"Atlanta" est une des séries marquantes de la rentrée. Menée par le rappeur Childish Gambino, la série détonne par son réalisme ainsi que son ton rafraichissant, entre immersion dans le rap, fiction et humour perché.
Mise à jour du 9/01/2017 : La série Atlanta a remporté la nuit dernière le Golden Globe de la meilleure série comique de l’année. Son créateur, scénariste et acteur principal, Childish Gambino a décroché le prix du meilleur acteur dans une comédie. En octobre, nous écrivions les raisons pour lesquelles cette série nous avait déjà convaincus :
Quel est le point commun entre Gucci Mane, Future, Young Thug, T.I., Young Jeezy, Rich Homie Quan, Outkast, Ludacris, Lil Jon, Waka Flocka Flame, Cee Lo Green, iLoveMakonnen, Mike Will Made It, et Zaytoven ? Une ville : Atlanta.
Depuis deux décennies, la capitale de la Géorgie n’a cessé d’affirmer son leadership sur la scène Rap américaine en terme de quantité de rappeurs et de producteurs amenés au sommet de la discipline. Exit le monopole des Los Angeles et New-York : Atlanta détonne par sa scène portée par la musique des strip-clubs et la description (réelle ou romancée) du quotidien d’une mégapole du sud des Etats-Unis gangrénée par la violence et le déclin économique.
C’est à ce quotidien-là que Childish Gambino s’est attaqué avec l’ambitieuse série Atlanta, diffusée chaque mardi sur la chaîne de télévision américaine FX depuis début septembre. L’artiste californien, déjà connu pour ses qualités de rappeur/chanteur (les albums Camp et Because The Internet), et d’acteur (la série culte Community), s’essaie au rôle de showrunner avec Atlanta. Avant le sixième épisode diffusé ce soir, nous vous expliquons les cinq raisons pour lesquelles c’est déjà notre série préférée de cette fin d’année.
Annoncée depuis cet été, Atlanta était l’une des séries les plus attendues de la rentrée.
Dans la série imaginée et incarnée par Donald Glover alias Childish Gambino, on est aux antipodes des dorures et du bling bling new-yorkais représenté dans la série Empire. Dans Atlanta, l’histoire ne commence pas aux sommets de l’industrie mais au bas de l’échelle, où se côtoient petites frappes, dealers de seconde zone et, évidemment, rappeurs en panne de succès.
C’est dans cette atmosphère de loose qu’évoluent les trois héros de la série : Earn Marks (Childish Gambino), jeune papa qui enchaîne les petits boulots ingrats après un passage à l’université de Princeton. À côté, son cousin Alfred Miles allias ‘Paper Boi’, petit dealer et rappeur à ses heures perdues. Et enfin Darius, jeune homme aux apparences de simplet mais capable de fulgurances extralucides. Après le passage d’un des titres de Paper Boi en radio, Earn se prend à s’imaginer manager dans le monde du rap, sans pour autant en être convaincu. Et c’est cette routine d’incertitude, qui plane à chaque instant sur les personnages, qui fait d’Atlanta une série réaliste, aux limites de la fiction documentaire – on pense forcément à The Wire et à son portrait brutal de la ville de Baltimore.
Plus qu’une série sur la réalité des noirs en Amérique, Atlanta détonne par sa direction artistique.
Les coulisses du rap d’Atlanta ne sont pas la seule attraction de la série. En filigrane, un thème central : être noir aux États-Unis en 2016. Sans un ton moralisateur, le personnage principal offre un regard direct sur des situations de discrimination, de racisme et de violence policière pour témoigner du quotidien complexe des Afro-Américains. Atlanta décrit l’accentuation de la fracture sociale dans la mégapole, où les différences sociales se mêlent aux différences ethniques. Une démarche que Childish Gambino assume totalement, lui qui a été longtemps affilié par une partie de la presse américaine à une audience « blanche », du fait de son univers musical aux penchants indés.
Childish Gambino est connu pour ses penchants absurdes – voire étranges. Les clips de « 3005 » et « Telegraph Ave » peuvent en témoigner. En démarrant le projet Atlanta, la volonté du rappeur était de faire une série humoristique : « La première chose que l’on se répétait inlassablement était que la série se devait d’être drôle, avant tout. Je n’ai jamais voulu que tout cela soit important », confie-t-il à Vulture. Atlanta détonne aussi par le caractère inédit de l’humour et des situations délirantes des épisodes. Les blagues sont teintées de la patte Gambino, faite d’apparitions de personnages absurdes, de vannes sorties d’une autre planète et de raisonnements tout sauf logiques. Comme par exemple dans l’épisode 5 où Paper Boi côtoie le chanteur de R&B Justin Bieber, incarné par un acteur… noir.
L’univers des clips de Childish Gambino a influencé la série.
Atlanta suit les aventures de Paper Boi, rappeur devenu célèbre malgré lui après une altercation musclée réglée à coups de calibre. Son cousin Earn décide de le manager et, sur leur chemin parsemé de sachets de dope et de freestyles de rap, ils croisent des rappeurs comme le groupe Migos, dont les membres jouent leur propre rôle entre trap et deal. Outre l’apparition de guests prestigieux (une rumeur annonce T.I. dans les prochains épisodes), Atlanta immerge le spectateur au cœur du rap et des fantasmes qu’il alimente. Mais ne vous méprenez pas : loin d’en faire son sujet central, la musique est un prétexte pour dépeindre le quotidien d’individus bouffés par l’ennui et le flux incessant des réseaux sociaux. Attention, gros potentiel d’identification.
Les membres de Migos étaient invités dans la série pour jouer leur propre rôle. En attendant T.I. ?
Dimanche 8 janvier, lorsqu’il est monté sur scène pour recevoir le prix de la meilleure série comique, Childish Gambino a profité de son discours pour remercier les Migos, « les Beatles de notre génération » selon lui, d’avoir écrit le morceau « Bad and Boujee« . L’acteur a aussi remercié la ville d’Atlanta ainsi que ses habitants pour lui avoir donné si belle inspiration.
AtlantaFX wins a #GoldenGlobe @donaldglover thanks the city of ATL, black people and @Migos ?? pic.twitter.com/BqBBdo52nh
— Hip Hop Intel (@HipHopIntel) 9 janvier 2017
Pour les cinq premiers épisodes de sa série, la réalisation a été confiée à Hiro Murai, qui n’avait auparavant fait que des clips (notamment les derniers de Gambino). Le réalisateur a su garder sa fraîcheur et franchir un cap : outre une direction d’acteurs brillante et des plans superbes, il s’amuse avec la narration et réussit à retranscrire de façon magistrale l’ambiance de la ville, qu’il s’agisse des commissariats décrépits, des bus de nuit dans lesquels Earn ramène sa petite fille, ou encore des espaces de rase campagne qui cernent la mégapole. Un décor souvent utilisé pour les productions hollywoodiennes, mais mieux exploité ici : « En ce qui concerne les lieux de tournage, j’ai senti que nous étions les seuls à utiliser Atlanta pour Atlanta », évoque le réalisateur, interrogé par Pigeons and Planes. Cerise sur le gâteau : au milieu des ambiances urbaines, la série se permet parfois des envolées surréalistes qui la font flirter avec le cinéma d’auteur – et qui vous évoqueront les instants les plus étranges de La Haine ou d’Un Prophète. Une ambition qui dépasse largement celui d’une série télé classique.
L’actrice Zazie Beetz joue le rôle de Vanessa, la mère de la fille d’Earn (Childish Gambino) <3 © Atlanta.
Diffusion tous les mardis soirs sur la chaîne FX aux États-Unis.
Image à la Une © Atlanta.