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P.diddyMusique
Par Jalal Kahlioui

P.Diddy est-il un pervers narcissique ?

Dans "Can't Stop Won't Stop", un documentaire sorti il y a quelques jours sur l’histoire du label Bad Boy Records, P.Diddy se (la) raconte et nous a intrigués dans son rapport aux autres. L’artiste-businessman a réussi sa vie au prix de multiples risques, flirtant entre coups de génie et coups de poker. Filmé en noir et blanc, le documentaire réalisé par Daniel Kaufman s’immerge dans le quotidien de la star qui prépare un événement ultime : deux soirs de concerts réunissant les artistes Bad Boy Records.

Au cours de son histoire, Sean Combs est passé par toutes les étapes : patron de label, rappeur, acteur, entrepreneur, producteur de parfum… Mais cette hyper-activité a un versant plus sombre : dans ses relations avec les autres, Diddy présente un comportement très ambigu, parfois même agressif. Nous avons interrogé une experte à ce sujet…

En mai dernier, un fait divers avait déjà attiré notre attention : Cindy Rueda, la chef cuisinière personnelle de P.Diddy avait mené une action en justice pour harcèlement sexuel. Selon elle, Diddy l’aurait obligée à lui amener des plats, alors qu’il était nu et venait d’avoir des rapports sexuels (?!) Le producteur serait allé jusqu’à lui demander si le spectacle offert par son corps lui plaisait…

La bande-annonce du documentaire « Can’t Stop, Won’t Stop : A Bad Boy Story ». 

Pour répondre à notre question, la psychologue Alexandra Rivière-Lecart nous a décrit plusieurs caractéristiques du pervers narcissique, en attendant de recevoir peut-être un jour P.Diddy… «Le pervers narcissique fait partie du spectre des troubles de la personnalité. Si l’on ne peut soigner ce trouble, on peut trouver des améliorations afin d’atténuer les symptômes. Il y a dix troubles de la personnalité, notamment : la personnalité histrionique, personnalité évitante, personnalité dépendante, personnalité obsessionnelle compulsive, personnalité schizoïde, personnalité schizotypique et narcissique. Le pervers narcissique a une personnalité centrée sur la griandiosité et le besoin d’être admiré, qui voit le monde à travers un seul spectre : lui-même », explique la psychologue.

Après avoir visionné le documentaire, plusieurs éléments distinctifs du pervers narcissique trouvent des parallèles troublants dans le comportement affiché par la star :

– Le pervers narcissique a subi un traumatisme affectif pendant l’enfance.
« Les pervers narcissiques sont des personnes qui ont souffert d’un traumatisme dans l’enfance ou d’un manque affectif de la part d’un ou des deux parents », introduit Alexandra Rivière. 
Si ce manque d’affection n’est pas abordé dans le documentaire, il est de notoriété publique que P.Diddy a perdu son père à l’âge de trois ans, et en ressent toujours le manque aujourd’hui. La psychologue nous informe d’ailleurs que le manque affectif ressenti au sein de la cellule familiale peut être exacerbé par une exclusion sociale au sein de l’environnement de l’enfant. Or, dans le documentaire, P.Diddy évoque avec précision l’étrange souvenir d’une piscine présente dans son voisinage, source de fantasme et d’envie pendant sa jeunesse passée à Mont Vernont dans l’État de New-York.

– Il a la sensation de survivre dans un monde ennemi.
Face à ce traumatisme, les pervers narcissiques se construisent une armure, un « faux self » glorieux et avide de réussite, qui ne ressemble pas forcément à leur personnalité de départ, même s’ils avaient probablement un terrain psychique propice. « C’est contradictoire, mais l’enfant que les parents ont laissé a une très faible estime de lui-même. Le faux self, la carapace qu’il s’est construit, a, lui, une grande estime. C’est inconscient, mais l’enfant qui est (en chaque pervers narcissique) a très peu confiance en lui. Les pervers narcissiques sont donc souvent attirés par l’argent et la gloire, qui matérialisent une réussite. C’est pour cela qu’on a beaucoup de profils de pervers narcissiques chez les managers, les PDG, les personnes occupant des hauts postes », rappelle Alexandra Rivière.

À ce titre, Can’t Stop Won’t Stop frappe de plein fouet sur l’écueil de la glorification à outrance du personnage de Diddy. Des années sombres de la guerre entre rappeurs East Coast et West Coast à son florissant business musical, tout est fait pour installer son personnage dans la légende. Le film le montre aussi dans des positions – parfois pas à son avantage – de control freak qui a un oeil sur tout, de la lumière aux danseurs en passant par l’accompagnement musical sur scène. « Je sais que ce que je peux faire peut changer le monde », lâche-t-il à propos de sa musique…

-Le pervers narcissique témoigne d’une absence d’empathie manifeste.
« Ils ne ressentent pas ce que ressent l’autre, du fait de leur trouble de personnalité narcissique. C’est eux qui comptent, et non les autres. Centrés sur eux-mêmes, c’est comme si ils ne les voyaient pas. Ce comportement trouve son origine dans le manque d’amour (ou la mort d’un parent) dont ils ont été victimes à l’enfance. Ils en sont au stade du nourrisson qui ne jure que par le « moi je ». » Doit-on vraiment revenir sur la mégalomanie notoire de Diddy ? Un exemple : dans la préparation de son show, le rappeur se focalise sur la lumière présente dans le Madison Square Garden. Et P.Diddy ne veut rien d’autre qu’un éclair à la hauteur « d’une lumière divine ». En toute simplicité.

-La relation d’emprise et la manipulation.
« Pour le pervers narcissique, tous les autres sont des ennemis. Donc les rapports aux autres sont souvent ponctués par des formes d’agressivité, manipulatrices, qui vont servir de test pour jauger l’autre, et en faire ce qu’il veulent. 70% de la communication entre êtres humains est non-verbale. Ils en sont très conscients, et leur instinct leur permet de maitriser cet aspect et d’imposer un rapport de force invisible à leur avantage » analyse la spécialiste. Au-delà du récit épique de la success-story de Sean Combs, Can’t Stop Won’t Stop nous montre la relation d’emprise qu’entretient le milliardaire avec ses équipes proches ainsi qu’avec les artistes du label, qui ne cessent de glorifier et d’attribuer leur réussite personnelle au talent de l’entrepreneur. Tout au long du film, le spectateur est plongé dans les rapports étranges que P.Diddy entretient avec ses proches, où l’affection alterne avec l’agressivité.

Par sa dramaturgie et sa mise en scène (bien que ce soit un documentaire), Can’t Stop Won’t Stop ré-installe P.Diddy dans les habits de son personnage fictif de « Sergio Roma », patron de label mégalomane du film Get Him to the Greek. Dans cette comédie, P.Diddy jouait une version caricaturale de lui-même et menait la vie dure au pauvre Aaron Green (joué par Jonah Hill). Dans ce documentaire, on peut s’interroger sur la frontière entre la réalité et la fiction : entre ce que l’icône laisse entrevoir de sa personnalité et son image d’homme de poigne mais sympathique, le déséquilibre est conséquent…

On vous laisse juger si P.Diddy est oui ou non un pervers narcissique, avant qu’un de ses proches ne l’oblige peut-être à s’installer sur le divan…

Article écrit avec l’aide de Max Danet. 

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