Petit Biscuit est un producteur français de 16 ans, qui s'est fait remarquer après le succès de son morceau "Sunset Lover" sur Internet. Il sort son premier EP le 13 mai. Clique a rencontré ce jeune talent de la musique électronique.
Qui es-tu Petit Biscuit ?
Je m’appelle Mehdi Benjelloun, j’ai 16 ans, je viens de Rouen et sur scène et dans ma chambre je suis Petit Biscuit. Je me qualifierais comme artiste électronique et classique.
Classique ?
J’ai une formation classique : du violoncelle à 5 ans, guitare un peu plus tard et ensuite du piano. 5 ans de solfège, qui m’aident pas mal dans la composition aujourd’hui. J’ai aussi été un peu autodidacte, surtout au piano, et j’ai cherché à aller plus loin.
Plus loin vers la musique électronique ?
En découvrant des mecs comme Bonobo, Flume. J’ai directement acheté leurs CDs. Sur Internet, j’ai découvert une vraie communauté, avec énormément d’artistes aux styles divers et variés – des influences hip hop, house etc. J’ai traîné des heures et des heures sur internet à chercher de bons artistes, et j’ai fini par me dire pourquoi pas moi.
« J’ai commencé la composition vers 12, 13 ans. J’ai commencé sur FL Studio, avec un synthé que j’avais chez moi. C’est la définition du mec qui fait des trucs dans sa chambre. » Petit Biscuit
Mais je trouve que ça fait le charme d’un projet. Il n’y a quasiment pas d’aspect technique mais uniquement le créatif qui ressort, c’est beau.
Tu utilises beaucoup d’instruments dans ta musique.
J’essaie de faire à la fois de l’analogique et de l’électronique. J’ai tout de suite voulu aller au delà de la musique électronique, commencer à rajouter de la guitare, du piano, des voix, quelque chose d’assez humain. Je veux créer quelque chose de personnel, qui me représente. C’est qui m’a charmé chez Flume ou Bonobo : en quelques secondes on les reconnaît. Y’a un vrai travail des textures.
Tu as d’autres références ?
J’ai écouté énormément de petits groupes. Après il y a eu aussi The XX, qui m’a donné envie de mettre de la guitare dans mes productions.
Alors, comment tu es passé du gamin dans sa chambre à Petit Biscuit ?
Quand j’ai commencé, j’ai fait écouter mes trucs autour de moi, et mes amis et ma famille m’ont pousser à concrétiser tout ça.
« J’ai longtemps réfléchi à un projet qui pourrait me définir, puis j’ai créé Petit Biscuit il y a maintenant 1 an et demi. Pour le plaisir de partager ma musique avec des gens à l’autre bout du monde. »
J’ai posté ma musique sur Soundcloud, et le compteur est lentement monté. J’ai rencontré un pote à moi, Thomas, qui a une chaîne youtube Electro Posée, à qui j’ai fait confiance et qui a posté certains de mes sons. Des sons ont pas mal marché, il était de bon conseil. Un jour je lui fait écouter « Sunset Lover ». Je ne savais pas trop si les gens allaient aimer. Il m’a dit : « Si tu la sors pas c’est moi qui vais la sortir ». Aujourd’hui on est à 11 millions de vues sur soundcloud seulement. « Sunset Lover » a vraiment caractérisé le projet, j’ai réussi à toucher un public grâce à ce son.
Pourquoi « Petit Biscuit » ?
Quand j’ai créé mon projet sur soundcloud je cherchais un nom marrant, simple, mais aussi quelque chose de français, pour me dévoiler complètement.
C’est marrant, tu parles de Petit Biscuit comme d’un projet complètement distinct de ta personne.
C’est ça.
« Petit Biscuit c’est pas qu’un nom de scène. C’est une partie de ma vie. C’est une espèce de journal intime à travers lequel je balance mes expériences, mes histoires, mes voyages. »
Je mets beaucoup de vécu dedans.
De quels voyages parles-tu ?
Mon père est du Maroc. J’ai connu très tôt un mélange culture entre mon père qui me faisait écouter de la musique orientale, et ma mère du classique. Bien sûr j’ai eu d’autres voyages très musicaux dans ma vie : Amsterdam et sa scène hip hop, Londres et la house…
Ça me paraît étrangement difficile de percer sur soundcloud. Il y a énormément de talents, mais seuls une poignée de chanceux réussissent. Qu’est-ce qui t’a permis de te démarquer ?
Je pense qu’on ne retrouve pas d’effet personnel dans la plupart des projets. J’ai essayé d’avoir un personnage complet tant sur le son que sur l’image. J’ai un côté assez mystérieux et tendre, qui correspond d’ailleurs très bien aux différents styles que je peux aborder dans mon EP.
Un autre aspect assez spécifique du type de musique que tu fais, c’est qu’on retrouve souvent ce genre de sons sur des comptes youtube, des vines etc, sans forcément d’attribution. Comment tu t’en sors là dedans ?
C’est un milieu où chacun essaie de percer de quelque manière que ce soit dans son coin. Y’a pas mal de chaînes qui se font une réputation dans le dos des artistes. Maintenant la chaîne de mon ami Thomas, Electro Posé, à ce côté cool et sincère. Il veut vraiment faire découvrir de nouveaux artistes. D’un autre côté, les sons que tu entends sur ces chaînes sont souvent des remixes. Moi, j’ai tout de suite commencé avec des compositions originales.
D’ailleurs pourquoi si peu de remixes ? Il y a bien eu celui d’Odesza…
Pour moi il faut qu’il y ait une histoire à raconter. Odesza j’ai fait ma première date avec eux, y’a eu un contact super intéressant. C’est les relations amicales qui font que tu prends du plaisir à faire un remix. C’était pareil avec le remix de Moi Je. C’est un pote de Rouen qui a un label super indé qui s’appelle Profil de Face. Et pareil, c’est une question de feeling.
Tu te vois collaborer avec d’autres artistes, des chanteurs, rappeurs ?
Pour moi l’aventure musicale se fait au gré des rencontres. Collaborer avec Odesza déjà ça pourrait être énorme. Je sens que je pourrais me faire vraiment plaisir en studio.
Sans tomber dans la question de base « ça fait quoi d’être en cours et musicien en même temps », j’aimerais bien savoir à quel point Petit Biscuit influe sur ta vie sociale ?
Je fais de nouvelles rencontres et l’aventure Petit Biscuit me rend très heureux. Mais comme je suis quelqu’un de super discret, je ne me vante de rien, je préfère que les autres remarquent d’eux-même. Je n’en ai limite pas parlé à ma mère…
Tu penses avoir trouvé ton style ?
Le but d’un producteur c’est toujours d’apporter un renouvellement. Je me définis pas une patte particulière, une soupe qui fait que mes titres sonnent comme mes titres. J’ai déjà évolué dans l’EP par rapport à mes anciennes tracks vers quelque chose de plus moi, de plus sauvage par moments. Par la suite si je sors un album, j’évoluerai encore, sinon je me ferai chier en studio.
« C’est la dernière compo qui m’a vraiment foutu une claque »
Comment ça se passe la compo d’un morceau ?
Je vis plein de trucs, j’ai 16 ans, c’est l’âge où t’es en pleine phase de découverte du monde. Je fais le plein de tout ça et ensuite je vais me poser en studio, parfois 3 jours complets, et j’essaie de faire parler mes émotions en musique.
Mais avec toutes ces choses différentes que tu vis maintenant que tu connais un certain succès, tu n’as pas peur de t’éloigner de ce qui faisait le charme du gamin dans sa chambre ?
En soi mon projet est super humain. Si j’arrive à captiver mon public, même si le vécu devient différent, la personnalité reste, et ça restera intéressant à suivre. Je reste quelqu’un de super simple, et j’espère que si je vais plus loin, tout ça ne me changera pas.
Tu as quand même du développer une certaine ambition non ?
Carrément. Quand j’ai commencé à voir les réactions, sans m’emballer, je me suis dit que je pouvais le faire. Tu deviens de plus en plus motivé, tu découvres le monde musical, tu vois qu’il y a plein de trucs à vivre au delà de la composition. Tu peux aller faire de la scène au delà du simple DJ, ramener des instruments sur scène…
Ce que tu fais déjà.
Ouais. J’ai quatre tambours sur scène, ma guitare, un sampler pour les voix. C’est pour que les gens découvrent l’envers du décor tout en découvrant la dynamique que j’essaie d’apporter sur mes morceaux.
C’est qui ton public ?
Selon ce que je peux voir sur internet et maintenant sur scène : une majorité de 15-20 ans, avec peut-être un peu plus de filles (rires).
C’est quoi la suite ?
L’EP est déjà un bel aboutissement pour moi. Je sortais pas mal de singles comme ça, et là c’est un objet physique, que je vais pouvoir tenir entre les mains. Je compte aller plus loin sur mon live, faire quelque chose de toujours plus surprenant. Je sais que je vais vouloir sortir un album après l’EP, parce que je veux toujours aller le plus loin possible avec Petit Biscuit.
Crédits photo : Magdalena Lawniczak