Quelques semaines après la sortie de son quatrième album, Mirapolis (hymne d’une ville/parc d’attraction influencée par les univers de Michel Gondry et Alain Damasio), le chef de file de l’électro française, Rone, dévoile le clip de son titre « Origami » en exclusivité chez Clique. Une réalisation confiée au collectif d’animateurs Klub Simon, avec lequel nous nous sommes entretenus pour mieux comprendre ce projet d’animation, imaginé sous la forme d’un cadavre exquis à huit mains.
« Origami » de Rone, à découvrir en exclusivité chez Clique.
Rone n’en est pas à son premier coup d’essai en animation. Son premier album Spanish Breakfast avait déjà été créé autour d’un clip animé réalisé par Vladimir Mavounia-Kouka pour le titre éponyme. Les 25 millions de vues du clip de Dimitri Stankowicz pour « Bye Bye Macadam » avaient ensuite permis d’asseoir sa notoriété.
Pour son nouveau projet, Rone a décidé de ne pas changer pas une équipe qui gagne. À la manoeuvre donc : Vladimir Mavounia-Kouka et Dimitri Stankowicz, mais aussi deux autres réalisateurs, Pierre-Emmanuel Lyet et Thomas Pons. Ensemble, ils sont réunis sous une même bannière : le Klub Simon. Rencontre.
Clique : Sur Google, Klub Simon c’est avant tout un club de canoë kayak slovène. Mais pour vous, Klub Simon c’est quoi ?
Klub Simon : Le nom Klub Simon est né d’une private joke entre nous. Pour nous répartir les séquences du morceau “Origami”, nous nous sommes assignés des couleurs pour pouvoir se repérer visuellement (jaune, bleu, rouge, vert). Ça nous a fait penser au jeu Simon. Face à la solitude, l’idée de créer un Klub s’est imposée à nous.
Jeu de société électronique Simon
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
KS : On vient tous de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris. Pour la plupart on s’est croisé là-bas, mais on s’est réellement rencontrés après l’école dans les festivals, autour d’une bière ou d’un restaurant japonais.
Est-ce qu’il y a un style “Arts Déco” à mettre en opposition aux Gobelins ou à Supinfocom par exemple ?
KS : La différence avec les Gobelins ou Supinfocom, c’est qu’on est spécialisés en rien, et beaucoup moins techniques. On a une approche plus couteau suisse (et dans un couteau suisse, il y a toujours un tire bouchon).
Le clip de « Spanish Breakfast » réalisé par Vladimir Mavounia-Kouka.
Le clip de « Bye Bye Macadam » réalisé par Dimitri Stankowicz.
Après les clips de « Spanish Breakfast » (Vladimir) et « Bye Bye Macadam » (Dimitri), comment est née cette nouvelle collaboration avec Rone ?
KS : Rone a proposé à Vladimir de réaliser un des clips de son nouvel album Mirapolis. L’idée de faire un cadavre exquis lui a traversé l’esprit. Il nous a proposé d’y collaborer.
Comment vous est venue l’idée du cadavre exquis et ses contraintes ?
KS : C’était une manière de pouvoir réaliser le film à quatre, tout en ménageant des espaces graphiques personnels et avoir des surprises. Jusqu’à tard dans la production, le film dans son ensemble restait assez mystérieux, on ne savait pas trop à quoi ça allait ressembler. C’était très excitant. Au final, le clip fonctionne en suivant quatre segments narratifs différents, imbriqués les uns dans les autres comme un pliage.
Quel a été votre processus de création ?
KS : Après avoir choisi le morceau et le thème que nous souhaitions explorer, nous avons fait des recherches iconographiques où nous regardions beaucoup de visuels scientifiques, des trucs en macro qui devenaient limite abstraits, des images étranges générées par ordinateur avec des gammes colorées étonnantes, et pleins d’artefacts chelous.
Ça, c’était le point de départ. Après, chacun est allé un peu où il voulait en choisissant ses propres références. Il y a quatre narrations imbriquées et donc, quatre histoires segmentées en 24 séquences dans le montage. Nous avons tiré au sort les six parties que nous devions traiter. Une fois que chacun avait ses six parties, on pouvait faire ce qu’on voulait. On communiquait entre nous pour gérer les différentes transitions.
Pourquoi « le minuscule et l’énorme » comme thème commun ? Quelle histoire avez-vous eu envie de raconter avec ce clip ?
KS : On était partis du mot “Origami” et de ce qu’il nous évoquait au-delà des jeux de pliage et de papier afin d’éviter d’être trop littéral. On a mis en parallèle ces évocations avec nos ressentis sur la musique elle-même. Chacun a raconté une histoire personnelle dans son segment, sans vraiment en parler aux autres au début. Ce qui est amusant, c’est de constater qu’il y a des motifs et des éléments qui se retrouvent.
On ne savait pas par exemple qu’il y aurait une femme et une petite fille qui se feraient écho. Cela crée de la résonance involontairement.
Justement, la seule forme humaine du clip est une femme. Pourquoi ?
Pierre-Emmanuel Lyet : Je ne pense pas qu’il y ait vraiment d’explication à ça… Pourquoi pas une femme comme héroïne ? Ce qui est sûr, c’est que je souhaitais lui faire vivre une expérience dangereuse, une quête dont on peut potentiellement ne pas revenir. On ne sait pas vraiment où elle est. Si tout cela se passe dans sa tête. La vitesse qu’inspire la musique sur ce morceau induit une notion de danger à mon sens.
Dimitri Stankowicz : Cela permet de lier le figuratif et l’abstrait. J’ai voulu voir les interactions possibles entre des particules et un personnage. Garder un côté ludique.
Parfois, vous mettez la musique de Rone en images. Parfois, c’est lui qui signe la bande-son de vos images. Que représente Rone pour vous ?
Vladimir Mavounia-kouka : Erwan (Rone) est mon ami d’enfance. Nous nous connaissons depuis qu’on a douze ans. Lorsqu’il s’est mis à faire de la musique, j’étais son premier fan. Je me suis spontanément mis à produire des visuels pour illustrer sa musique et ses premières pochettes de disque. Lorsque j’ai réalisé mon premier film professionnel, je lui ai proposé d’en écrire la musique. On se connait tellement qu’on n’a pas beaucoup besoin de se parler lorsqu’on travaille ensemble. On se fait entièrement confiance.
Avant “Origami”, vous aviez déjà tous au moins une fois réalisé un clip. Quel est votre rapport à ce format ?
KS : Le format du clip permet d’expérimenter des choses narrativement et graphiquement. Contrairement au court métrage, on bénéficie d’un support audio qui évacue l’angoisse de la page blanche. Quand vous faites un film basé sur une musique, cela devient très intuitif, parfois expérimental. 50% d’un film, c’est le son… Donc lorsque la structure est un morceau bien construit, il n’y a plus qu’à se laisser aller et imaginer des choses… C’est la musique qui nous guide, au final.
Rone est actuellement en tournée francophone pour présenter Mirapolis sur scène. Pour se tenir au courant de ses prochaines dates de concerts, rendez-vous ici. Son album est également disponible sur toutes les plateformes de streaming ici.
Image à la une : extrait du clip « Origami » réalisé par Klub Simon.