pas donné une bonne critique à « Beyond Clueless » (rires).

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