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Par Adeline Grais-Cernea

CLOSET WITH… Alma Jodorowsky

Paris. J'ai 10 minutes de retard. Je suis descendue à Louis Blanc alors que j'aurais très bien pu descendre une station plus tôt à Château Landon... il pleut et je dois choisir entre garder mon parapluie à la verticale pour sauver mon brushing ou me servir de mes deux mains pour trifouiller mon Google Maps, m'apercevoir que je me suis trompée de direction et que je n'ai, définitivement, pas le sens de l'orientation en plus d'avoir le cheveux maintenant hirsute.

« Je suis là dans 3 minutes », que je lui envoie par texto.
« Parfait, à tout de suite », répond-t-elle.

Devant sa porte. Je sonne. J’attends. Et c’est alors que j’entends un petit chahut qui semble venir de l’appartement. Suis-je au bon endroit ? Quelques secondes plus tard le chahut se précise et je reconnais immédiatement les pattes d’un animal de type canin qui frottent contre la porte d’entrée.
Mon coeur bat très fort. J’adore les chiens mais j’en ai aussi un peu peur et je ne sais pas du tout à quoi ressemble celui-ci. Si j’avais su, j’aurais checké son Instagram…
La porte en finit avec le suspens et s’ouvre alors sur le visage rayonnant d’Alma qui, entre deux grands sourires essaye de retenir son Shiba pour éviter qu’il me saute dessus.
Elle m’accueille très chaleureusement et s’excuse pour l’attitude un peu trop conviviale de Merlin.
« Merlin ! *Enchantée* ! », lance-je en m’adressant au chien, sans être sûre que ma blague ait fonctionné.

J’entre alors dans l’appartement d’Alma Jodorowsky. Lou Reed en fond sonore.
Une énorme pièce. Deux petits escaliers qui montent chacun de leur côté vers des combles aménagés. En haut : la chambre et un grenier débarras qui fait, occasionnellement, chambre d’amis.
Nous sommes toutes les deux un peu gênées, mais Alma sait détendre l’atmosphère et me propose un thé.
Elle est vraiment très jolie. Un rouge à lèvre qui ne rend pas aveugle. Un long et large pull gris Zara qu’elle vient de retrouver, me dit-elle, un jean noir retroussé April 77, et des Doc Martens montantes, noires, elles aussi. Elle m’avoue ne pas avoir fait trop attention à sa tenue ce matin mais ça lui va bien. Je remarque immédiatement ce qui a l’air d’être une petite collection de chapeaux et qui sont presque tous accrochés au mur de l’escalier menant au grenier. Des neufs, des vintages dont un superbe Stetson acheté à New-York pour 10$.

Tout d’un coup, elle se retourne :
« Ah non ! Non ! … Pardon, tu vas peut-être assister à ses entraînements de baise, me dit-elle en regardant son chien avec déconvenue… j’essaye de lui apprendre à ne pas faire ça en public, mais bon… »

Merlin a l’air très à l’aise en ma présence et je m’en félicite.
C’est alors que je remarque ce pour quoi je suis venue : le dressing.
J’avais bien remarqué les chapeaux accrochés au mur, et les manteaux sur un portant fixé en hauteur en entrant dans la pièce, mais voilà que je constate qu’en réalité, je suis bel et bien déjà dans la penderie !
Sous le portant des vestes, un meuble a été spécialement conçu pour l’espace : look industriel.

« C’est mon copain qui l’a fabriqué, il fait de la menuiserie métallique. »

Juste à côté de la porte, sous l’escalier, des planches sont fixées et abritent plusieurs paires de chaussures, homme et femme. Je lui demande quelles sont ses préférées.
« Je suis assez boots noires… C’est un peu par période en fait, mais quand j’aime bien des chaussures je les use complètement. », dit-elle en me montrant des chaussures montantes noires, sans marque, faites main et achetées à Amsterdam il y a deux ans.

Nous faisons alors le tour des autres armoires.
Alors que la plupart des gens ont l’habitude de rassembler leurs affaires à un endroit, Alma, elle, a parsemé son appartement de plusieurs petites penderies.
Dans l’entrée donc, on retrouve tous les manteaux suspendus, les jupes, t-shirts et pulls dans les tiroirs du meuble métal ; dans le salon, elle a posé une petite armoire près de la fenêtre dans laquelle elle a rangé tous ses sacs à mains, et quelques robes. Dans sa chambre, on va trouver davantage de chemisiers, et de tenues pour sortir, et dans l’espace grenier aménagé, elle range le reste, les vêtements qu’elle met moins.
Une organisation dont elle n’est pas certaine, mais qui fonctionne pour l’instant.

Je lui demande si parfois, lorsqu’elle est en bas et qu’elle voudrait bien mettre une pièce qui est restée à l’étage, elle abandonne l’idée juste par flemme de remonter ?
Ou bien si quand elle sort de la douche (elle vient alors de me dire qu’elle anticipait souvent ses tenues quand elle prenait sa douche) elle optimise ses déplacements en fonction de ce qu’elle veut porter ? – Moi, je sais bien que je m’habillerais potentiellement tous les jours de la même manière pour peu qu’un jean et un pull soient posés près du lavabo…
« En fait, je choisis un truc, mettons un pantalon, des chaussures, un chemisier ou une veste que j’ai envie de porter aujourd’hui et en fonction de cette pièce, je regarde ce que j’ai qui pourrait aller avec. Et niveau déplacement, ça va. Si j’habitais un château, je dis pas, mais là, ça va… », dit-elle en rigolant.

Je propose alors à Alma un petit jeu :
« Je vais choisir trois pièces de ta garde-robe, complètement au hasard et tu vas me raconter votre histoire commune, comment et où tu l’as achetée, si ça te rappelle quelque chose de particulier ? »
J’attrape alors une mini-jupe bien colorée. Des tons très acidulés sur des motifs fleurs et oiseaux. Ambiance seventies, à la limite psyché. Très immettable et Alma d’exploser de rire en me voyant attraper ça, pour me confesser tout de suite qu’elle n’a jamais porté cette jupe, ou peut-être juste une fois, mais qu’elle aime bien le tissu et qu’elle la garde car elle sait qu’un jour ou l’autre elle lui donnera sa chance.
J’attrape alors une robe accablante et regarde mon hôte en lui demandant, interloquée, ce que cela fiche dans son placard :
Une robe bleu/gris en tricot, manches courtes, arrivant au dessus du genou et sur le devant, tout en laine bien évidemment, l’illustration d’une belle scène de Noël où un petit renne attend devant une jolie maisonnette enneigée que quelqu’un veuille bien sortir pour faire son boulot, si vous voyez ce que je veux dire…
Alma prend la robe et la retourne :

« C’était sans compter le dos nu très sexy… », dit-elle les yeux pétillants.

Et je m’incline. De dos, la robe est noire, dans un tissu très léger, même partiellement transparent. Une robe Urban Outfitters, achetée à New-York.
« Portée, elle est vraiment bien je t’assure. C’est ma robe de Noël ! Je l’ai déjà mise à un dj set que j’ai fait avec des copains. Franchement, je l’ai mise plein de fois. », dit-elle en riant et en sachant pertinemment que personne n’a intérêt à être imaginé dans cette robe…
La troisième pioche est une chemise vintage achetée dans une friperie à Amsterdam…
Blanche, un peu tachée par le soleil ou le tabac, elle est ornée de broderies florales de part et d’autre de la rangée de boutons.
« Je crois même que c’est mon père qui me l’a offerte, on était avec ma petite soeur, je devais avoir 16, 17 ans.  »
« Mais tu passes ta vie à Amsterdam, ma parole ! », que je lance sans me rendre compte que je crie.
« Non, je n’y suis allée que deux fois en fait. » dit-elle alors songeuse.
« En tout cas, tu as une bonne mémoire pour savoir où tu as acheté tel ou tel vêtement ! », je lui dit en baissant d’un ton.
Alma me confie alors qu’elle fonctionne beaucoup comme ça : elle se souvient des événements en essayant de se rappeler ce qu’elle portait et ce sont ces vêtements qui la ramènent à ses souvenirs, à sa vie passée.

« Quand je me dis : Tel jour qu’est ce que j’ai fait ?, je me souviens de comment j’étais habillée et ça me rappelle le moment. Enfin souvent. »

Nous continuons à discuter en nous regardant dans le miroir de la petite armoire et qu’elle nomme « Le miroir de la vérité ». Il se trouve devant la fenêtre et à la lumière du jour : impossible de tricher, ce que je déplore intérieurement…
« J’ai la chance qu’on me donne pas mal de fringues et comme je travaille avec Chanel en tant qu’ambassadrice, j’ai quand même de très belles pièces, du coup, je n’ai pas besoin d’acheter des beaux trucs, je ne suis pas du genre à claquer tout mon fric en shopping, bon sauf quand je craque, là par exemple j’ai acheté une veste en mouton CARVEN, bon ok… mais sinon je préfère acheter dans des fripes, je vais chez COS ou même chez Zara, H&M… Après, j’aime bien ramener des choses de voyages. Par exemple, là, quand j’ai été à New-York, j’ai acheté un blouson chez Opening Ceremony, mais sinon ça va, je ne suis pas trop compulsive. »

Je lui pose ma dernière question :
« Si tu devais te choisir un uniforme, n’avoir qu’une seule tenue pour le reste de tes jours? »
Elle me répond très instinctivement :
« Un jean noir slim taille haute, avec des boots noires et une chemise un peu ouverte à motifs fleuris, le tout agrémenté d’un beau manteau, style un peu masculin mais bien cintré. »

Alma sera l’une des héroïnes de la prochaine fiction de France 3, « La Vie devant elles ». Une série de 6 épisodes d’une heure chacun où elle jouera une fille de mineurs dans le Nord de la France durant les années 70.
Elle sera également à l’affiche du film « Kids in love » qui sortira courant 2015 et où elle partagera l’affiche avec le très prometteur Will Poutler ainsi que Cara Delevingne, égérie mode incontournable.
Le premier EP de son groupe Burning Peacocks, vient juste de sortir.
En attendant l’album qui va s’enregistrer cet hiver, elle et son acolyte David Baudart seront en concert au Trianon, le 23 novembre, à l’occasion du Festival Black XS.
« C’est quoi comme genre ?, je lui demande en lui faisant bien comprendre que je n’y connais rien..
_C’est de la dream pop ? Oui, je dirais ça…, me répond-t-elle très gentiment.
Ça parle d’amour surtout, mais pas que… : je suis heureuse en amour et c’est moins facile d’écrire sur l’amour quand tout va bien. »

Merlin est allongé près de la fenêtre, sage, il regarde la pluie tomber et me voit enfiler mon manteau en espérant intérieurement qu’Alma ne le sorte pas maintenant…
« J’ai un colis à aller chercher à la Poste, mais je crois que je vais attendre un peu. », me dit-elle.
Et Merlin la regarde avec amour.

Cet article est initialement paru le 14 novembre 2014.

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