Dans le Gros Journal du 2 mai, Mouloud Achour questionne le passé et interroge le futur : qui sera notre prochain Président ? Et si ceux qui nous gouvernent vraiment étaient plutôt la technologie et Internet… Le paléoanthropologue Pascal Picq et le Youtubeur Jhon Rachid en débattent en prenant l’exemple des grands singes qui ont, contre toute attente, de nombreux points communs avec nous, même dans leur façon de faire la loi.
Le Gros Journal avec Pascal Picq et Jhon Rachid… par legrosjournal
Mouloud : On est encore entre les deux tours de l’élection présidentielle. François Mitterrand pose une question : “Qui va prendre le pouvoir ? Les grands singes, les hommes ou les robots ?” Et j’ai avec moi quelqu’un qui a écrit ce livre “Qui va prendre le pouvoir ? Les grands singes, les hommes politiques ou les robots” et Jhon Rachid, qui est une de mes personnalités préférées sur YouTube, qu’on avait pu voir notamment face à Alain Juppé dans l’Émission politique, pour parler de cet entre-deux-tours. Il y a quand même un truc drôle, c’est que cette phrase, vous en avez fait un vrai livre. En ce moment, tous les candidats se réclament de Mitterrand : Marine Le Pen, comme Emmanuel Macron. Vous parlez sous couvert de quelle autorité ? Quel est votre vrai métier ? A part avoir un chapeau.
Pascal : Je suis anthropologue, spécialiste de l’évolution de la lignée humaine. La chose importante, c’est qu’il y a deux espèces dans la nature, ou sur cette Terre, aujourd’hui qui font de la politique : les chimpanzés sans le langage, ce qui leur évite de dire des bêtises et de faire des promesses, et les hommes, qui eux, ont un langage et peuvent dire des bêtises et faire des promesses qu’ils ont du mal à tenir.
Pascal : La chose importante, c’est que, depuis la dernière présidentielle, le monde a changé d’une manière vertigineuse avec la vague numérique, « l’ubérisation »… mais il y a plus que cela : l’arrivée des robots, l’intelligence artificielle, les “blockchain”. Tout ça, c’est une grande vague numérique et on n’en parle pas du tout dans cette présidentielle. Donc c’est quand même troublant, un monde qui change très vite et tous ces grands sujets comme l’écologie et les banlieues, on n’en parle pas du tout.
Mouloud : En gros, ce que vous dites c’est qu’on élit un président pour un projet d’avenir et qu’aucun des candidats ne parle du futur.
Pascal : La question est : “sommes-nous parti prenant du monde qui vient ?”
Mouloud : Est-ce que vous connaissez Jhon Rachid ?
Pascal : Et bien, j’ai été voir sur YouTube évidemment.
Mouloud : Parce que l’on parle des candidats du futur, mais le futur est en ligne, et c’est Jhon Rachid pour moi. Il fait partie des gens qui sont déjà dans le futur. Je l’ai découvert avec la série “J’ai mal au rap”. Ensuite, “J’ai mal à la France”. Je ne sais pas à quoi il a mal aujourd’hui. Il y a eu également ce sketch sur les Hipster, qui m’avait tué avec Norman. Vous pouvez le voir sur Twitter, il y a eu son fameux personnage de Karima, la légende.
Jhon : Il est apprécié, oui. On m’appelle dans la rue Karima des fois.
Mouloud : Et Jhon Rachid, il s’était pointé à l’Émission politique, face à Alain Juppé et il avait dit ça. (extrait vidéo)
Jhon : Franchement, je ne me suis pas trompé. Là encore, on a affaire à un échange de pouvoir : Macron était là avec Hollande, son équipe sera à peu près la même que celle de Hollande. Il n’y a pas de vrai renouvellement, c’est un faux renouvellement.
Mouloud : Est-ce que c’est une raison de donner des chances à Marine Le Pen d’être forte ?
Jhon : Mais Marine Le Pen, c’est pareil. Non, il ne faut donner absolument aucune chance à Marine Le Pen, je suis concret là-dessus. Mais c’est un échange de pouvoir : elle a remplacé son père, adoucit le parti alors que derrière on sait très bien que ce n’est pas adouci.
Mouloud : Elle fait partie de l’oligarchie qu’elle dénonce.
Jhon : C’est exactement pareil. Il n’y a aucun vrai renouvellement, aucune prise de pouvoir du peuple, il n’y a rien de nouveau. C’est la preuve parfaite de ce que je disais face à Juppé. Macron c’est pas nouveau, il y a Valls qui se pointe pour essayer de gratter un ministère de la même façon, donc on va avoir les mêmes personnes et ça ne va rien changer.
Mouloud : Qu’est-ce que l’on fait alors ? Est-ce que là, avec Marine Le Pen au deuxième tour, tu te dis “Je continue à m’abstenir parce que j’ai décidé que l’abstention était une parole politique”, ou je fais barrage à Marine Le Pen, car il y a une réelle urgence que dans quelques mois tu dégages ?
Jhon : Je ne dégagerai pas, mais je pense aux autres. C’est risqué pour les autres, mais pour moi ça va. Je m’en fous, je ne suis ni terroriste, ni délinquant, ni rien du tout donc je ne risque rien. Évidemment, il faut faire barrage, mais à chaque fois on se retrouve dans la même situation, on ne vote pas pour quelqu’un que l’on veut élire et on se retrouve déçu.
Jhon : Si Macron passe ou si Marine Le Pen passe, dans les deux cas, les années seront pourries. On aura des révoltes. Comme j’ai dit, il n’y a pas de changement, ça ne change rien du tout. Tout à l’heure, on parlait des candidats qui ne parlent pas de futur. Mais les candidats s’en foutent du futur, ce qu’ils veulent, c’est l’urgence. Ils se font élire sur l’urgence, et en parlant de l’urgence, ils grattent des voix.
Mouloud : Il y a un film qui prophétisait la fin de l’humanité à cause de l’Homme. Quand on écoute Jhon Rachid, on a l’impression que ce qui va causer la perte de l’Homme et de la France, c’est les français et c’est l’humanité. Ce film, c’est La Planète des singes.
Mouloud : Est-ce que finalement le vrai danger ce n’est pas ça ? L’extinction de l’Humanité parce que l’on est en train de faire n’importe quoi. Si on se dit que Poutine a l’arme nucléaire, Marine Le Pen qui a l’arme nucléaire, et Trump qui a l’arme nucléaire, est-ce que l’on va finalement vivre dans la Planète des singes. On va exploser l’Humanité, et il ne restera que Couscous mon chien, et des singes.
Pascal : Le vrai danger, ce n’est pas le nucléaire, même si c’est un danger tout à fait réel, on est bien d’accord. Dans La Planète des Singes, la vraie raison pour laquelle l’Humanité disparaît, ce n’est pas une déflagration nucléaire, comme le film de 68 ou un virus, comme dans la série la plus récente, qui au passage est excellente. Non, tout allait bien sur la « Planète des Singes », nous avions des machines qui produisaient les biens nécessaires, et nous avions domestiqué les grands singes, qui veillaient à notre confort et aux services les plus délicats. Mais au fil du temps, nous avons été pris par une paresse intellectuelle et physique, et donc le vrai danger de l’intelligence artificielle et des robots…
Mouloud : C’est l’Iphone en fait ce que vous racontez : la paresse intellectuelle et physique.
Pascal : C’est un petit peu ça. Sur l’Iphone, j’ai quand même pu aller voir ce qui vous étiez tous les deux, donc il y a des trucs formidables. Si on cesse, comme depuis deux millions d’années, d’être ce qui fait le propre de l’homme, c’est-à-dire cette curiosité, cette appétence pour la connaissance, l’échange, la discussion et découvrir l’inconnu, là nous sommes foutus. Donc ce ne sont pas les robots qui vont nous éliminer. Ça va être le fait que nous allons tomber dans une déliquescence, une paresse intellectuelle et physique, qui est déjà très marquée aux États-Unis.
Mouloud : Jhon Rachid avait fait la série “J’ai mal au Rap”. Un groupe de rap qui s’appelle Assassin a posé une question très simple : “Le futur, que nous réserve t-il ?”
Pascal Picq : Il ne nous réserve rien. C’est à nous de le faire. Le propre de l’homme, c’est de construire un projet. Donc sans être grandiloquent, il est clair que depuis Condorcet et le grand projet d’un progrès universel, et bien ça a failli…
Mouloud : Mais on a parlé tout à l’heure de la “Planète des Singes” parce que vous êtes anthropologue. Mais ce qu’on est en train de vivre avec « l’ubérisation », ça me fait penser à un autre film qui est “Matrix”.
Pascal Picq : Bien sûr.
Mouloud : Vous savez, où l’humain est juste devenu quelqu’un qui est dans sa petite bulle et dont les données servent à alimenter des grosses machines et c’est tout.
Pascal Picq : Le Big Data c’est ça : la richesse et la capitalisation de ces groupes californiens que nous utilisons. Parce qu’en plus, soyons clair, relisons la Boétie…
Mouloud : Quand vous parlez des groupes californiens, c’est Google.
Pascal Picq : Google, Amazon, Facebook.
Mouloud : Ce n’est pas Kendrick Lamar et tout ça.
Pascal Picq : Non non, pas du tout, on est bien d’accord. Ces groupes-là ont une valorisation boursière qui est basée justement sur cette nouvelle valeur, qui n’est pas le pétrole, qui n’est pas l’industrie, c’est les données. Les données qu’ils collectent, que vous donnez vous-même. Et donc, très clairement, on n’est pas dans Big Brother, comme dans le film Brazil, où là, très effectivement vous avez une énorme unité centrale qui vous contrôle. C’est que nous-mêmes, en nous géolocalisant, en donnant des informations, en naviguant sur le web avec nos smartphones, nous donnons des informations qui sont quant à elles, immédiatement disponibles et pas toujours anonymes.
Mouloud : Tu as combien d’abonnés sur YouTube ?
Jhon Rachid : 1 million
Mouloud : 1 million. Est-ce que son million va à YouTube ou il va à Jhon Rachid ? Ces données elles vont à qui ?
Pascal Picq : Ces données elles vont dans ce que j’appelle « l’espace digital d’harmonien ».
Mouloud : Parce que lui, il se fait rémunérer à chaque fois par YouTube.
Jhon Rachid : Par YouTube oui.
Mouloud : Mais en contrepartie, YouTube utilise les données des gens qui vont te voir pour vendre des pubs aux gens que ça cible.
Jhon Rachid : Ça, je n’y ai pas pensé. Le seul truc, c’est que sur les données que récolte internet, moi j’essaie de faire gaffe à ce que je donne justement. Même mon Facebook, j’essaie de donner un minimum. Et quand je donne, ce n’est vraiment pas des trucs trop privés.
Mouloud : Toi, c’est ce que tu montres. Mais ce qu’il donne en fait, il donne tout.
Pascal Picq : Mais bien sûr.
Jhon Rachid : Je donne tout par rapport à mon public c’est ça ?
Mouloud : Oui. À chaque fois que quelqu’un regarde une de tes vidéos, il s’éclate bien évidemment, parce que c’est « chanmé ». Mais c’est juste une donnée de plus, publicitaire pour YouTube. C’est ça la réalité.
Pascal Picq : C’est une donnée première qui peut être revendue dans des blocs selon les demandes dans les entreprises…
Mouloud : On nous fait croire que YouTube c’est la liberté, et que les youyubers c’est génial. Mais en fait, vous servez juste à de la valorisation boursière.
Jhon Rachid : Ça on le sait, mais le discours qu’on peut avoir et la liberté qu’on peut avoir grâce à YouTube, c’est au-delà des données, etc. Moi je dis ce que je veux. Si demain je veux critiquer YouTube, je le critique. Si je veux critiquer qui je veux, je critique.
Mouloud : Mais critique frère.
Jhon Rachid : Non mais je critique. Je le fais sans me gêner.
Pascal Picq : Mais vous pouvez le faire parce qu’on est dans une démocratie, qu’il y a la CNIL.
Jhon Rachid : Non grâce à YouTube.
Pascal Picq : Grâce à YouTube. Mais il y a des pays où vous avez de moins en moins cette liberté parce qu’on peut contrôler ces réseaux. C’est ça qu’il faut bien comprendre. Il y a une vraie question dont on discute dans l’Institut de la Souveraineté Numérique, notamment, aujourd’hui, les enjeux de la médecine connectée. Avec les montres connectées, avec les appareils que vous avez dans vos poches. Aujourd’hui on parle dans certaines compagnies d’assurances “Pay as you live.” C’est-à-dire qu’on va mettre des capteurs, vous faites vos 10 000 pas par jour, est-ce que vous picolez, est-ce que vous fumez ?
Mouloud : Et à cause de ta montre, on pourra t’accorder ou pas un prêt immobilier.
Pascal Picq : Exactement. Et ça on n’en parle pas parce que ce sont de véritables enjeux de démocratie.
Jhon Rachid : C’est de plus en plus de la science fiction. On est en train de basculer dans un monde complètement SF qui était tout prédit. Il y a plein de films qui contrôlent par le poignet, par les montres, par les puces à l’intérieur, etc. Mais est-ce qu’on a le droit de refuser de mettre une puce ? Est-ce qu’on a le droit de refuser d’utiliser ces objets ?
Pascal Picq : C’est la vraie question.
Jhon Rachid : Il y a des gens qui refusent encore la technologie. Il y a plein de personnes qui vivent sans tout ça. Mais moi je trouve qu’internet et toute cette technologie, c’est bénéfique aussi bien que néfaste. C’est-à-dire que pour la curiosité, je trouve que c’est bien parce qu’on peut tous apprendre. Moi j’ai appris plein de trucs grâce à internet, très vite, sans attentes. Sans me prendre la tête, je tape et ça y est, j’ai les réponses à tout ce que je veux.
Mouloud : Parce que tu es curieux.
Jhon Rachid : Oui, mais est-ce que ça n’attise pas la curiosité de pouvoir…
Mouloud : Je pense que toi dans les années 90, tu serais juste allé à la médiathèque aussi.
Jhon Rachid : Exact, c’est ce que je faisais.
Mouloud : C’est ta nature en fait.
Jhon Rachid : Mais est-ce que les enfants qui naissent aujourd’hui ne vont pas garder cette curiosité et ont accès facilement à tout plein de données et de savoir. Donc moi je trouve que c’est néfaste pour plein de raisons et je suis vraiment concret là-dessus. J’avais fait une vidéo sur Periscope où je trouvais que c’était vraiment de la merde et que c’était intrusif au maximum. Et en même temps, je trouve que c’est bénéfique parce que moi j’ai appris des tonnes de trucs et il y a des gosses qui apprennent des tonnes de trucs. Et moi j’essaie de faire passer des messages dans mes vidéos qui servent à quelque chose.
Mouloud : J’ai une question à l’anthropologue : est-ce qu’aujourd’hui, à l’époque où tout le monde donne son avis sur les murs Facebook de tout le monde sur la politique, est-ce que ça fait du bien ou pas à l’évolution de l’Homme ? Est-ce que toutes ces opinions doivent être écrites et partagées par tous ?
Pascal Picq : C’est les nouvelles agoras. Aujourd’hui on a plus de lieux pour se réunir. Bon, il y a un peu la place de la République, la Bastille de temps en temps.
Mouloud : Ah ! Ils sont chiants avec leurs djembés.
Pascal Picq : Je suis d’accord, mais en tout cas, on n’a plus de lieux. Donc ce sont les nouvelles agoras. Écoutez, dans toute assemblée humaine, que ce soit sur les réseaux ou pas, vous avez des gens qui disent des choses intéressantes, des gens qui disent des conneries, des choses qui ne nous intéressent pas du tout. Donc là-dessus c’est rien de nouveau, sauf que c’est une amplification complètement nouvelle. Toute évolution est un compromis, donc ces nouveaux espaces sont des espaces de liberté d’expression ou autre, mais il ne faut pas croire qu’ils sont porteurs, intrinsèquement de liberté, parce qu’il y a de véritables problèmes de citoyenneté.
Mouloud : Donc si je suis votre raisonnement, pour avoir de l’information, on fait un compromis. Mais la contrepartie de ce compromis, c’est qu’on ne donne pas le pouvoir non plus aux politiques, parce que le pouvoir, c’est l’information, mais on le donne aux grands groupes.
Pascal Picq : C’est exact.
Mouloud : C’est ça ?
Pascal Picq : Donc c’est le risque. Effectivement, quels sont les enjeux par rapport à cela.
Mouloud : Tu as compris comment on se fait « ken » ou pas ?
Jhon Rachid : Il y a aussi le truc de la citoyenneté que vous avez évoqué. C’est vrai que sur Facebook, sur les murs Facebook, quand on donne un avis ou quand on reçoit un avis de quelqu’un, c’est tout de suite assez virulent. Tu ne fais pas ça dans la vraie vie. Moi il y a personne dans la vraie vie qui vient me dire “C’est de la merde, tu es un enculé.” Ça n’existe pas. Ça on a que sur internet.
Mouloud : Moi ça m’arrive. Non je rigole.
Jhon Rachid : Moi, ça ne m’est jamais arrivé. On sait qu’il y a un mur qui permet de protéger certaines personnes et des paroles qui se libèrent plus facilement. Moi je sais que dans la vie, je n’ai jamais eu d’insultes racistes, enfin à part quand j’étais petit.
Mouloud : Mais tu imagines s’il y avait les commentaires Facebook en vrai dans la vie ?
Jhon Rachid : Mais oui, c’est horrible.
Mouloud : Et je te ferais dire que…
Pascal Picq : « Toi, retourne dans ta grotte ! » Là c’est gentil.
Jhon Rachid : Là, c’est gentil de ouf. Je vais me taire, je vais rester poli. Mais c’est vraiment hardcore par rapport à la vraie vie. Ça n’existe pas dans la vraie vie.
Mouloud : Tu es touché toi par les commentaires qu’il y a sous tes vidéos ?
Jhon Rachid : Oui, des fois. Oui, je dis la vérité. Parce que c’est toujours le même problème. Ces personnes-là ne le disent pas en face. J’ai croisé plusieurs personnes qui m’avaient insulté.
Mouloud : Ils t’ont dit : “En vrai, mon nom ce n’est pas Evil722, c’est Corentin.”
Jhon Rachid : En face d’eux, ils arrivent et te font : “Mec, fallait pas le prendre comme ça.” Ils bégayent. Ca me touche de moins en moins parce que je sais que dans la vraie vie ce n’est pas la même chose. Mais des fois tu reçois des trucs comme tout le monde. On reçoit tous et peut n’importe qui. Un jour je suis allé voir une vidéo sur Zidane. Et je me dis que ce mec est intouchable, « ininsultable », tu ne peux pas toucher Zidane. C’est le mec le plus gentil du monde. Et dessous j’avais vu un commentaire, j’ai halluciné, j’ai vu : “Zidane joueur surcoté”. J’ai fait : “Bon ok, allez c’est internet.”
Pascal Picq : On voit bien qu’il y a de nouvelles formes de dénigrements. On a tous connu ça. En bagnole, les gens qui vous insultent. Alors vous descendez et vous vous bagarrez ou vous dites : “Tant pis, je laisse filer.”
Jhon Rachid : J’ai une question, est-ce que les singes ils s’insultent entre eux ?
Pascal Picq : Oui il y a des insultes.
Mouloud : C’est quoi une insulte de singe ?
Pascal Picq : Notamment chez les chimpanzés, quand ils ont des querelles d’ailleurs. Ils ont des querelles de pouvoir, etc. Ils font vraiment de la politique. C’est je prends du sable, je ne suis pas d’accord avec vous. Je prends du sable et je vous le balance à la figure.
Mouloud : Normal.
Pascal Picq : Et la pire insulte, c’est de l’eau. Alors ça il y a une graduation…
Mouloud : L’insulte c’est de l’eau.
Pascal Picq : S’il y a de l’eau, paf ils envoient une giclée.
Mouloud : L’insulte c’est de l’eau.
Pascal Picq : Alors là, c’est la super bagarre.
Jhon Rachid : Mais ils sont obligés de se battre ou des fois il y a juste des insultes ?
Pascal Picq : Ils ont des systèmes de réconciliation comme chez nous, etc. C’est gradué. Il y a des fois franchement, là c’est trop, je vais t’en foutre une.
Mouloud : Comment on dit Marine Le Pen en singe ?
Mouloud : Et Emmanuel Macron ?
Mouloud : Pas mal.
Pascal Picq : Je ne sais pas comment ça va se passer sur les réseaux après ça.
Mouloud : Qu’est-ce qu’il se passerait si l’on donnait Tinder aux singes ?
Pascal Picq : Tinder c’est quoi ?
Jhon Rachid : Une appli de rencontre.
Mouloud : C’est une appli de rencontre.
Pascal Picq : Mes collègues l’ont fait entre les chimpanzés du zoo d’Arnhem et de « Yerkes », un centre de primatologie aux USA. Et ils s’envoient des messages. Ils fonctionnent à vue comme nous. Ils sont un peu pornographes.
Jhon Rachid : Ils se reconnaissent sur une photo ?
Pascal Picq : Ils se reconnaissent sur une photo. On a fait des tests. On fait une émission un jour sur les chimpanzés et très vite avec les caméras, vous identifiez les personnes et au bout d’une heure, vous savez si ce chimpanzé, cette chimpenzée est la fille de qui, par rapport à cela. Donc ils se reconnaissent très bien, on a fait les tests.
Mouloud : Ils se likent à distance ?
Pascal Picq : Non ils ne se likent pas. Mais on peut le faire.
Jhon Rachid : Quand on leur montre des photos, ils arrivent à voir si c’est une femelle.
Pascal Picq : Ah oui ils se reconnaissent très vite.
Jhon Rachid : C’est génial ça.
Pascal Picq : Ils se reconnaissent comme nous, par les traits du visage. Chez eux, il y a des simplets, il y a des sympas, il y a des salauds, il y a des fourbes, des démocrates, des tyrans. On a toute la panoplie. Alors eux, ils ont un avantage sur nous. Quand il y a un tyran, en général, ils lui font la peau. Nous, ils arrivent à mourir dans leur lit. Ils ont quand même un petit avantage sur nous dans la gestion de la gouvernance.
Jhon Rachid : Ils les tuent carrément ?
Pascal Picq : Ah oui. Les tyrans, ils les flinguent.
Mouloud : J’ai une question super simple avant de terminer l’émission. Vous qui êtes anthropologue, qui connaissez un petit peu l’histoire de la vie depuis qu’elle existe, est-ce que vous croyez en Dieu ?
Pascal Picq : Non. J’ai fait ma communion sociologique comme toutes les personnes de ma génération. Je n’ai jamais eu la foi. Je suis athée, mais je ne suis pas dans un athéisme de combat. Pour moi, il n’y a pas un seul chemin qui mène à l’Homme. Je m’entends très bien avec des théologiens. Bien sûr laïque. La laïcité, ce n’est pas l’athéisme. La laïcité, c’est la liberté de croire ou de ne pas croire et d’être ensemble. Je m’entends très bien avec les théologiens de toutes les grandes obédiences et c’est un vrai bonheur parce que nous avons un même humanisme, mais qui est nourri de fondement intellectuel et philosophique différent. Et moi c’est ça qui fait l’humanité.
Mouloud : Et bien on est pareil dans cette émission, on est pour l’humanité. Merci les humains, d’être venus avec nous. Merci beaucoup de nous avoir regardés. On se retrouve demain à la même heure sur Canal + pour le Gros Journal. C’était un plaisir d’être avec vous, frères humains. Bon, même les singes nous regardent, mais on ne sait pas ce qu’ils vont voter dimanche.