« Spectateur d’une scène politique dissonante et sclérosée, l’artiste JMG a décidé de parodier le parrainage des 500 signatures permettant d’accéder à la course au poste le plus prisé du pays », voici le message que l’on peut lire sur le site mouloudpresident.com. Derrière cet affichage sauvage parisien se cache Jean-Marie Georgelin, street artiste français. Rencontre avec ce responsable de centre d’appel lyonnais qui a tapissé les murs des quartiers de la capitale avec ses affiches.
Pourquoi avez-vous choisi Mouloud Achour comme candidat ?
Je ne le connais pas personnellement mais de ce que je perçois de lui, à travers les médias, c’est qu’il gravite depuis plus de dix ans dans le monde du rap et du hip hop. Je viens de la culture graf donc quand il travaillait avec “La Caution”, c’était un univers que je connaissais déjà. À 30 ans, je me retrouve dans le contenu que Mouloud décide de partager sur Clique : ça va d’un son de rap US à l’interview d’un philosophe ou d’un homme politique. Ça fait dix ans que je n’ai plus la télé donc je m’informe sur le Net. J’ai décidé de ne plus regarder les JT, je ne regarde que ce que je veux bien voir. Mouloud offre une vision différente de la société, il ne parle « pas de l’actualité mais du monde actuel », comme il le dit. J’attends d’un homme politique qu’il me parle d’une culture qui existe plutôt que de chiffres abstraits.
Pourquoi n’avez-vous pas demandé à Mouloud son autorisation ?
Je suppose que ça aurait été plus compliqué. Il aurait fallu se mettre d’accord sur certaines choses. C’est ce qui s’est passé d’ailleurs quand on a brièvement discuté sur Twitter suite au lancement du concept. Je n’aurais peut-être même pas réussi à le contacter. Je travaille sur l’instant et je ne suis pas sûr qu’un personnage public aurait validé un projet comme celui-ci. Je reste avant tout un artiste donc je souhaite conserver toute ma marge de manœuvre.
Pourquoi avoir privé Mouloud de son nom de famille, Achour ?
Simplement mettre “Mouloud”, ça n’a rien de raciste ou polémique. C’est pour asseoir le fait que parmi nous il y a des Mouloud, des Rachid, que ce soit un acquis. C’est pour ça que j’ai pris le parti de ne pas mettre « Achour » et juste « Mouloud ». Mon message est totalement antiraciste. Moi je pense que c’est possible, en 2022, d’avoir un président qui s’appelle Rachid. Et peut être que ce serait même mieux. Aux États-Unis quand ils ont eu Obama, ils ont trouvé ça extraordinaire, mais ça n’a rien d’impossible.
Était-ce important pour vous que votre candidat soit d’origine maghrébine ?
A 200 % ! J’ai choisi un homme d’origine maghrébine pour voir les réactions du public aux affiches. Mais je n’ai pas réfléchi en terme d’éthnicité, en fait. L’utilisation de “Mouloud” n’est en aucun cas une instrumentalisation de ses origines, c’est juste le reflet d’une France multiculturelle que beaucoup de politiques ont tendance à occulter ou discriminer. Le prénom, en fait, n’importe pas, c’est intéressant de voir que, pour les médias, c’est une interrogation.
Vous dites avoir initié cette démarche notamment parce que, d’après vous, notre système politique ne fonctionne plus.
Aujourd’hui, les politiques sont hors jeu, ils sont formés pour la politique mais loin des gens. Je serais prêt à voter pour un candidat qui vit dans la réalité, qui sait en parler, qui diffuse un message concret et n’est pas affilié à un parti politique. Mes affiches expriment mon engagement. Je pense que mon initiative est plus forte que ma venue aux urnes. J’ai regardé le documentaire “J’ai pas voté”. Dans ce reportage, il y a un discours abstentionniste auquel j’adhère. À 32 ans, je n’ai jamais voté ni jamais eu de carte d’électeur. À ma majorité, personne ne m’a forcé à m’inscrire sur les listes électorales et je m’y suis pas intéressé. Pour autant, je ne tire pas de fierté particulière de mon abstention. Je ne me retrouve simplement pas dans le jeu politique.
Cette candidature, c’est comme la candidature de Coluche en 1981 ?
J’étais tout petit à cette époque-là, mais j’ai suivi des reportages et on m’a expliqué le phénomène. Mais là c’est différent. Mouloud lui-même n’est pas associé au projet. Je me présente plus comme un artiste, c’est un travail dans lequel je mets une part de conscience. Mon projet est très participatif puisque le but est d’atteindre les 500 signatures citoyennes. J’ai simplement lancé le projet : il a vocation à être relayé. Je veux que ça parle aux gens et qu’ils veuillent signer aussi. Mon but n’est pas de m’engager dans une campagne propre, puisque comme je le disais, Mouloud lui-même n’est pas associé au projet. On est entré en contact brièvement mais ce n’est pas son parti pris personnel.
Ça vous coûte combien de faire tout ça ?
Je suis venu à Paris spécialement pour ça, en covoiturage. J’ai fait imprimer deux cent affiches, ça m’a couté 200 euros. J’ai monté un bureau de vote aussi pour la “Biennale du Futur” à Lyon en septembre dernier. L’exposition m’a coûtée 40 euros en tout. Voilà, ça ne fait pas une grosse somme.
Vous comptez continuer cette campagne ?
Là, ma pétition a 120 signataires. La campagne continue, principalement sur les réseaux sociaux. Y a une semaine j’ai fait une petite interview dans un média parisien, j’ai gagné pas mal de signatures. J’ai déjà mis 300 euros, je ne vais pas m’amuser à tuer mon budget pour cette “campagne”. Ça reste un projet artistique, je ne tiens pas à faire de politique. Si j’ai les 500 signatures c’est déjà une finalité, cela voudrait dire que des gens se sont pris au jeu. Quoiqu’il en soit tout s’est fait très vite, en deux semaines j’avais déjà tout bouclé. C’est du direct, je n’ai pas mûri le projet plus longtemps que ça.