Ce soir pour le premier Gros Journal de l’année, Mouloud Achour reçoit Dany Boon sur la scène légendaire de l’Olympia, où l’acteur et humoriste fait actuellement son retour avec un nouveau spectacle : « Dany de Boon des Hauts-de- France ».
Dany Boon, qui fête 25 ans de carrière, sera aussi à l’affiche en février de Raid Dingue, un film qu’il réalise. Le comédien nous parle d’engagement, d’identité et nous livre un message pour la nouvelle année : « Je vais mieux, tout va mieux ».
A propos de politique, l’humoriste déclare voter et avoir idées sociales précises, tout en ajoutant que selon lui « ce n’est pas le rôle des artistes de s’engager pour un parti ; on s’est rendu compte que ça ne servait pas obligatoirement l’homme ou la femme politique d’avoir un soutien d’artistes ». Il revient également sur l’importance de la mixité sociale et culturelle, qui lui ont permis de réussir, tout en mettant en garde contre le repli communautaire.
François Boucq, le dessinateur préféré de Dany Boon (qui a lui-même failli devenir dessinateur de BD) rejoint Mouloud sur le plateau pour une apparition surprise. Enfin, dans la Carte Blanche, les invités phares du Gros Journal en 2016 nous présentent leurs vœux pour la nouvelle année.
Le Gros Journal du 02/01 avec Dany Boon – CANAL + par legrosjournal
Mouloud Achour : Comment ça va Dany ?
Dany Boon : Bien, bien, Mouloud. Comment ça va ? Qu’est-ce que c’est ?
Et bien on est sur la scène de l’Olympia, là où tu joues. Ça fait 25 ans que tu fais de la scène.
Déjà !
Bonne année !
Bonne année !
Meilleurs vœux, la santé, la famille.
C’est le plus important : la santé et les enfants.
On est d’accord pour se dire que 2015 et 2017 n’étaient pas des années terribles. Ce n’étaient pas des années folles. Est-ce que pour 2017, on se dit : « Je vais bien, tout va bien » ?
Je vais bien. Je vais mieux, tout va mieux. On se dit ça, oui. Il faut militer maintenant.
Tu milites dans le spectacle, sans donner de parti.
Evidemment je vote, j’ai des idées sociales assez précises. Mais ce n’est pas le rôle d’un artiste de s’engager pour un parti. En plus, on s’est rendu compte que ça ne servait pas obligatoirement l’homme ou la femme politique.
Le Nord, on l’appelle maintenant « Les Hauts-de-France ». Ça te fait quoi de savoir que tu n’es plus un Ch’ti mais un Haut-de-Français ?
Ça me fait bizarre franchement. J’en ai même fait un sketch. Ils m’ont remercié d’ailleurs en me disant : « Vous êtes le meilleur moyen de faire savoir que ça s’appelle les Hauts-de-France ».
Tu es d’origine kabyle. Ça veut dire quoi pour toi, être Kabyle ?
J’allais en vacances dans la famille. On y est allé que trois fois, mais trois fois très importantes. Mes cousines étaient très belles. J’étais amoureux d’une de mes cousines.
Comme toutes les Kabyles.
Comme toutes les Kabyles. Le grand regret, c’est que mon père ne nous a jamais appris le kabyle. Mais c’est la mixité. Et je pense que j’ai pu faire les Ch’tis parce que mon père a été accueilli dans le Nord. Il a épousé une Ch’ti, il a épousé des enfants mixtes. Et le fait d’être issu de la mixité m’a permis d’avoir une forme de recul et d’amour pour ma région.
Tu sais Dany le seul combat qu’on a dans cette émission – on n’est pas engagé politiquement ni encarté – c’est de lutter contre la pauvrophobie. C’est-à-dire le racisme anti-bof, qui est le vrai mal de notre époque. Aujourd’hui, dès que tu es pauvre, tu n’existes plus.
En tout cas moi, j’ai grandi dans le nord. Et à l’époque, Gérard Haesebroeck qui était maire d’Armentières, avait mis en place un programme grâce auquel j’avais accès aux bibliothèques, aux cours de dessins, aux cours de musiques. Et tout ça gratuitement…Mes parents n’auraient jamais pu me le payer. J’ai grandi en me disant : « C’est génial. Tu peux être pauvre en France et réussir ». Je pense qu’on peut toujours y arriver. Sauf qu’il y en a beaucoup qui ont le sentiment que ce n’est plus possible.
Quand j’étais dans la salle en regardant ton spectacle, j’écoutais vachement ton public et à chaque fois que tu parlais des Ch’tis et du succès, la phrase que j’entendais, c’était : « Lui, il sait ce que sait ».
C’est comme Coluche qui disait : « Je ne suis pas un nouveau riche mais un ancien pauvre ». C’est facile de dire que je suis resté simple ou comme avant. D’ailleurs, j’en parle dans mon spectacle. Je parle de mes débuts. Je me dis que c’est une chance d’être là, dans cet écrin qu’est l’Olympia. Et de pouvoir faire passer des émotions, faire rire avec un public qui est attentif, qui est aimant.
Mais comment expliques-tu la montée du FN dans une ville comme Hénin-Beaumont par exemple.
Ce n’est pas tout le monde, ce n’est qu’une partie des gens qui décident de voter FN. Il y a une sorte de révolte. Moi quand je parle, que je dis que les extrêmes ne sont pas une solution, il y a une sorte de réaction très agressive envers moi, surtout sur les réseaux sociaux. Parce qu’ils ont quand même une sorte de conscience. Ça les gêne. La solution ce n’est pas de dire « votez pour untel ou untel », mais de dire que ce n’est pas le rejet de l’autre qui va régler vos problèmes.
Jamel nous disait ici que les Français sont beaucoup moins divisés que ce qu’on voudrait nous faire croire.
Oui, ils sont moins divisés et il faut faire attention à ce qu’il n’y ait pas de repli communautaire, c’est très important. Moi je tournais dans le nord, j’ai emmené mes enfants à la piscine municipale. Une petite vient me voir et elle me fait : « Ah tu es Dany Boon ! ». Je lui demande d’où elle vient, et je pensais qu’elle allait me dire qu’elle vient de Tourcoing, de Lille et elle me dit qu’elle est marocaine. Je lui demande si elle est née au Maroc. Elle me fait « non ». Je lui demande si elle est française d’origine marocaine. Elle me fait « non ». Et je lui ai expliqué, je lui ai dit : « Ma chérie, il faut que tu sois fière d’être née en France ». Je lui ai dit que j’étais Français, mixte, d’origine kabyle. Il faut faire attention, à garder cet échange-là. Les gens qui réussissent, c’est très bien. Bon les Américains – bon tu me diras, Donald Trump a été élu –
C’est le pays de Mickey.
Ils auraient dû voter pour Mickey, pas pour Donald. Mais aux Etats-Unis, les enfants se sentent Américains. Moi mes enfants sont franco-suisses. Ils arrivent à Los-Angeles, ils s’intègrent au pays et ils sont intégrés par le pays. Mon fils qui a 11 ans aujourd’hui, à l’âge de sept ans, il reçoit une lettre de la Maison-Blanche avec marqué : « Bravo, tu as très bien travaillé – parce qu’il avait très bien travaillé cette année – tu es l’avenir de ce pays, c’est formidable. Signé Barack Obama ». Bon c’est photocopié, mais il y a quand même le nom de Barack Obama. Et il se dit : « Le président des Etats-Unis m’a écrit ». Ils grandissent aux Etats-Unis, ils se sentent Américains, sans renier leurs origines françaises, en plus ils sont au lycée français. Mais il y a une fierté d’être là, d’être mélangés. Ici, c’est un peu à l’envers en ce moment. Il faudrait remettre ça à l’endroit.
Vous regardez toujours le Gros Journal le premier de l’année, consacré à Dany Boon. Dany Boon a commencé dans le Nord. Son rêve c’était de faire de la BD et il a échoué. On a quelqu’un qui a réussi et qui vient du même coin. Il s’appelle François Boucq. Bienvenue.
François Boucq : Merci.
On a un petit cadeau. Enfin, François a un petit cadeau.
François Boucq : Je le montre mais c’est comme quand j’étais môme et que j’avais fait le portrait des gens de ma famille. Je n’osais pas.
Il faut s’arrêter, vous êtes trop mignons tous les deux !
François Boucq : Je te le donne ? Je l’ai fait deux fois. Je l’ai fait en plus sophistiqué encore.
Dany Boon : J’adore !
J’ai une question avant qu’on se quitte. Cette émission est la première qui passe en janvier. Il y a deux ans, janvier a été un mois très compliqué puisqu’on a perdu les dessinateurs de Charlie. Comment on se sent deux ans après ? Est-ce qu’on y pense encore ?
François Boucq : On est obligés d’y penser. Quand on fait un dessin de presse, un dessin qui peut avoir une connotation un peu corrosive. Forcément je me demande si on je le passe ou pas. Est-ce que je risque quelque chose ou pas ? Et puis il faut voir l’équipe de Charlie aujourd’hui. Une équipe qu’il faut supporter. Ce sont des gens qui déterminent toujours la liberté d’expression. On pourrait dire des jusqu’auboutistes de la liberté d’expression qu’il faut absolument maintenir.
Dany, comment avais-tu réagi toi ?
C’était dur. J’en connaissais aussi quelques-uns. C’est très violent. Le dessin devient militant. C’est important de continuer.
C’est pour cette raison que je vous ai dit que 2015 était une année de merde, 2016, une autre année de merde mais 2017, ça va aller bien. Je vais bien.
Dany Boon : Tout va bien. Je vais mieux, tout va mieux.
Je vais mieux, tout va mieux. Je suis gay, tout me plaît.
Je ne vois pas pourquoi ça n’irait pas.
C’était le premier Gros Journal de l’année. Merci beaucoup Dany, Merci.