Ouvert début mars, le compte Instagram Barbie Savior parodie les jeunes humanitaires qui partent en voyage sur le continent africain et en font une expérience plus narcissique qu’utile.
L’action humanitaire est une belle chose, souvent menée par de belles âmes. Dans l’idée, donner de son temps et des ressources pour venir en aide aux plus démunis et aux victimes de catastrophe, de guerres ou de violence sociale, c’est un joli chemin de croix. Surtout qu’au final, ça ne paye en général pas des masses. Mais la nature – humaine – a horreur du vide alors il faut bien s’inventer un salaire.
Pour remédier au manque de récompenses trébuchantes, le courageux volontaire peut avoir tendance à se rémunérer en bonne conscience. La méthode est simple, et connue de tous : une photo accompagnée d’une légende bien sentie. Une réflexion poétique sur l’Afrique, terre de nos ancêtres, et ses habitants si généreux alors qu’ils n’ont rien. Un selfie avec des enfants heureux d’avoir enfin accès à l’éducation. Le tout en se mettant en scène devant l’objectif, preuve ultime qu’on agit pour le bien de l’humanité.
Cette auto-gratification est révélatrice d’un syndrome plus profond, déjà théorisé en anglais sous le nom de “white savior complex”, ou complexe du sauveur blanc. Depuis la décolonisation, l’occidental voit les pays anciennement occupés d’un oeil paternaliste, du regard qu’on porterait à un bébé oiseau sorti trop tôt du nid. Alors nombreux décident de se donner bonne conscience en partant faire une action humanitaire. Mais peu restent sur le long-terme, et c’est là le réel problème que posent ces comportements, comme l’expliquait Daniela Papi, fondatrice et dirigeante d’ONG, lors d’une conférence.
Le compte Instagram Barbie Savior se moque allègrement de ces volontaires là, les sauveurs blancs. Sur le modèle de Barbie Hipster, les deux créatrices du compte reprennent les codes du touriste humanitaire pour mieux les détourner. Et pour cause : elles ont elles-mêmes été ces personnes par le passé, comme elles l’expliquent au Huffington Post.
Toutes les photos y sont : Barbie entourée d’enfants, Barbie se fait un tatouage ridicule, Barbie qui essaie d’apprendre une danse traditionnelle… Tous ces clichés qu’on croise sur nos fils Facebook et Instagram, postés par un garçon ou une fille de son lycée qui va ouvrir des écoles dans la Corne de l’Afrique une fois tous les deux ans.
Barbie Savior fait du bien, car elle corrige les torts de ce tourisme humanitaire en révélant bien ce qui le rend si ridicule, comme l’explique Quartz. Chaque légende de photo est un monument de bêtise et d’ignorance, à peine exagérées.
Le monde réel, pas celui de la poupée, est souvent encore plus crispant que Barbie qui se repose de son dur labeur d’humanitaire en sirotant un cocktail au bord d’une piscine. La photo « sauveur blanc » est même devenu un classique de la photo Tinder. Barbie Savior n’est qu’un premier pas. Peut-être qu’à force, ils finiront par comprendre.