“Ils m'ont dit, ‘Donc, tu as voulu construire une bombe ?’. J'ai répondu que non, je voulais construire une horloge”.
Pour sa première rentrée au lycée, Ahmed Mohamed voulait se faire bien voir de ses professeurs. La prochaine fois, peut-être. Lundi 15 septembre, Ahmed, 14 ans, scolarisé à Irving, au Texas, a été interpellé par la police, menotté et conduit dans un centre de détention pour mineurs. Sa « faute » : avoir construit tout seul, un dimanche soir et en 20 minutes (selon le Dallas Morning News, qui l’a interrogé), une horloge artisanale… et l’avoir apportée à ses professeurs, le lendemain, dans l’espoir qu’ils le félicitent. L’engin, composé d’un circuit et de fils électriques, d’une batterie et d’un petit écran, est moins élaboré qu’un radio-réveil classique. Il a pourtant suffi à semer la panique en cours d’Anglais.
Soupçonnant le jeune garçon d’avoir introduit une bombe dans l’établissement, l’un des professeurs d’Ahmed a alerté le proviseur.
Étonnant ? Pas vraiment, dirait-on : avant les événements, un autre professeur aurait recommandé à Ahmed de garder l’invention pour lui. Plus aucun risque : il est suspendu pour 3 jours. Il pourrait être poursuivi par la police, qui le soupçonne d’avoir élaboré une « fausse bombe » (et l’on se demande, alors, pourquoi elle n’a pas évacué l’école).
Ahmed est musulman, sa peau est foncée. À sa vue, rapporte-t-il, les policiers venus le chercher au lycée auraient dit : « Ah. Il s’agit bien de ce que je pensais ». « Je pense que ce ne serait même pas une question s’il ne s’appelait pas Ahmed Mohamed », a réagi Alia Salem, directrice exécutive d’une section régionale du « Conseil des Relations Islamo-Américaines », une ONG musulmane. L’incident intervient alors que la maire d’Irving, Beth Van Duyne, est vue comme un héros national par les Conservateurs américains et accusée de stigmatisation par la communauté musulmane pour avoir défendu, en mars dernier, une « loi anti-Charia » très controversée (voir l’article de The Independent à ce propos).
Le témoignage intégral d’Ahmed (en anglais), recueilli par le Dallas Morning News.
Le Dallas Morning News précise qu’Ahmed est passionné de technologie. L’année précédente, au collège, il avait intégré un club de robotique. Au moment de son interpellation, il portait un T-Shirt floqué du logo de la NASA :
I expect they will have more to say tomorrow, but Ahmed’s sister asked me to share this photo. A NASA shirt! pic.twitter.com/nR4gt992gB — Anil Dash (@anildash) 16 Septembre 2015
L’image a été postée sur Twitter par Anil Dash, blogueur et éminent membre de la communauté « Tech » du réseau social. Citant les mots de Barack Obama, en 2014 (« Ensemble, débridons l’imagination de notre peuple, affirmons que nous sommes une Nation qui construit, et faisons en sorte que la prochaine grande révolution technologique arrive ici, en Amérique »), il a créé un Google doc participatif, où chacun est invité à noter des idées pour aider Ahmed et l’inciter à conserver son esprit créatif.
Le soutien au jeune garçon s’est rapidement propagé sur Internet, notamment via le hashtag #IStandWithAhmed (« Je soutiens Ahmed »). Pour la petite histoire, le site The Verge rapporte la proposition de Fred Calef, ingénieur à la NASA et spécialiste de la planète Mars, qui a invité Ahmed à venir observer un rover avec lui.
Anytime you wanna see Mars rovers Ahmed, let me know. #IStandWithAhmed — Imperator MARSiosa (@cirquelar) 16 Septembre 2015
Mark Zuckerberg, président de Facebook, y est aussi allé de son message de soutien. Le site Wired, quant à lui, a publié un mode d’emploi pour que chacun construise sa propre horloge, à la maison.
Edit du jeudi 17 septembre – Le Président des États-Unis a un message pour Ahmed :
Cool clock, Ahmed. Want to bring it to the White House? We should inspire more kids like you to like science. It’s what makes America great.
— President Obama (@POTUS) 16 Septembre 2015
« Super horloge, Ahmed. Veux-tu l’apporter à la Maison Blanche ? On devrait faire en sorte que plus de jeunes comme toi aiment la science. C’est ce qui donne sa force à l’Amérique ».