Auteur, illustrateur, Youtubeur... Rachid Sguini collectionne les casquettes. Avec son blog Les Gribouillages de Rakidd, il s'est construit une petite notoriété sur les réseaux sociaux. Rencontre.
Qui es-tu Rakidd ?
Je m’appelle Rachid Sguini, j’ai 27 ans, je suis illustrateur et auteur. Je viens de Haute-Loire, en Auvergne. Je suis à mon compte, et je travaille notamment pour Gulli et Universal Music. Avec des amis on a également monté une boîte de communication, orientée sur l’humour.
Depuis combien de temps as-tu ton blog BD ?
J’ai ouvert Les Gribouillages de Rakidd en septembre 2012. J’y ai mis un dessin qui expliquait pourquoi je préfère les Starbucks aux cafés parisiens, qui a bien marché. Au début je postais des petits dessins sur ma vie, et j’ai commencé au fur et à mesure à commenter l’actualité. Tumblr m’a mis en page d’accueil, j’ai atteint les 60 000 abonnés, et j’ai ouvert ma page Facebook, sur laquelle je mets d’autres choses, plus régulièrement. J’ai aussi un compte Twitter.
Quels sont tes sujets de prédilection ?
Disons que mon blog est un blog de filles, mais pour tout le monde. J’aime bien les blogs qui racontent des tranches de vie, mais je trouve qu’il y a très peu de blogs de mecs qui font ça.
Je commente beaucoup l’actualité, mais j’essaie de ne pas le faire systématiquement. Parfois j’ai l’impression de danser sur des cadavres. Au bout d’un moment ça finit par saouler : on est censés aller sur un blog BD pour se détendre après tout.
Quand je regarde mes dessins, je me rends compte que je perds en qualité dans les périodes chargées en actualité. À force de vouloir réagir, on en arrive à faire des dessins trop rapidement.
Est-ce que tu suis d’autres blogs BD ?
Pour moi, le meilleur toutes plate-formes confondues est celui de Sanaa-K. Il m’a donné envie d’ouvrir le mien. J’adore vraiment son style, c’est vraiment impressionnant. Quand je suis trop fier de ce que j’ai dessiné, je vais faire un tour dessus, ça me calme !
Le format du blog BD n’est pas un peu mort ?
D’un côté tant mieux pour moi s’il y a moins de blogs. Peut-être que je peux apporter un truc qu’il manque. Puis en même temps, quand ça a un peu explosé, on a beaucoup dit qu’il y avait trop de Youtubeurs et que ça allait mourir. Et aujourd’hui, il y a des nouvelles têtes qui apparaissent, un autre style. Je ne pense pas que ce soit une question de format.
De la BD, on en lira encore dans 100 ans. C’est ce qu’on y raconte qui est amené à changer.
Il y a eu toute cette affaire avec le festival d’Angoulême. Penses-tu qu’il y a un problème de représentation aujourd’hui dans la bande dessinée en France, que ce soit les femmes ou d’autres minorités ?
Pour les femmes, c’est effectivement plus dur de percer dans la BD traditionnelle. C’est un monde d’hommes. Sur Internet, elles n’ont rien à demander à personne, c’est un territoire parfait pour elles. Après, il ne faut pas se voiler la face, beaucoup de gros blogs sont tenus par des hommes. Pour les minorités, je ne sais pas trop. Je n’en vois pas beaucoup, même dans la BD “belge”. Je ne sais pas si c’est culturel, il faudrait voir dans les autres pays. Mais je n’aime pas mettre des étiquettes. C’est bien de pouvoir donner l’exemple, j’ai quelques fans qui m’écrivent à ce sujet, mais je ne veux pas être le dessinateur des arabes.
Tu as un style qui peut facilement plaire aux enfants, tu travailles pour Gulli d’ailleurs. Est-ce un aspect que tu recherches ?
Oui. À la base je voulais être illustrateur pour enfants. J’aimerais bien en faire plus, être publié dans le Journal de Mickey, etc. Histoire de varier. Avec le dessin pour enfants, on doit prendre son temps, réfléchir à la manière dont écrit, c’est souvent plus compliqué. Ce que je vais dire est bête mais c’est vrai : ce n’est pas parce que tu penses une chose que c’est vrai. Tu es responsable de ce que tu vas leur montrer. Les enfants n’ont pas encore de jugement, ils ne savent pas.
Quels sont tes inspirations ?
J’ai été marqué par le travail d’Akira Toriyama (créateur de Dragon Ball, ndlr) et d’Osamu Tesuka (créateur d’AstroBoy, ndlr), que j’ai beaucoup lu quand j’étais gamin. À côté de ça, je suis un gros fan de rétro gaming – je serais super heureux de faire du chara design pour un jeu vidéo d’ailleurs. Dans ma tête tout se mélange : le pixel art, Toriyama, Murakami aussi, le Caravage, Hokusai… Au final, je ne sais pas comment on s’invente un style, mais j’ai l’impression d’avoir le mien.
J’ai vu que tu avais commencé à poster des petites vidéos pédagogiques, qu’est-ce qui t’a poussé à faire ça ?
Je trouvais qu’il y avait trop de monde dans le secteur de l’humour, je ne me voyais pas aller dans cette niche. Je ne voulais pas faire de l’humour fast-food, des vines. Les Youtubeurs que j’aime bien font autre chose : Usul, E-Penser, Axolotl, etc… Je veux faire des vidéos ludiques. Je me documente pas mal. Pour ma vidéo sur les gâteaux Bamboula par exemple, je voulais faire un top des marques racistes, et en cherchant un peu sur le sujet, j’ai vu qu’il y avait tellement à dire là-dessus.
Comment gères-tu tes réseaux sociaux ?
Je me rends compte que les gens ont besoin de contenu. Il faut faire partie de leur quotidien, être présent tous les jours. Au début c’est facile, tu connais tous les gens qui commentent. Mais à 16 000 fans, ça devient plus compliqué de répondre aux gens. Mais j’essaie. Je prends une heure par jour pour répondre aux gens. J’aime bien aussi les laisser débattre entre eux, sans trop intervenir, ça donne de très bonnes conversations.
Est-ce que tu penses porter une voix ?
Non, pas du tout.
Je ne représente personne, je me représente moi-même et ça fait marrer les gens.
Je ne me rends pas forcément compte que je suis un peu connu. Quand on me reconnaît, c’est une bonne chose, parce que c’est pour le travail que je fais, mais c’est déstabilisant. D’un autre côté, 16 000 personnes sur Facebook, ce n’est pas énorme par rapport aux ambitions que je peux avoir. Je ne suis jamais satisfait.
Quels sont tes projets ?
Je prépare un bouquin, des illustrations un peu plus poussées avec des textes que j’ai écrit moi même, qui sortira vers mars-avril.
Pour finir, sur quoi tu cliques en ce moment ?
Une série : Seinfeld, la meilleure série du monde, la mieux écrite. C’est une série qui réussit à parler de rien, et qui le fait bien.
Un Youtubeur : Merci Dorian, qui gagnerait vraiment à être plus connu.
Un album : Art de Rue de la Fonky Family. Mon album de rap préféré, celui qui a le mieux vieilli à mes yeux avec L’École du Micro d’Argent d’IAM.
On vous avait déjà parlé du travail de Rakidd, qui avait tiré le portrait de Nekfeu pour ses chroniques sur OFF.tv