Fin février, Clique vous présentait en exclusivité le clip « Origami » de Rone, un superbe projet d’animation imaginé sous la forme d’un cadavre exquis à huit mains. Trois mois plus tard et à quelques jours de son Zénith à Paris, l’artiste électro français revient et repousse, une fois de plus, les limites de l’originalité. Sa nouvelle vidéo, audacieuse et déroutante, est signée par l’artiste suisse multi-récompensé Greg Barth. Un nom à retenir.
Le clip « Wave » de Rone ft. Noga Erez, réalisé par Greg Barth.
Réalisé par le vidéaste suisse Greg Barth – à qui l’on devait déjà les clips totalement barrés et géniaux de Passion Pit ou Red Axes – le clip met en images une histoire d’amour dystopique dans une chat room virtuelle. Inspirée par les paroles du titre, la vidéo est une exploration visuelle du monde étrange et surréaliste du sexe en ligne, des relations éphémères et du phénomène de la solitude moderne. L’histoire se base sur une femme mûre qui utilise une application permettant de s’adonner aux pratiques du « sexe virtuel » avec d’autres usagers…
Les avatars du clip de Greg Barth rappellent étrangement des personnages issus de vrais jeux vidéo ou de la pop culture.
On retrouve, notamment : Spot, la mascotte de la boisson gazeuse 7 Up, une créature de The Neverhood (un jeu d’aventure de 1996 entièrement réalisé en animation de pâte à modeler), une tête de Mario mixée avec un corps de Pokemon, la tête du personnage LEGO de l’espace période « Space Classic » des années 80 vissée sur un corps ultra bodybuildé, ou encore Cut Man, un boss de la série du jeu d’action-plate-formes Mega Man. Bref, tout un programme.
Cette collaboration entre Rone et Greg Barth est l’un de nos gros coups de cœur de la semaine. Pour mieux la comprendre, nous leur avons posé quelques questions lors d’une interview croisée…
Clique : Rone, comment est né ce morceau avec la chanteuse israélienne Noga Erez ?
Rone : Comme souvent, je suis parti d’une version instrumentale. Avec le recul, je trouvais que le morceau nécessitait une voix. En général, je sais exactement le genre de texture de voix qu’il me faut. J’ai découvert Noga Erez quasiment en même temps que la production de ce morceau, et c’est vite devenu une évidence : sa voix collait parfaitement.
Comment as-tu rencontré Noga Erez ?
Rone : Je ne connaissais pas Noga Erez personnellement, j’étais tombé sur sa musique un peu par hasard, en découvrant une captation sur Internet. Je l’ai contactée via les réseaux sociaux et elle n’a pas tardé à répondre, elle aimait le morceau et très vite elle a posé sa voix. On s’est rencontrés plus tard à Paris, pour interpréter le morceau en live. Noga a une énergie dingue, on s’entend vraiment bien.
Ce morceau fait partie des quatre titres de ton album sur lesquels il y a des paroles. Quelle histoire avez-vous eu envie de raconter ?
Rone : Pour les parties vocales, je laisse toujours carte blanche. Les textes et l’interprétation sont de Noga. Dans un premier temps, j’écoute surtout la mélodie, l’ambiance générale, puis je m’intéresse au texte dans un second temps, mais sans le changer. J’essaye de comprendre ce qu’elle a voulu raconter. Ici c’est une histoire d’amour. Difficile donc de vous répondre précisément, car en quelque sorte c’est une histoire que l’on raconte à deux, il faudrait également poser la question à Noga…
Rone, Greg, c’est la première fois que vous collaborez ensemble. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Rone : Un jour, mon manager m’a montré “The Future Of Music”, un clip un peu fou en réalité virtuelle réalisé par Greg. Les couleurs étaient chatoyantes, et dans sa manière de réaliser il y avait un côté bricolage hyper bien foutu qui m’a parlé. J’ai ensuite découvert ses autres travaux et là c’était une évidence, il fallait qu’on fasse un jour un clip ensemble ! Comme pour Noga, je l’ai contacté via les réseaux sociaux et il a répondu présent assez rapidement. Il a écouté l’album et a eu une révélation en entendant « Wave ». Ca tombait bien, on cherchait un clippeur pour le morceau !
Greg Barth : Je connais et suis fan du travail de Rone depuis très longtemps. Ça fait un moment que son manager et moi échangeons des e-mails pour trouver une collaboration adéquate. « Wave » était le projet parfait pour cela.
L’idée du clip vous est venue à partir des paroles ?
Gerg Barth : Les paroles font déjà allusion à un monde virtuel, dans lequel on se fait signe derrière un écran. Une chat room virtuelle dans lequel on se représente physiquement par la meilleure version de nous-même me semblait coller parfaitement.
L’apparition d’avatars, issus de l’univers des jeux vidéo ou de la pop culture, donne une dimension totalement inattendue à la vidéo…
Greg : Tout est basé sur l’idée d’une plateforme qui rappelle « VRChat », où l’on incarne un avatar qu’on peut choisir et qui va nous représenter physiquement en ligne. On se rencontre dans des chatrooms pour parler, danser ou autre. L’idée d’une chatroom dans lequel on se rencontre pour faire l’amour est assez dystopique, mais comme rien n’est privé sur le web, l’apparition d’autres avatars (voyeurs) donnait à mon avis un côté très obscur et surprenant à la vidéo.
Du coup, il faut la version premium de l’application pour faire virtuellement l’amour à quelqu’un sans voyeur. Ca s’inspire d’un futur qui pourrait être assez proche, je trouve…
Quelle est la part de 3D et d’images réelles dans ce clip ?
Greg : Les extensions de décors, les avatars ainsi que les doubles CGI de notre couple ont été scannés en 3D puis animés à l’aide de Motion Capture pour leur donner une animation sans faille, quasi-identique à notre vrai couple.
Quel message souhaitiez-vous véhiculer avec ce clip ?
Rone : Pour les clips aussi, j’ai l’habitude de laisser carte blanche au réalisateur. Si l’avant-projet me plait, on avance. Greg est venu avec cette idée un peu folle de chatroom en réalité virtuelle où des amants se retrouvent. Je ne vais pas avoir la prétention de vouloir donner des leçons ou faire passer un message, mais le clip peut en effet ouvrir des discussions sur l’état de notre société, l’omniprésence du digital dans notre quotidien, le côté parfois impersonnel des rapports entre les gens sur Internet, la solitude de certains…
Greg : En effet, plus aucune facette de notre vie n’est privée, même si paradoxalement, les réseaux sociaux nous isolent l’un de l’autre. Du coup, dans un futur proche, j’imagine qu’on préfèrera livrer son intimité à distance. Mélangé à tout ça, on y retrouve des questions sur la sexualité d’une personne plus âgée.
Vous avez une anecdote sur ce clip ?
Greg : J’avais une grosse fièvre pendant le tournage, en plus d’être pas toujours à l’aise quant au sujet. C’était assez drôle de préciser à l’actrice – avec des gouttes de sueur et une voix rauque – que l’amant qu’elle chevauchait allait glitcher, et qu’elle devait jouir maintenant. Bref, c’était vraiment un projet un peu fou.
Rone sera en concert au Zénith de Paris de 15 juin. Pour plus d’informations, cliquez ici.
En attendant, vous pouvez (re)voir notre Clique By Rone. Au programme de ses recommandations : son amour indéfectible pour Aphex Twin qui lui a « ouvert le crâne sur la musique électronique », le plus beau morceau du monde selon lui et son groupe de Hip-hop culte, mais aussi ses inspirations cinématographiques et graphiques, parmi lesquelles Michel Gondry, auteur de la pochette de son dernier album Mirapolis.
Image à la une : extrait du clip « Wave » réalisé par Greg Barth.