C’est l’histoire d’un dingue de rap qui a concilié sa passion avec son métier de tous les jours, alors que le rapprochement n’était pas évident : Guillaume, 28 ans, est un pâtissier qui offre aux rappeurs des créations faites sur mesure et inspirées de leur univers.
Et forcément, quand on confectionne des éclairs « Pilule bleue » pour Disiz, une pâtisserie « Grand Cru » pour Deen Burbigo ou un gâteau aromatisé au whisky D.U.C. pour Damso, on se retrouve avec pas mal d’anecdotes…
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Guillaume : Je m’appelle Guillaume Carbonnot, j’ai 28 ans et je suis pâtissier depuis bientôt dix ans. Je suis titulaire d’un CAP (Certificat d’Aptitude Professionnelle) pâtissier, d’une mention complémentaire et d’un BTM (Brevet Technique des Métiers) pâtissier. Je me suis retrouvé dans la pâtisserie un peu par hasard. Je cherchais une voie où je pouvais laisser libre court à mon imagination, je voulais un métier créatif. Finalement, j’adore ce métier ! J’aime faire plaisir, transmettre des émotions et créer un univers autour d’un “simple” dessert. Actuellement, je suis salarié à la pâtisserie chocolaterie Espace Sucré Chocolat à Creney-près-Troyes (dans l’Aube, 10).
Tu as lancé un concept que tu as appelé « Hip Hop Pastry ». Peux-tu nous en dire plus ?
Le projet « Hip Hop Pastry » est venu petit à petit en fait. Tout a commencé quand j’ai réalisé une pièce pâtissière artistique sur Eminem. Je voulais créer une pièce en chocolat pour la Fête de la Musique, et plus j’avançais dans cette création, plus je m’orientais sur Eminem. C’est mon artiste préféré, tous genres confondus ; c’était une évidence de lui rendre hommage.
C’est sur cette réalisation que j’ai imposé mon style. J’ai pris plaisir à la faire et, surtout, je m’y retrouvais totalement. Le style Hip Hop, “street”, n’est pas forcément mis beaucoup à l’honneur dans notre métier. J’ai donc décidé de le mettre en avant et de me l’approprier. J’ai envoyé des images de cette pièce montée au site Hip Hop Infos France, qui a réalisé un superbe article qui a été partagé massivement.
Le journal américain Detroit News m’a également interviewé et un article est paru sur leur site, à Detroit. Une belle récompense !
La pièce en chocolat Eminem inclut une enceinte, un micro, un ghetto blaster et des visages du rappeur.
Par la suite, j’ai décidé de pousser le projet à fond. L’association troyenne Chill’en Ville a apprécié mes réalisations et m’a contacté pour réaliser le dessert du concert de Deen Burbigo. Par la suite il y a eu Damso, Disiz la peste… D’autres projets « Hip Hop x Pastry » arriveront par la suite, notamment avec l’association « La parenthèse » de Châlons-en-Champagne.
Comment une punchline de rap devient un gâteau ?
Chaque artiste m’emmène vers une couleur, un monde, un style bien particulier… Après, je me fie beaucoup aux pochettes d’albums, comme pour Deen Burbigo et Soprano. Pour Disiz, je pourrais faire des dizaines de gâteaux différents : il a tout un monde différent à chaque album, et il est très inspirant.
Pour Damso, j’ai réalisé un dessert très « nwaar », très brut, au whisky, à son image.
Pour Tupac et Eminem, j’ai fait quelque chose d’old school, parce que c’est les bases du Hip-hop, pour moi.
Pour Sopra’, c’était des éclairs simples et colorés à partager, encore une fois à son image : la Cosmopolitanie et le partage…
Comment s’est passée ta rencontre avec Damso, Disiz ou encore Deen ?
Il y a d’abord eu la rencontre avec Deen Burbigo, pour la date troyenne de sa tournée Grand Cru. Je suis arrivé l’après-midi à la salle de concert déposer mes entremets « Grand cru » et j’ai eu la chance d’assister aux balances et visiter les loges.
Le plus marrant, c’est qu’ils voulaient faire un peu de shopping, donc j’ai conduit son équipe aux magasins d’usine de Pont-Sainte-Marie à côté de Troyes. J’ai fait les magasins avec Deen, Eff Gee, Jehkyl, Jayjay… Bref, une excellente après midi où j’ai pu échanger un peu avec eux. C’était cool.
Guillaume et Deen Burbigo.
Quelques semaines plus tard, j’ai envoyé un mail à l’équipe de Velours Prod (organisateurs de concerts à Reims) pour savoir s’il était possible que je réalise un dessert, mais cette fois-ci pour Disiz la Peste.
Réponse positive, donc j’ai créé le dessert “Carré Bleu”, en hommage à un titre que j’affectionne sur son dernier album. Ça a vraiment été ma meilleure rencontre, artistiquement parlant.
J’écoute Disiz depuis plus de quinze ans et je suis assez fan du personnage et de l’artiste. Il est venu accompagné de sa femme, avec qui j’avais déjà échangé via les réseaux sociaux étant donné qu’elle fait aussi beaucoup de pâtisseries.
Guillaume et Disiz.
Dès son arrivée, je suis allé en loge avec lui et ses proches, et j’ai passé un super moment. Il est vraiment très cool et plein d’humilité, ils m’ont tout de suite mis à l’aise, je les remercie.
Il écrivait sur une feuille les titres qu’ils allaient jouer sur scène, et il a dit : « vu que Guillaume est là et que “Carré bleu” est son titre préféré, on va le jouer ! »
Bref un moment unique – d’ailleurs, un gros big up à lui, sa femme et toute sa famille !
La gâteau créé par Guillaume pour le concert de Disiz.
Le dernier en date est Damso. Pour le coup ça a été très très vite ! L’équipe de Velours Prod m’a une fois de plus superbement bien accueilli. J’ai rencontré sa manager, et elle m’a emmené en coulisses le rencontrer. Il est très cool (et très grand aussi) !
Guillaume et Damso
Il y avait une partie de son équipe. J’ai expliqué que le dessert était aromatisé au whisky D.U.C. – là, ils ont apprécié ! Ils ont mis les desserts au frais pour l’after après le concert.
La making of du gâteau de Damso aromatisé au whisky D.U.C.
Tu as aussi fait des œufs en hommage à Tupac…
C’est venu d’un jeu de mots pourri : œufs de Pâques / œufs 2 PAC, tout simplement. Ça a donné un œuf « Thug Life » en hommage à ce rappeur légendaire.
All eggs on Me.
En moyenne, combien de temps passes-tu sur tes créations ?
Tout dépend de ce que je dois réaliser. Pour les pièces artistiques en chocolat, ça s’étend sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Pour les gâteaux, c’est terminé en quelques heures. Le plus long est de trouver l’idée, la forme, les couleurs.
Comment tu es venu au rap, d’ailleurs ?
Durant ma jeunesse, je n’ai pas beaucoup écouté de rap français, je m’y suis mis beaucoup plus tard. J’ai commencé à écouter Eminem dès l’âge de douze ans, puis j’ai continué avec T.I, Lloyd Banks, G Unit, Dre, Ice Cube, Jay-Z, Method Man, Busta… Bizarrement j’ai par la suite revu les bases en écoutant Tupac, Run-DMC, Biggie, OutKast, Wu-Tang, Nas etc…
C’est pas très logique, je sais, mais c’est ce que je préfère – même si le rap actuel me convient très bien.
J’ai découvert le rap français un peu plus tard. Je connaissais bien évidemment NTM, IAM, le Ministère A.M.E.R. et la Mafia K’1 Fry, mais j’ai vraiment commencé à écouter avec Sniper et leur album Gravé dans la roche, que je connais par cœur, mais aussi Disiz la Peste et les Psy4 de la Rime. J’ai également beaucoup écouté Booba. Son style US m’a beaucoup plu, et je continue à prendre plaisir à l’écouter.
Mon rappeur français préféré, c’est Nessbeal. J’aime sa sincérité et son charisme. Il dégage quelque chose de fort, surtout dans ses textes. Je me reconnais beaucoup dans ses paroles et son image de clown triste.
Comme il le dit si bien : “pas de technique, mon rap c’est mes tripes”. Ça le représente très bien.
Pour ce qui est du rap français actuel, j’écoute beaucoup Damso, Nekfeu, L’Entourage, S.Pri Noir, Vald, les Casseurs Flowters – j’aime énormément OrelSan en solo -, Kery James, Lino, Soprano, Youssoupha. Il y en a beaucoup, je dois en oublier…
Vous pouvez suivre Guillaume sur son compte Instagram.
Image à la une : Montage Photo Damso / Gâteau Bruxelles Vie