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Le Gros Journal

Le Gros Journal avec Enrico Macias : « La France était censée être une terre d’accueil »

Ce soir dans le Gros Journal, Mouloud Achour partage un couscous avec le légendaire Enrico Macias à la Boule Rouge, son restaurant préféré. L’interprète de « Adieu mon pays », « Enfant de tous pays » ou encore « Le mendiant de l’amour » est revenu plus en forme que jamais en 2016 avec un nouvel album intitulé Les Clefs. Il nous parle de ses « racines perdues », regrette que la France ne soit pas toujours à la hauteur de sa réputation de terre d’accueil, et confesse ses craintes pour la nouvelle génération – celle de ses petits-enfants. Il se livre, enfin, à un éloge inattendu du rap….


Le Gros Journal avec Enrico Macias , l… par legrosjournal

Mouloud : Comment ça va Enrico ?
Très bien, je suis content d’être avec toi !

Mais moi aussi ! Pourquoi est-ce qu’on est ici Enrico ? C’est quoi ici ?C’était ma cantine, et c’était l’endroit où je rencontrais tous mes amis d’enfance, mes copains maghrébins, qu’ils soient Tunisiens, Marocains ou Algériens, on est tous là, on joue aux cartes, on mange bien… C’est un petit peu la recherche des racines perdues et on a reconstruit des racines. Pas comme chez nous mais… Ici c’est comme chez nous, voilà.

Au moment où tout le monde est en train de nous bassiner avec leurs histoires d’identité, de Gaulois, de Français… Comment est-ce qu’on se sent quand on est Enrico Macias et qu’on voit ça ? Et qu’on a soutenu le candidat Sarkozy ?
D’abord je dois dire que lorsque j’étais en Algérie et que j’ai quitté l’Algérie contre mon gré, que je suis venu en France, je pensais qu’on allait être accueillis comme des héros, parce qu’on a payé le fait d’être français par notre sang. Donc qu’est-ce qui s’est passé ? C’est que j’ai été surpris de l’accueil qu’on nous a fait un petit peu, en tant que Français… Comme des étrangers.

Comment est-ce que le Enrico Macias d’aujourd’hui voit la France d’aujourd’hui ?
C’est une France qui était censée être une terre d’accueil, mais quand je vois la réaction avec les migrants par exemple, je m’aperçois que non.

On a commencé tout de suite sur un sujet sérieux, j’aimerais qu’on parle d’un sujet plus sérieux encore. Qu’est-ce qu’il y a dans nos assiettes là ?Ah, ça c’est sérieux, ah ça c’est sérieux ! Là je reconnais bien… Je reconnais bien Mouloud là ! Il ne veut que manger, manger…

Par quoi on commence ?
Moi je commence toujours par les navets, parce que comme ça au moins je ne fais pas de navets…

Et bien dis-donc, on est en forme !
C’est que c’est toi qui me mets en forme Mouloud !

Souvent dans les interviews d’Enrico, on entend parler de l’Algérie. Mais on ne parle pas des premiers jours en France.
Non, mes premiers jours en France, ca a été dur ! J’ai commencé à composer des chansons, et puis j’ai cherché à aller chanter dans des cabarets, dans des bars, de partout ! C’est comme ça que j’ai débuté, j’ai même débuté avec les chansonniers au caveau de la République.

D’où le sens des blagues.
Ah oui mais ça… Ça même à l’école, quand j’étais au lycée, je faisais des blagues.

On m’a raconté un truc, on m’a dit : “une fois dans un avion, il y a Enrico qui rencontre une femme”…
Ah oui, une hôtesse, c’était l’hôtesse ! C’était l’hôtesse, ahlalala qu’elle est belle !

Exactement, et qui dit “quand est-ce qu’on peut se voir ?” Et l’hôtesse elle a dit “never”, et toi tu as dis “never, never et demi” !
Ah non c’est une autre !

Elle est bien celle-là
C’est une autre histoire !

Mais never, never et demi ça m’a fait rire très longtemps ! Comment cela se passait ? À l’époque avec les meufs quand on est Enrico Macias ?
Ça se passait bien, j’avais pas mal de succès. Vous voulez que je vous dise ? Ça se passait très bien ! Voilà, donc qu’est ce que vous voulez savoir de plus ?

Combien ?
Ah ça j’ai jamais calculé ! Parce que quand on aime, on ne calcule pas.

Là on a l’impression qu’on est face à un mec de dix ans.
Je m’amuse comme un enfant. Quand je parle à mon petit fils qui a 8 ans, je parle le même langage que lui.

Est-ce qu’on a envie de le voir grandir en France ou on a peur de ce qui se passe ici ?
Ici ou ailleurs le monde est en ébullition et moi j’ai peur pour mes petis enfants et mes arriéres petits enfants, je peux pas vous en dire plus je sais pas ce qui va arriver plus tard. En tout cas ce dont je suis sûre c’est qu’il faut qu’on fasse tout pour préserver leur sécurité et leur avenir.

Comment ?
Regardez, par exemple l’Éducation nationale. Les enfants ont des diplômes et ils trouvent pas de travail derrière, c’est dégoûtant. Comment faire ?

Pour qui va voter Enrico en 2017 ?
Là maintenant je ne sais plus.

Fillon ?
Il est pas mal.

Macron ?
Oh non pas Macron.

Pourquoi ?
Parce que je n’aime pas les gens qui crachent dans leur soupe.

Et pourquoi Valls et pas Hollande ?
Moi j’ai rencontré Hollande, je le trouve hyper sympathique, je lui ai dit pourquoi vous êtes pas sympathique comme ça à la télé et tout ça pour les Français, pourquoi vous donnez une autre image ? Il n’a pas su me répondre, il savait pas quoi me dire, mais je l’aime bien moi Hollande.

Il écoute quoi comme musique Enrico aujourd’hui ?
J’aime beaucoup le rap…

Alors il faut me dire quoi !
La Fouine par exemple, ce que j’aime c’est la richesse des textes, ils ont une facilité pour dire les choses avec une musique rythmé derrière et tout ça moi j’aime bien.

Il y a un truc très drôle c’est que aujourd’hui les rappeurs américains chantent avec l’auto-tune et le vocoder, mais les premiers qui l’ont utilisé c’est les algériens.
Oui, oui oui oui, c’est vrai ! Comme Khaled et Cheb Mami et tout ça. Bien sûr, Bien sûr mais on dit que je suis leur père, parce que si moi je n’avais pas existé il n’y aurait pas eu le raï. Quand moi je faisais des chansons orientales avec les cuivres et tout ça, le raï a suivi et c’est devenu le raï.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter Enrico ?
C’est d’abord une bonne santé pour tous les miens. Je souhaite à mes proches que ça aille bien, je souhaite de mourir avant eux.

On y pense beaucoup à la mort ?
Oui, mais je ne voudrais pas mourir après la perte d’un enfant ou d’un petit enfant, Dieu préserve, non non non, je voudrais mourir moi d’abord.

Qu’est ce qu’on écrit sur la tombe d’Enrico ?
« C’était notre frère ».

Câlin mon Enrico, merci beaucoup.
Merci.

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