Le 4 mai, la Cour d’appel de Paris l’a condamné à huit mois de prison avec sursis assortis d’une mise à l’épreuve de trois ans et de près de 138 000 euros de dommages et intérêts, au lieu des 195 000 fixés en première instance. Azyle, tagueur aussi discret que mythique, a arpenté les couloirs et wagons du métro parisien pendant 17 ans. Il revient sur cette nouvelle étape de l’affaire qui l’oppose à la RATP depuis son arrestation en flagrant délit, en 2007.
Clique : Quel est le résultat de ton procès en appel, après cette audience où rien ne s’est passé comme prévu ?
Azyle : L’audience était un moment de confrontation passionnant avec plusieurs rebondissements où finalement la RATP est restée en retrait, campant sur ses positions et son choix tactique ultra-défensif. Pouvait-elle faire autrement ? Les juges m’ont écouté et je crois qu’ils ont été étonnés : ils ne s’attendaient pas à certains arguments, certaines preuves. Tout cela débouche malgré tout sur un arbitrage paradoxal.
> Relire notre article « Retour sur l’affaire Azyle », qui revient sur la carrière de cette légende du graffiti.
Le plus dur à ce stade était d’arriver à ce que la cour d’appel de Paris évolue alors qu’elle a jugé des dizaines d’affaires de tag en se fiant à chaque fois à la même « méthode » de la RATP pour calculer son préjudice.
De ce point de vue-là c’est un succès puisque la cour a infligé un carton jaune à la RATP en réduisant les sommes de 57 000 euros.
Ma condamnation est passée de 195 000 euros à 138 000 euros (j’arrondis, c’est en fait 138 667,25 euros). C’est presque un tiers de moins. Cela démontre deux choses importantes : la justice ne devrait plus suivre aveuglément la RATP à partir de maintenant, et elle a commencé à ouvrir les yeux sur une situation pas normale.
Azyle réalise des tests de nettoyage devant un huissier de justice pour son procès qui l’oppose à la RATP.
Ce n’est donc pas une décision qui te convient complètement ?
Il y a du pour et du contre. Lorsque les juges écrivent que certains de mes arguments sont pertinents, ce n’est pas rien ! Ce n’est pas pour autant une victoire totale car la vérité n’est pas au rendez-vous, mais c’est clairement un commencement et ce qui est pris n’est plus à prendre. Cela devrait même être utile à d’autres taggueurs. Pourtant ce n’est pas une fin. Je suis du genre acharné méthodique alors je reste sur ma faim car les juges ont traité de façon très discutable certains sujets, et sur plusieurs points ils sont même franchement difficiles à suivre.
La cour d’appel n’a d’ailleurs pas répondu à certains de mes arguments. Elle ne semble pas avoir tenu compte de documents qui viennent de la RATP elle-même et que j’ai trouvés.
On sent une hésitation lorsqu’ils évoquent la détermination du préjudice. Ils évitent d’entrer dans les détails et d’expliquer comment ils arrivent à la somme qu’ils retiennent qui est très précise. Selon moi cela traduit une forme de gêne : ils ont d’abord compris que la RATP ne leur disait pas la vérité depuis de nombreuses années.
> Relire notre précédent entretien avec Azyle : « La RATP s’est prise à son propre piège ».
On peut d’ailleurs comprendre que la justice fasse confiance à une entreprise comme la RATP mais jusqu’à un certain point et jusqu’au jour où… Le choc a dû être tellement rude pour eux qu’ils n’ont pas dû vouloir pousser la logique trop loin. Je pense même qu’ils ne peuvent pas accepter la réalité compte tenu de ce que j’ai constaté et qui me semblait à moi le premier difficile à croire au début.
Azyle a décidé de continuer à travailler son dossier et se dit prêt à aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.
En tout cas c’est comme ça que je me l’explique parce que les juges, eux, ne s’expliquent pas. Personne n’a envie de croire que Platini, qui reste une idole pour ma génération, ait pu faire quoi que ce soit de mal. J’aurais aimé que les juges m’expliquent comment ils en sont arrivés à cette somme de 138 000 euros. Pourquoi pas 136 ou 139 ? Ils donnent un chiffre précis, établi avec des calculs certainement « savants », mais ils ne nous disent rien de ce mode de calcul. Ils m’auraient expliqué ce qui ne tenait pas dans mes démonstrations que j’avais découpée en cinq points précis, j’aurais compris et le jugement aurait été cohérent pour moi. Est-ce trop demander d’avoir des explications claires lorsqu’on parle de chiffres ? Ça serait plus simple pour tout le monde… y compris pour la RATP.
Que comptes-tu faire à présent ?
D’abord je considère cette décision comme un encouragement… à continuer. C’est beaucoup de travail pour un résultat qui pour moi est une étape avant d’autres.
Clairement j’ai marqué un point décisif lors du match retour. Cela démontre que nous avions raison, avec mon avocat, de rejouer la partie en faisant appel, et de remettre en cause le jugement de première instance avec de nouveaux arbitres, plus expérimentés que le premier. Je ne vais donc pas m’arrêter en si bon chemin. Je vais me pourvoir en cassation. La décision de faire appel avait été immédiate et c’est la même chose pour saisir la Cour de cassation.
Tu penses avoir tes chances ?
Devant la Cour de cassation c’est très technique, mais tôt ou tard la vérité triomphe. Je préfèrerais que ce soit dans le cadre de mon procès ! J’y crois encore et toujours, c’est pour ça que je me bats. Pour ma part je n’ai jamais nié les faits mais j’ai exigé de la rigueur. Mon avocat m’avait dit au tout début, en 2007, que mon dossier durerait bien plus de dix ans et ne trouverait de solution qu’à Strasbourg, devant la Cour européenne des droits de l’homme. Je pense qu’on est bien parti.
Revoir notre interview vidéo d’Azyle par Mouloud Achour en septembre dernier, avant son procès :