Norvège 1877.
Après des années à se les geler en haute mer, le capitaine au long cours Helly Juel Hansen décide d’innover dans la conception et la fabrication de vêtements imperméables. Il crée, avec son épouse, une fabrique d’équipements destinés aux matelots et aux explorateurs qui souffrent du froid et de l’humidité. En 1878, la marque remporte un diplôme d’excellence à l’Exposition Universelle de Paris et commence à exporter ses produits. En cinq ans 10 000 vestes et pantalons Helly Hansen sont vendues, c’est un succès remarquable pour l’époque et le début de la renommée.
Pendant le siècle qui suit, la marque garde au sec tout ce que les mers froides et inhospitalières du globe comptent de pêcheurs de cabillaud et de navigateurs en solitaire. En 1980 Helly Hansen lance Helly Tech, sa gamme de tissus imperméables et respirants, qui accompagne l’essor de l’exploitation pétrolière en mer du Nord et permet à des milliers d’ouvriers aux doigts gourds ne pas être congelés sur site.
Les règles de sécurité en vigueur dans cet environnement, dans lequel gilet et casque fluorescent sont de rigueur, soulignent et renforcent les caractéristiques utilitaires de la marque. C’est le début des bandes de couleur, des logos imposants et de l’utilisation de tissus réfléchissants, des coquetteries indispensables qui vont fortement contribuer au séisme vestimentaire des années 90.
Qui de l’œuf ou de la poule, quel Hip Hop head a été le premier à porter cette marque et comment ces vêtements techniques norvégiens se sont-ils retrouvés du jour au lendemain au firmament de la hype ?
Tous les experts ne sont pas d’accord sur la souche du virus mais tous s’accordent sur la période phare. 1994 – 1998
LL Cool J puis Mobb Deep s’y collent et après ça Helly Hansen est propulsé en vitesse lumière. Toutes les stars de la discipline leur emboîtent le pas, la rue répond présent et un tsunami de vestes et de pantalons de haute mer déferle sur le monde libre, faisant de Helly Hansen une des marques les plus recherchées de l’époque.
Ghost représente dans « Glaciers of ice » et l’entourage Wu dans « Incarcerated scarfaces » puis d’innombrables autres figures deviennent des publicités gratuites pour la marque. Malins, les commerciaux maisons n’en restent pas là et proposent des deals publicitaires ciblés à des rappeurs hyper crédibles, Funkmaster flash, Brand Nubian ou Redman, les partenariats sont signés sans aucune erreur de casting.
La France, fille cadette du Hip Hop n’est pas en reste, NTM, la Cliqua, Raggasonic, tous y vont de leurs vestes de régate.
À la FNAC sport des Halles et au Vieux Campeur on embauche une armée de vigiles sinon les b-boys chouravent toutes les vestes qui ne sont pas vissées au mur. Dans le même temps, la porosité stylistique fait encore une fois son œuvre, en Angleterre, aussi les Terrace-boys s’amourachent de la marque et il ne faut pas avoir froid aux yeux pour se balader en HH dans les rues malfamées de Manchester.
Grisés par le succès, les dirigeants d’Helly Hansen larguent les amarres et déclinent leur concept à tout-va : doudounes, t-shirts et sweat-shirts, polos, etc. Ils délaissent peu à peu l’ADN de la marque en créant des collections à l’esthétique démagogique, pensées pour la rue et non plus pour les utilisateurs originels, perdant le côté expertise technique qui avait justement séduit toute cette nouvelle clientèle. Le capitaine Hansen se retourne dans sa tombe mais les ventes ne faiblissent pas. Aveuglée par la fièvre de l’or, la compagnie commence à croire en la vie éternelle, les usines tournent à plein régime et les stocks sont énormes. En 1997 HH est racheté par Investcorp, un hedge funds du Barain c’est le climax.
Hélas, comme prévu la marque n’échappe pas au cycle hype-désamour. En quelques mois, c’est l’harchouma de trainer en HH, les fonds de stock sont bradés dans les Sport 2000 de province, Investcorp s’assoit sur des milliers de pièces, c’est la soupe à la grimace.
C’était bon tant que ça a duré, chez Helly Hansen on a retenu la leçon, quinze ans après l’impact les dirigeants actuels jurent qu’ils ne sacrifieront plus jamais la rigueur pour le style. Depuis, de nombreuses marques ont connues un sort similaire en connaissant l’issue d’avance, mais qui refuserait son quart d’heure de célébrité ?
Probabilité de retour : moins de 10%. Mais après tout, quel pourcentage aurions-nous donné au jean taille haute il y a trois ans ?