Avec son nouvel album "For All The Dogs" prévu pour le 22 septembre, le canadien surprend encore tout le monde en publiant un dessin de son fils. Mais même avant ça, il a déjà tout osé : l’écriture manuscrite, les emojis, une vieille photo de son père, lui qui tire la gueule... Ça vaut bien un décryptage graphique de cet artiste qui a tout compris de son époque.
Dans une industrie obsédée par le buzz, si un artiste semble toujours avoir une longueur d’avance sur tout le monde, c’est bien Drake. Non seulement, il met régulièrement une claque musicale à la concurrence, avec notamment son virage électronique dans l’album Honestly, Nevermind, mais à chaque fois la couverture de son disque surprend tout le monde et fait l’objet de décryptages sans fin de la part des fans et des moins fans. Et ce, depuis ses débuts jusqu’à son nouveau disque, le 8e album studio intitulé For All The Dogs, prévu pour le 22 septembre. Tout de suite, remontons le temps façon pour comprendre comment ces pochettes racontent le rappeur, façon test de Rorschach.
Pourquoi s’embêter à monter un shooting avec un photographe de renom qu’il faut faire venir à Toronto en business class avec son agent, son armée d’assistants, un directeur artistique… et se prendre la tête lors d’interminables séances de retouches et de choix final de l’image quand il suffit d’entrer dans la chambre de son fils Adonis âgé de 5 ans et demi et de ramasser un dessin qui traîne. Le plus fort, c’est que ça marche. Si plein d’artistes, d’Angèle à Lil Wayne ont déjà misé sur leur portrait gamin en couv’, lui fait carrément bosser sa progéniture. Avec au passage une énorme économie. Malin Champagne Papi.
Personnage complexe, Drake a des goûts éclectiques et déroutants : on l’a vu faire du jet ski et vanter les mérites de son énorme nouvelle voiture (le 4X4 Mercedes Maybach dessiné par Virgil Abloh) comme un gros beauf dans le clip de Sticky. Mais il apprécie également l’art contemporain, en particulier les œuvres de James Turrell – le fameux clip de Hotline Bling le cite explicitement. Et voilà qu’à la surprise générale, il place sur la pochette de son disque 12 emojis représentants des femmes enceintes de couleurs différentes créés par l’artiste anglais Damien Hirst, exposé dans les plus grands musées du monde. Cette fois-ci, l’image a été sévèrement critiquée mais l’effet recherché a fonctionné, on la reconnaît entre mille.
Peut-être en avait-il marre de voir sa propre tronche sur la plupart de ses albums et mixtapes. Ou alors Drake a-t-il voulu rétablir l’équilibre entre les hommages appuyés rendus à sa mère dans ses chansons, dans You & the 6 notamment, et ses piques envers un père parti mener une carrière de musicien funk plutôt que de s’occuper de son fils. En tout cas, Drake surprend à nouveau son monde avec cette photo de son père, Dennis Graham, habillé en smoking, fumant la pipe dans les années 70. Autre surprise, pas de retour aux seventies musicalement, il entame au contraire un virage électro en samplant Moodymann et enregistre avec le DJ et producteur sud-africain Black Coffee.
Plus le chanteur est scruté, plus il a tendance à disparaître pour mieux réapparaître là on ne l’attend plus. Ainsi, pour son triomphal quatrième album, la personnalité la plus célèbre de Toronto décide de mettre en avant sa ville en montrant la fameuse CN Tower, emblème de « The 6 » (surnom de la métropole) et en se montrant en tout petit assis à son sommet, au milieu d’un ciel couvert comme avant un orage. Comme un super-héros sans costume sur la photo réalisée par Caitlin Cronenberg (la fille de David Cronenberg, le réalisateur de films flippants). Discret donc, mais au-dessus de tout le monde. Un peu comme Batman.
Non, ce n’est pas l’écriture de Drake mais celle de l’artiste canadien Jim Joe, une des légendes du graffiti. Pas de visage, pas de photo, pas de mise en scène, mais une simple phrase en lettres capitales manuscrites penchées, une image régulièrement copiée depuis. Un site a même été créé pour écrire de la même manière. À l’arrivée, une technique ultra efficace et reconnaissable avec un message subliminal : quelque-chose comme le monde est fragile et bancal et les adultes sont des enfants qui ont grandi trop vite.
Pour son deuxième album unanimement reconnu comme un chef d’œuvre, Aubrey Graham prend à contrepied toute l’imagerie du rap et du RnB voulant que l’artiste se montre triomphant, torse nu, musclé, armé et dangereux au milieu de ses possessions. Drake apparaît dans un décor luxueux entouré d’accessoires en or (dont son animal fétiche la chouette, symbole de son label OVO) mais il est habillé en noir et baisse la tête, triste. Une nouvelle fois, il montre qu’il est le chanteur du doute et de l’introspection, une tactique tout aussi efficace que la vantardise pour séduire son public.