Albert Dupontel, cinéaste incomparable, nous parle du monde, de ses inquiétudes, d’amour et de sa fureur de vivre dans ce grand entretien. Quand Mouloud Achour accueille le réalisateur et comédien en lui assurant qu'il est l’un des premiers dans son cœur, on comprend très vite pourquoi.
Le cinéma comme refus du conventionnel
Albert Dupontel a marqué le cinéma de ces dernières années avec des films ayant touché à la fois le cœur du public et de la presse. Ses trois derniers films, 9 mois ferme, Au revoir là-haut et Adieu les cons ont tous été célébrés aux Césars et le réalisateur possède désormais une jolie collection de statuettes.
Aujourd’hui, Albert Dupontel est de retour pour nous proposer une comédie grinçante comme il sait si bien le faire : Second Tour est en salles depuis le 25 octobre.
Pour Clique, le cinéaste revient sur ses techniques de travail et particulièrement le choix crucial des comédiens : “Pour donner vie à son film, le choix des acteurs est important. Ce moment est angoissant, irrationnel, intuitif, l’instinct doit jouer. Il faut trouver la note chez l’acteur, et après il faut juste savoir si c’est la bonne note par rapport à ce que l’on recherche” confie-t-il au présentateur.
Le cinéma a par ailleurs toujours été son objectif, et lorsqu’il faisait encore ses sketchs et spectacles, dans la rue ou même sur scène, c’était pour lui le moyen de “bouffer”.
“J’ai fait d’ailleurs du théâtre sérieux avec le grand metteur en scène qu’était Antoine Vitez. Et puis Vitez a engagé des acteurs à la Comédie Française, qu’il dirigeait à l’époque, et moi je me suis retrouvé à la rue où je faisais mes petits sketchs pour bouffer dans les campings. Et un jour, un peu par miracle, parce que je ne m’étais pas manifesté, l’émission de Patrick Sébastien m’a appelé et ils m’ont fait faire un sketch du spectacle dans l’émission.”
Pour Albert Dupontel le sérieux, l’obligatoire et le conventionnel sont la recette du danger et de la mort intellectuelle. “L’école nous conditionne pour participer à un monde extérieur qui est extrêmement déviant, fou, suicidaire, vu ce qu’il se passe en ce moment entre les guerres, le réchauffement climatique… C’est difficile de se prédire un avenir. (…) Pourtant, il y a des niches culturelles dans lesquelles tout d’un coup on se sent bien et ça vous incite à vous dire “là je suis bien, je vais pas plus loin”. Ça a été mon cas : au cinéma j’étais bien, j’y suis resté.”.
Pour notre plus grand bonheur.
"Je suis resté au cinéma parce que j'y étais bien."
Albert Dupontel dans un Clique X exceptionnel, dispo en intégralité sur myCANAL. pic.twitter.com/2ZuLcXNlCe
— CLIQUE (@cliquetv) October 25, 2023
Un cinéaste engagé
Dans cet entretien d’une heure, l’acteur partage sa passion pour la vie et son exaltation face à un monde qui tend pourtant, selon lui, à la noirceur. De sa passion du cinéma découlent ses questionnements existentiels, habités par une réelle fureur de vivre.
“Au cinéma, dans une histoire, il y a une cause et un effet. Dans la vie c’est beaucoup plus flou, il faut beaucoup d’intelligence pour vivre et une fois qu’on a compris qu’on allait se barrer, il faut beaucoup de sang froid pour ne pas devenir fou.”
Aujourd’hui père de famille, il se confie à Mouloud Achour sur ses craintes et inquiétudes face à une société entraînant l’absurdité, la solitude et les extrêmes.
“Moi j’ai des enfants, je suis quand-même très inquiet pour eux. Je n’estime pas avoir fait mon temps, j’espère avoir encore un peu de rab, mais j’ai le sentiment d’être né à la fin du générique.”
“C’est compliqué d’être un bon parent. L’enfant a besoin qu’on soit là, qu’on l’écoute, c’est du temps qui est dur à donner quand on a un boulot parce qu’on est dans une spirale qui nous entraîne dans la frénésie de l’existence. On se dit il faut que je le nourrisse ce gamin, mais si tu n’es pas là, tu vas nourrir un inconnu.”
Dans cet entretien, Albert Dupontel se montre une nouvelle fois sans concession et prouve qu’il n’a pas sa langue dans sa poche.
Rien ne lui échappe et tous les événements de ces derniers temps passent à la cisaille de sa pensée. Selon le réalisateur, l’actualité des derniers mois est la preuve que l’humain n’est que la pomme véreuse du panier qu’est la Terre.
“La planète a déjà commencé à se venger, il y a eu le Covid mais aussi les températures. La semaine, en plein mois d’octobre, il faisait 28 degrés à Paris. Il y a des endroits où il y a 2-3 ans il y avait de l’eau, et maintenant il n’y en a plus. La nature se venge. Des fois je me demande si on mérite de vivre tellement notre comportement est absurde.”
Le président et sa politique ne sont pas non plus épargnés par les dénonciations du réalisateur. Pour lui, “le monde de la communication est complètement infantile. Quand il y a eu les émeutes à la mort de ce pauvre gosse Nahel, on attendait la parole des footballeurs. Ce n’est jamais que des mecs qui mettent la ba-balle dans des filets, il ne faut pas déconner. (…) L’attitude de notre Président m’avait embêté, il est le représentant de certaines valeurs et il est allé se prêter au jeu de la Coupe du monde de football au Qatar. Quand on est Président de la France, on est président d’une culture qui représente la laïcité et la liberté d’expression.”
Le cinéma, oeil sur la beauté du monde
Coupe du monde au Qatar, élections présidentielles, réchauffement climatique… Avec ironie, Albert Dupontel partage son “sentiment d’être né à la fin du générique”. Pourtant, rien ne l’arrache à la vie, qu’il continue d’apprécier et dont il chérit les instants en solitaire.
“J’aime bien être seul en sachant que l’on pense à moi, c’est très égoïste. Quand on est seul, c’est le moment où on est vraiment nous-même. Là je ne suis pas moi, je sais que je suis en train de vous parler et que je suis filmé. Je n’aime pas être seul longtemps, il y a des gens qui sont indispensables à ma solitude. Il faut être intelligent pour être seul.”
Finalement, comme le dit le réalisateur, ce qu’il nous reste comme solution c’est de s’accrocher à la culture, aux films et aux émissions qui mettent en avant les passionnés pour nous inspirer.
“’La vie n’a aucun sens mais l’amour peut lui en donner un’, c’est une phrase de Chaplin. Ce n’est pas l’amour “béni oui-oui”, c’est l’amour du beau, l’amour des choses jolies. Et la culture, le cinéma notamment peut vous aiguiller vers ça. Il y a des choses magnifiques qui sont dites au cinéma, vraiment je vous encourage. S’il y a des gamins qui nous regardent, plongez dans le cinéma français des années 30, les Duvivier, les Carné, les Renoir… C’est sublime comme ils racontent l’histoire et le genre humain.”
Son amour pour les jolies choses l’emporte et, avec cet entretien, Albert Dupontel confirme être un épris de la vie.
Clique X Albert Dupontel disponible en version intégrale sur YouTube et myCANAL.