Violente Viande est auteur. Ses moyens d’expression, c’est Instagram et la BD, deux médias sur lesquels il partage ses idées acides… En exclusivité pour Clique, il nous parle d’une news dont tout le monde se fout, sauf lui.
Samedi dernier, le jeune Mamoudou Gassama, un migrant malien de 22 ans, est devenu une figure nationale en sauvant un enfant suspendu à un balcon. Quatre étages escaladés à mains nues en moins de deux minutes, le tout filmé par des passants. Au-delà de la prouesse, un geste qui allait devenir viral et salué par tout le monde. Vraiment ? Alors voilà, ça y est.
On ne peut plus tuer son enfant tranquille.
Il faut qu’il y ait un connard qui se prenne pour un héros et vienne ruiner le projet. Quelle déception, quel monde pourri rempli d’assistés. Quelle vie sans contrôle. Non mais imagine le truc : tu viens d’avoir un gosse et toi, on t’avait vendu tout le bonheur que ça peut être d’en avoir un. Tes amis qui sont déjà parents t’avaient dit que ça te changerait la vie. Que t’allais être une personne différente. Et même si l’arrivée de ce bébé allait bouleverser ton ancien Moi saltimbanque et bousillé par les jeux vidéo, son sourire te ferait tout oublier.
Mais voilà, ton gosse il est là, et tu ne l’aimes pas.
Enfin si, tu l’aimes, mais bon tu pensais que la foudre de l’amour parental n’allait pas juste te secouer l’abricot, et que ce serait plus fort. Hélas, ce n’est tout bonnement pas ça. Tu as beau prendre sur toi, regarder des vidéos de YouTubeurs traitres racontant comment la venue de ce nouvel être a fait prendre une autre dimension à leur couple d’influenceurs… Tu n’y arrives pas. L’enfant, cette créature vivante et désormais coercitive, après avoir ruiné ton espace de jeux en sortant de ta meuf, semble te dire une seule chose : je suis là pour te regarder tomber, fils de pute.
Qu’est-ce que l’on est sensé faire lorsque notre enfant ne nous plaît pas ? Un peu à la manière de ces couples de grands-parents qui auraient mieux fait de divorcer et qui ne se parlent plus depuis Mitterrand, doit-on lui tourner le dos ?
Est-ce moralement et/ou socialement acceptable de bouder ? De faire la gueule à son bébé parce que la sienne ne nous revient pas ?
Mettons ça à plat deux minutes. En 2018, et ce depuis plusieurs dizaines d’années, nous sommes dans une société de la gagne, de la réussite. Dès la naissance, on est catapultés dans un cycle dans lequel il faut réussir pour attirer l’attention et la reconnaissance de l’autre.
Réussir à parler
Réussir à marcher
Réussir ses études
Réussir à plaire
Réussir à ne pas jouir trop vite
Réussir à faire jouir quelqu’un d’autre
Réussir son bac
Réussir ses entretiens
Réussir ses projets
Réussir son mariage
Ce faisant, avait-on prévu ce choc émotionnel qui est de s’apercevoir que l’on a foiré la seule chose que l’on ne pouvait pas contrôler : faire un enfant ? Imagine, t’as passé une enfance affreuse. T’étais acceptable, mais suffisamment moche pour qu’on se foute de toi pendant la récré. À cause de tes kilos en trop, de tes grosses lunettes ou tes vêtements sans marque. Bon.
Tu grandis, tu essaies de te développer une personnalité, un esprit vif. Tu transformes ton corps en faisant du sport, après tes 18 ans tu bosses à fond pour avoir un job, si possible pas trop dégueulasse. Tu commences à gagner de l’argent, avec lequel tu t’achètes un style et un smartphone pour faire le malin. Grâce à ça, tu arrives à pécho un peu plus. Et puis un jour tu rencontres l’amour et tu décides de sceller ça avec le projet de vie ultime. Le bébé.
Et là, alors que depuis toutes ces années tu avais TOUJOURS prévu ton coup d’avance. Alors que tu savais TOUJOURS où tu allais, que tu maîtrisais absolument TOUT, voilà que la vie te saute à la gueule : ton enfant est con.
Mais con ! Un vrai teubé, débile, qui comprend rien, qui ne joue jamais, qui ne capte pas les subtilités. Un yaourt avec des yeux. Tu te voyais déjà lui faire des passes avec une balle de baseball comme dans les films américains. Ou l’emmener couper du bois en riant pendant que maman ferait sa life avec ses copines de merde. Mais non. Ton enfant, il bouge pas, il sert à rien. Quand tu le taquines il pleure. Il est vraiment trop con.
Alors moi ici, je pose la question : que doit-on faire lorsqu’on a raté son enfant ? Eh bien peut-être faut-il chercher à s’en débarrasser, puisque l’on sait d’avance qu’il ne supportera jamais la dureté de ce monde. Vu comment il est CON ce gosse.
Hélas, de nos jours, on n’a déjà pas le droit de mourir quand on en a envie, alors imaginez pour un enfant. On a pu le voir encore samedi, si on tente de corriger soi-même ses conneries, on n’est jamais à l’abri qu’un migrant malien zélé vienne tout faire foirer.
La voilà, la news dont tout le monde se fout sauf moi : on n’a plus le droit à l’erreur.
Je te hais, sale monde.
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