Depuis le mois de janvier 2016, un « groupe de citoyens d’extrême-droite commence à faire parler de lui en Finlande » et se fait appeler les « Soldats d’Odin » explique Anthony Faiola, correspondant du Washington Post à Berlin.
Les « Soldats » s’inspirent des groupuscules suprémacistes blancs américains : le groupe patrouille à travers la ville au sein d’un van arborant les étoiles de la Confédération Américaine, simplement car ils trouvent ça « très joli », ont-ils confié au journaliste du Washington Post. Le nom « Les Soldats d’Odin » fait référence au dieu nordique de la guerre, et le groupe comprend des membres « connus pour leurs idées néo-nazies » ; certains ont même été condamnés pour violences conjugales, comme l’explique le journal local Aamulehti. Paradoxalement, le but de la manœuvre serait de protéger les femmes d’éventuelles agressions :
« Nous sommes un groupe de patrouille qui œuvre pour la sécurité des gens, la sécurité des femmes », déclare le leader du groupe de Tampere – un électricien de 37 ans, qui a préféré conservé son anonymat – au New York Times.
Seulement voilà, une bande de manifestants, majoritairement composée de femmes, s’est élevée contre les « Soldats d’Odin », refusant d’être la justification des agissements d’un groupe xénophobe.
Elles descendent manifester dans la rue, déguisées en clown, et se font appeler les « Loldiers d’Odin » (en référence au diminutif de LOL « laughing out loud »).
À l’origine, les Soldats d’Odin est un groupe qui vient de Kemi, une petite ville finlandaise près de la Laponie qui a vu arriver plusieurs milliers de demandeurs d’asile en provenance de la frontière suédoise à la fin de l’année 2015. Désormais, les Soldats sont présents dans 25 villes finlandaises, et Tampere est la ville où ils sont les plus nombreux.
Les membres des « Soldats d’Odin » se multiplient particulièrement depuis les agressions à Cologne la nuit de la Saint-Sylvestre. Le 31 janvier dernier, plusieurs femmes ont été victimes d’agressions, sexuelles et de vol. Au départ, l’enquête a révélé que la majorité des suspects étaient des immigrés illégaux ou des demandeurs d’asile. Par la suite, il s’est avéré que cela ne concernait qu’une poignée des agresseurs.
À Tampere, ville de 216 000 habitants où 1 200 demandeurs d’asiles sont récemment arrivés les membres du groupe arpentent les quartiers réputés les plus dangereux trois fois par semaine, mais jusqu’ici leur seule contribution au maintien de l’ordre a été d’appeler la police après avoir rencontré un Finlandais ivre.
Les clowns ont ainsi fait leur apparition il y a quelques semaines et se sont érigés en porte-parole du multiculturalisme.
Le journaliste Anthony Faiola décrit la scène à laquelle il a assisté alors qu’il suivait les « Soldats d’Odin » à Tampere pour un reportage : « À un moment donné, des clowns – la plupart des femmes – ont encerclé les hommes et ont commencé à chanter. » Une manifestante lui explique : « Nous sommes ici pour montrer notre tolérance, car ces clowns – dit elle en désignant les Soldats d’Odin – sont ceux qui gagnent en Finlande. »
Ces femmes refusent de servir de justifications à des actes racistes. Et c’est à travers des sortes de happening comme celui-là qu’elles affirment leur désaccord. Pour Jussi Jalonen, un historien finlandais qui étudie les mouvements d’extrême-droite, ces clowns « sont simplement un groupe de performeurs qui manifestent – pacifiquement et avec humour – contre l’extrême-droite ». Pétard mouillé ou réelles revendications, que ce soit avec les Soldats d’Odin ou les Loldiers, on assiste, en Finlande, à une recrudescence des ces justiciers auto-désignés.