Nous vous avons parlé du collectif House of Moda à l’occasion de la sortie d’un documentaire sur le rôle la communauté LGBT dans la culture du clubbing à Paris. Nous avons récemment donné la parole au BAAM (Le Bureau d’Accueil et d’Accompagnement des Migrants) lors des prémices du durcissement de la politique migratoire du gouvernement avec la projet de loi du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb.
C’est donc avec plaisir que nous vous présentons aujourd’hui leur prochain événement commun. Pour la quatrième fois en un an, les soirées House of Moda et le pôle LGBT du BAAM s’associent pour faire la fête, mais surtout venir en aide aux migrant.e.s.
Comment ? En organisant ce dimanche 18 mars de 18h à 2h, à La Folie Paris (une salle culturelle à la Villette), un tea-dance dont les bénéfices et 10% des recettes du bar seront reversés à l’association. Les membres du BAAM profiteront de l’occasion pour parler aux clubbers de la situation des migrant.e.s et de leurs différents pôles.
Côté programmation, une armée de DJs aguerris et bénévoles (!) prendra le contrôle des platines : Crame & Reno, les chefs de file de la House of Moda, Guido (moitié du duo Acid Arab), Nari Fshr, et Kiddy Smile, l’un des plus éminents représentants du voguing en France.
L’événement promet donc de faire briller l’inclusion et la mixité des genres tout en venant en aide aux migrants : « qu’importent les origines, la couleur de yeux, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre : tout le monde est invité à participer à cette grande fête dominicale et électro, dans notre espace safe. Parce que nous avons besoin d’amour et d’un public qui s’allie pour venir en aide aux migrants », nous confie Julian Mez, l’un des fondateurs de l’association.
Clique : Julian, peux-tu nous expliquer comment ces soirées sont nées ?
Julian : C’est la House of Moda qui nous a contacté il y a un an parce qu’ils voulaient faire des choses à leur hauteur. À l’époque, la Folie leur proposait de faire des tea-dances et ils ont envisagé ces dates proposées par le lieu comme quelque chose d’utile, où l’argent généré servirait à une cause qui leur tient à cœur. Et ils ont pensé à nous. Donc c’est vraiment eux qui s’occupent de toute l’organisation de l’événement, de trouver le line-up, etc. C’est un peu un évènement clef en main pour nous. Notre seul boulot au BAAM est d’être présent.e.s le jour J, de prévenir les migrants et de sensibiliser les gens sur place sur la situation des migrants.
Cette édition est un peu spéciale, car au départ c’était uniquement le pôle LGBT du BAAM qui s’occupait de ces soirées, donc on ne donnait l’information qu’aux migrants LGBT qu’on accompagnait. Mais pour cette édition, nous avons décidé de l’ouvrir à tous les autres pôles qui seront là pour présenter leur travail.
Quel est le lien entre la communauté LGBT et les migrants ?
La communauté LGBT est une communauté qui a toujours été opprimée par plein de biais différents et dans quasiment toutes les sociétés, même si aujourd’hui en France, ça va un petit peu mieux.
Je pense qu’il y a ce miroir évident : voir une autre minorité, qui subit le même sort indigne que celui que la communauté LGBT a subi auparavant, donne naturellement l’envie de se mobiliser pour que cela ne se reproduise pas. C’est vraiment des minorités qui s’entraident.
Pour nous, parler des migrants LGBT, c’est aussi un pied d’entrée pour parler des migrants de façon plus globale. Ainsi, les personnes LGBT françaises qui s’engagent ne s’engagent désormais plus forcément qu’aux côtés des migrants LGBT.
Quand tu regardes le paysage militant à Paris pour les réfugiés, à part l’ARDIS (l’alliance de recherche sur les discriminations, NDLR), la question des migrants LGBT est assez gommée car c’est une minorité dans la minorité. Ils sont donc assez invisibles. À partir du moment où on a créé le pôle LGBT du BAAM, on a justement essayé de mettre la lumière là-dessus car cela nous paraissait important.
En ce moment, il y a un vrai élan de solidarité de la part de la communauté LGBT à Paris pour la cause des migrants.
Une chose que je tiens à souligner particulièrement aussi, c’est que les drag queens sont hyper investies. On les briefe en tant que BAAM sur la situation des migrants. Et à leur tour, elles vont mobiliser et parler aux gens avec des tracts du BAAM dans la main. C’est vraiment un événement où tout le monde y met du sien, prend son rôle très à coeur et en fait même un peu plus.
Danser est un acte politique ?
Définitivement ! Quand tu as des soirées comme les House of Moda où toutes les personnes se retrouvent avec des identités de genre différentes, des identités personnelles différentes, dans un même lieu et s’unissent malgré leurs différences, inconsciemment c’est politique. Surtout dans une société où on met énormément les gens dans des cases et où on est opprimés quotidiennement.
Se bouger tous ensemble et créer des moments de fête et de solidarité, c’est hyper important dans une lutte très chronophage et déprimante.
La fête pour les personnes migrantes est d’ailleurs primordiale. Déjà, parce qu’il n’y en a pas beaucoup pour ces personnes qui s’ennuient toute la journée… Mais surtout parce que ces moments simples, où les migrants dansent et se lâchent, deviennent des moments de bonheur qui, de fait, sont politiques. Cela traduit leur quotidien.
Ils sont tout le temps dans l’attente. Le fait d’avoir des moments de convivialité comme ceux-là – quand ils existent – leur fait chaud au cœur.
Ils pensent à autre chose, ils rencontrent des personnes de tous bords. Ça fait juste du bien de penser à autre chose que sa situation administrative et sa vie très très difficile.
Il y a aussi un besoin d’occupation de l’espace et c’est bien de montrer que même le milieu de la nuit, qui est parfois vu d’un mauvais œil, se mobilise pour des causes. Cela prouve, par ailleurs, que chacun peut faire un geste à sa façon. Tu n’es pas obligé d’être militant de terrain tous les jours, mais tu peux faire des choses à ta façon comme le fait la House of Moda lors d’une soirée.
Il ne faut pas oublier que l’argent récolté pendant ces soirées est très important pour nous : il nous permet de mener d’autres actions.
Et cette soirée arrive à point nommé. C’est plutôt de bon augure car, pour être honnêtes, nous sommes un peu à la dèche en ce moment…
Pour participer à l’événement, vous pouvez retrouver toutes les informations utiles sur Facebook. Et si vous avez déjà quelque chose de prévu, vous pouvez venir en aide au BAAM en faisant un don sur leur site.
En attendant, vous pouvez (re)voir la conversation passionnante de Mouloud Achour avec Kiddy Smile. À l’intersection de la lutte contre le racisme, la transphobie et l’homophobie, le voguing représente un espace de liberté et de solidarité pour bon nombre de jeunes Français.
Image à la une : House of Moda x BAAM, juillet 2017. Crédit photo : Vovotte Recto Verso