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Société

LA VIDÉO DU JOUR : Images du quotidien à Calais

L’ « Appel de Calais », soutenu par Clique, réunit 800 artistes, intellectuels, chercheurs, associations et personnalités autour d’un impératif : « alerter l’opinion publique des épouvantables conditions de vie réservées aux migrants et aux réfugiés de la jungle de Calais ».

Parmi les signataires, il y a Catherine Corsini. Le 19 octobre dernier, la scénariste et réalisatrice s’est rendue sur place avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Nicolas Philibert et Christophe Ruggia. Ensemble, ils ont accompagné leur engagement écrit d’une trace filmée, témoignage de l’âpre quotidien de la « jungle » de Calais.

La « jungle » de Calais en images

Posté par Clique sur lundi 26 octobre 2015

Parce que nous refusons de refuser l’autre, et parce que nous faisons partie du même monde qu’eux, CLIQUE.TV est solidaire de l’appel de Calais. Nous vous encourageons à Cliquer et signer la pétition ici :

www.change.org/appeldecalais

Clique : Qu’avez-vous ressenti à votre arrivée à Calais ?
Catherine Corsini : Quand nous sommes arrivés là-bas, avec un traducteur, nous avions un peu peur. Nous nous sentions responsables : on ne débarquait pas dans un zoo. Nous nous sommes d’ailleurs rendus compte que beaucoup de gens refusaient de parler aux journalistes.
Mais lorsque nous leur avons expliqué notre démarche, lorsque nous leur avons montré que nous voulions essayer de les aider, l’accueil a été différent, très chaleureux : on entendait des « Welcome », des « Salam », des « Bonjour ». Ils nous répondaient volontiers… Sauf ceux, évidemment, qui craignaient que les images puissent porter préjudice à leurs familles dans certains pays, comme le Soudan par exemple.

Que faut-il retenir de ces images ?
Que l’on se doit d’être accueillant, ce sont les lois de la République. Chacune de ces personnes a un destin extrêmement fort. Ce n’est pas une masse de gens, il s’agit d’individus qui ont fui des conditions de vie absolument terribles, vécu des mois et des mois sur des routes, payé pour le transport, risqué leur vie pour traverser la France et pour enfin rejoindre l’Angleterre. Car il ne faut pas oublier qu’ils n’ont pas envie de rester en France.

À Calais, ils vivent dans des conditions monstrueuses. Donner à voir tous ces trajets individuels leur donne quelque chose d’encore plus précieux… et ça nous rend encore plus responsables.

Cela permet de mettre des visages, des noms, sur une situation, de se souvenir que nous aussi, nous pourrions être chassés, pourchassés, nous retrouver dans des situations de guerre.

Parmi ces destins que vous évoquez, lesquels vous ont particulièrement marquée ?
À Calais, les gens souvent sont assez jeunes : pour se déplacer, il faut avoir de la force physique. Je pense à ce couple de jeunes Iraniens d’une gentillesse incroyable, installés dans une toute petite caravane. Ils venaient de passer 3 mois et demi sur les routes, et la femme devait accoucher sous peu. Nous y sommes allés le 19 octobre, elle a probablement accouché d’ailleurs.
Il y a aussi ce garçon, qui a obtenu ses papiers pour l’Angleterre, mais pas sa famille. Il a choisi d’attendre avec eux que la situation se débloque.

Ces histoires, ce sont des situations de détresse précises, concrètes. Aujourd’hui, on croule tellement sous un flot d’images que l’on n’arrive plus à avoir de regard, à réfléchir sur le chamboulement du monde qui se déroule sous nos yeux. Mais si on prenait le temps de regarder vraiment, d’aller voir sur place ce qu’il se passe, tout le monde mettrait la main à la pâte.

On dit de la « jungle » de Calais que c’est désormais un endroit sédentarisé, comme s’il n’allait jamais disparaître. Est-ce que vous l’avez ressenti ainsi ?
Les gens essayent simplement de trouver des moyens de survie décents, au milieu de ces conditions insupportables, qu’ils subissent 15 jours, 3 mois, ou encore plus longtemps. Oui, cela passe par la construction de baraques en bois, par des activités pour donner aux enfants un peu de chaleur humaine… Mais ils veulent s’en aller.
Quand ils voient des gens se faire gazer, tous les soirs, par les forces de l’ordre, c’est l’angoisse… et en même temps, ils sont prêts à tout pour passer. Cette force-là est absolument incroyable, ils nous donnent des leçons de vie.

Au départ, l’Appel de Calais est une tribune accompagnée de 800 signatures, une lettre ouverte au gouvernement français. Pourquoi avez-vous tenu à l’accompagner d’images ?
Je n’aurais pas pu signer ce texte sans que nous allions tourner à Calais. Il nous fallait nous rendre compte, par nous-même, de la situation.

Nous devons rapporter les événements, mais aussi les affronter.

On se connaît tous de longue date – depuis notre appel à désobéir de 1997 sur l’interdiction d’héberger des personnes en situation irrégulière – notamment via la Société des Réalisateurs de Films, la SRF (qui a notamment soutenu le film « Les 18 du 57, bd de Strasbourg », sur les employés en situation irrégulière d’un salon de coiffure du Xe arrondissement parisien, NDLR). Nous nous situons dans une réflexion de long-terme sur les migrations, sur les « sans papiers. Ce qui nous lie, c’est notre volonté d’être en contact avec ce qui se passe dans la société, dans le réel, et de s’en faire l’écho.

Face à l’urgence de la situation, que faut-il faire ?
Il va commencer à faire froid, ça peut prendre feu à tout moment, c’est insalubre. Il faut des mesures, les mesurettes ne suffisent plus. Le gouvernement de François Hollande a un chance a saisir : celle d’être dans l’humain. En 2009, François Hollande a écrit une tribune sur Calais qui n’a plus rien à voir avec le discours qu’il tient aujourd’hui. Voilà ce qu’on est en train de lui rappeler.

Les signataires, les associations, tout le monde doit être solidaire : on a besoin de se rassembler pour être encore plus forts et affirmer qu’il y a des libertés fondamentales auxquelles on ne dérogera pas.

Allez-vous retourner à Calais ?
Oui, nous avons a mis en place un système de veille, avec un roulement qui permettra d’apporter des images le plus souvent possible. Nous voulons aussi aller filmer les habitants de Calais, qui se sentent exclus et remontés. Au-delà de la jungle, c’est une ville toute entière qui est laissée à l’abandon.

Propos recueillis par Laura Aronica

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