Accusé de sexisme et de discrimination envers les femmes, Wikipédia est au coeur de nombreuses polémiques. L'encyclopédie participative en ligne court-elle à sa perte ?
Certaines contributrices de Wikipedia sont la cible de cyber-harcèlement de la part de leurs collègues, et sur le site, les préjugés sexistes abondent. Récemment, une contributrice de l’encyclopédie en ligne a découvert que quelqu’un avait posté des photos d’elle sur des sites pornographiques, comme l’explique The Atlantic. En réalité, l’auteur de ce piratage n’était rien d’autre qu’un de ses collègues. Cet incident n’est qu’un petit aperçu du sexisme ambiant qui règne chez Wikipedia.
Une chose est sûre : Wikipedia est une réussite, c’est désormais le septième site le plus consulté au monde. Seulement voilà, depuis sa création l’essence du projet a évolué. En 2001, date du lancement de l’encyclopédie, son fondateur, Jimmy Wales indiquait que le site prônerait une « culture du savoir, de la diplomatie et de l’honnêteté » et garantirait « un point de vue neutre ». Mais avec le temps, la politique de Wikipedia est devenue de plus en plus dominée par une poignée de personnes, les rédacteurs qui ont rejoint en premier le projet. Résultat : Wikipedia s’est transformé une sorte d’oligarchie du web.
Le Comité d’arbitrage (« ArbCom ») la plus haute juridiction de Wikipedia, illustre bien ce phénomène. Ses membres sont pour la plupart des hommes blancs et avec un certain niveau d’études, ce qui continue à renforcer certains préjugés sexistes, explique Molly White, une contributrice connue sous le nom de « GorillaWarfare » et une des deux femmes membres du ArbCom.
« Je ne pense pas que les membres du Comité d’arbitrage excluent intentionnellement les femmes et les autres minorités de Wikipedia, mais il me semble que leurs décisions ont parfois cet effet », a-t-elle expliqué.
En 2011, une étude interne révéla que moins de 10% des rédactrices de Wikipedia étaient des femmes. Dès lors, les dirigeants de l’encyclopédie ont ligne, ont instauré le « Gender Gap Task Force », un projet visant à augmenter la participation des femmes à Wikipedia de ses 10% actuels à 25% d’ici la fin 2015. « Un échec cuisant », selon Jimmy Wales. Un autre problème persiste : la sous-représentation des personnalités féminines sur l’encyclopédie.
Cette année, une étude réalisée par des chercheurs allemand et suisse révèle que les pages Wikipédia de femmes sont en général liées à leur statut de femme ou à leur statut matrimonial, contrairement à celles des hommes.
La discrimination des femmes chez Wikipedia, c’est un peu le serpent qui se mord la queue : le manque de rédactrices, entraîne un contenu peu féminisé, ce qui au final, repousse les femmes à contribuer au site.
En 2011, la journaliste canadienne Sue Gardner, expliqua pourquoi les femmes ne veulent pas écrire sur Wikipedia. Par exemple, lorsqu’il y a une scène de viol dans un film, elle est, le plus souvent décrite sur sa page, comme une « scène de sexe », voire même, « une scène d’amour ». « Quand les gens essaient de changer ça, les rédacteurs expliquent que contrairement à « viol », le mot « sexe » est neutre, et donc il faut le laisser », écrit Sue Gardner. « Découvrir ce procédé m’a vraiment choquée et je ne me suis pas sentie bienvenue ».
Certaines contributrices tentent, à leur façon, de faire évoluer tout ça. Elles ajoutent des articles sur des femmes qui ont par exemple marqué l’histoire, mais il en reste encore des milliers à faire.
« Beaucoup de femmes avec qui je travaille sur Wikipédia se soucient vraiment de rendre ces biographies accessibles sur le web, parce que vous savez, si elles n’existent pas sur Wikipedia, c’est comme si elles n’existaient tout simplement pas », a déclaré Emily Temple-Wood, une des rédactrices de l’encyclopédie. « Ces femmes ont besoin d’être inscrites dans l’histoire. »
Finalement, c’est aux contributeurs du site de décider s’ils souhaitent, ou non, mettre fin à cette oligarchie, et attirer davantage de rédacteurs extérieurs, et écouter les opinions plus modérées. L’avenir de Wikipedia semble aujourd’hui en dépendre.