En exclusivité pour Clique, le collectif de réalisateurs Les Cardinaux nous présente "Let's Make It Count", sa dernière production pensée - entre autres - pour bousculer le concept de court-métrage en y ajoutant de l'interaction. Présentation du projet et interview avec les réalisateurs.
Let’s make it count est une expérience de court-métrage de fiction interactif. Le pitch ? Lors de leur dernière journée de voyage à Los Angeles, quatre potes français se séparent afin d’essayer d’atteindre l’extase.
Chacun des réalisateurs du collectif Les Cardinaux a pris en charge un personnage et lui a écrit un destin. L’expérience présente les quatre films via un split screen où ils se déroulent simultanément, avec la possibilité de « zoomer » et de n’avoir qu’un film à l’écran.
L’internaute va réaliser son propre parcours au sein des films et suivre le destin de ces quatre personnages en parallèle. Quel personnage allez-vous suivre ? Qu’allez-vous aimer ? Qu’allez-vous comprendre ? Qu’allez-vous rater ? Le spectateur verra in fine un film unique : sa propre expérience dictée par ses désirs. Découvrez ci-dessous le trailer du projet.
Le trailer de Let’s Make It Count.
– Faites l’expérience « Let’s Make It Count » en cliquant sur ce lien –
Clique : Vous vous êtes chacun attribué un point cardinal. D’où venez-vous ?
Les Cardinaux : Akihiro Hata est japonais, il vit en France depuis un peu plus de dix ans et représente donc l’Est. Ambarish Manepalli est Américain d’origine indienne, il vit à Los Angeles, c’est l’Ouest. Ludovic Zuili est d’origine nord-africaine, il est le Sud et Simon Bouisson est d’une famille française depuis des générations, il représente le Nord.
Comment est né ce projet ?
Let’s make it count est le deuxième opus de notre « collection » que l’on dirige avec Les Cardinaux. Il y a 3 ans, Rishi, l’Américain des Cardinaux, allait retourner vivre aux US et nous a proposé de marquer le coup en faisant quatre films. On a créé le collectif à cette occasion et on a choisi de diffuser ces films sur le net de façon interactive, en réinventant à chaque fois le concept. On a tourné le premier opus dans lequel on peut voir quatre histoires parallèles qui racontent les dix dernières minutes avant la fin du monde, le tout en plan séquence. Qu’allez-vous regarder de ces quatre destins simultanés ?
– Visionner le premier opus, « L’Apocalypse », en cliquant sur ce lien –
On veut proposer une nouvelle façon d’expérimenter le court-métrage.
Le court-métrage sur le web, pour un jeune auteur actuel, c’est trop souvent un lien Vimeo avec un mot de passe. Il existe des millions de films courts qui ne sont pas diffusés après leurs premières sorties et qui finissent dans les limbes du web.
Finalement, l’idée de rencontrer un public large de façon internationale et atemporelle, en interrogeant son rapport au récit, nous satisfait beaucoup.
Vous aviez déjà travaillé ensemble, tous les quatre ?
Simon, Rishi et Aki se sont rencontrés à la Fémis et ont collaboré sur des projets pendant leur formation. Ludovic et Simon forment le duo såndl (qui a réalisé les vidéos Tokyo Reverse, Product™) et travaillent quotidiennement ensemble.
Product™, une série documentaire sur la face cachée des produits de grande consommation, diffusée sur ARTE.
Les Cardinaux sont le premier espace où nous collaborons ensemble, à huit mains. Rishi précise souvent que ce qui lui plaît le plus c’est qu’on n’est jamais d’accord (ça débat beaucoup en séance d’écriture) ! Et c’est tout l’intérêt du quatuor : aborder des thématiques et les interroger selon des points de vue très différents.
L’équipe des Cardinaux au complet.
Les histoires se répondent en partie. Comment avez-vous choisi ces correspondances ?
Dès le premier opus, en 2014, on a décidé de se donner des règles qui soient artistiques ou techniques (notamment « dix minutes avant la fin du monde », « le plan séquence »…) et chacun de nous devait avoir un rôle (en tant qu’acteur) dans le film d’un autre. Il y avait aussi cette idée d’explorer des genres différents dans chaque film : l’absurde, le comique, l’expérimental et le thriller.
Dans cette version, les contraintes étaient la structure des films : quatre plans séquences de deux minutes qui se déroulent à quatre moments clés d’une même journée.
Chacun des personnages doit également se passer un coup de fil durant cette journée (avec les contraintes de raccord que ça implique) et étant donné qu’on peut voir les films en simultané en split-screen (grâce au fabuleux travail de l’agence UPIAN, spécialisée dans les webdocs), nous avons aussi décidé que les personnages secondaires allaient traverser les différentes histoires et qu’on en incarnerait certains !
Rishi, le plus « actors studio » de tous, est présent dans trois films avec un rôle de catalyseur de péripéties. Simon est le chauffeur Uber du film de Rishi, Aki est le touriste japonais qui traverse deux films. Ludovic est le joueur de baseball que son personnage recherche et on l’aperçoit dans des fonds de plans des autres films.
Quatre potes qui se séparent et décident de faire de leur dernière journée à Los Angeles un « jour qui compte », c’est autobiographique ?
Heureusement non, parce que ça voudrait dire qu’on ne pouvait plus se voir à la fin du tournage… alors qu’on a fait une petite virée à Vegas ! Mais ça représente sûrement nos fantasmes et envies personnelles.
On reste tout de même plutôt loin de l’escapade légère, comme dans « La folle journée de Ferris Bueller ». Les histoires ont chacune un côté noir. D’où vient-il ?
Il y a quand même le coté régressif de Ferris Bueller ! Du moins au départ, ils ont tous des envies basiques : nourriture, sport, cinéma, baise ! Après on a imaginé des fausses pistes, ils vont trouver autre chose que ce qu’ils cherchaient initialement, ou du moins différemment. Ils vont s’approcher de l’extase mais jamais comme ils l’avaient imaginée.
Dans « La Folle Journée de Ferris Bueller » (1986), Ferris décide de sécher les cours et embarque son meilleur ami et sa copine dans une folle équipée.
La fin reste en suspens : y aura-t-il une suite ?
On aime bien cette image des Cardinaux : à 80 ans, avec nos cannes et nos dentiers, encore à chercher un nouveau thème et faire le 58e opus ! Donc il n’y aura non pas une suite, mais de nombreuses suites.
Pour l’instant, on parle d’une piste pour le troisième opus qui serait tourné en Réalité Virtuelle. On veut avant tout trouver de nouveaux challenges narratifs, en restant attentifs aux évolutions du monde contemporain.
Simon et Ludovic, vous travaillez énormément sur la notion de « cross »/ »trans »média. Que vous a appris ce projet ?
Déjà, on a réussi à convaincre Aki et Rishi, qui ont l’habitude de travailler sur des projets linéaires, que ça marchait ! Et ça c’est une jolie victoire !
Le premier opus – qu’on avait totalement autoproduit – nous avait laissé une trop grande liberté dans nos histoires. Là, nous avons voulu les rendre beaucoup plus interdépendantes et on réalise peu à peu que ça marche, c’est très excitant.
On a fait une projection à Clermont pendant le festival du film court où on a laissé deux participants vivre leur propre expérience en public. C’était génial parce qu’on testait le site pour la première fois avec des personnes extérieures au projet, et on a vu la puissance de Let’s Make it Count avec deux parcours très différents, mais pertinents. L’un « switchait » dans tous les sens avec le clavier, l’autre était plus contemplatif et préservait les plans séquences. Ce qui est grisant avec ces nouvelles écritures c’est que chaque projet permet d’expérimenter une nouvelle forme de narration, et du coup on cherche, on teste, on apprend et on se renouvelle à chaque fois.
– Faites l’expérience « Let’s Make It Count » en cliquant sur ce lien –