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“Assise, debout, couchée” : quand Ovidie fait du chien le compagnon de souffrance de la femme

Avec son livre “Assise, debout, couchée”, Ovidie se penche sur les points communs qui relient le meilleur ami de l’Homme au genre féminin. Sélection de trois moments où l’autrice crée un parallèle entre les femmes et les chiens, qu’ils soient connectés par leur sexualisation, leurs injonctions esthétiques ou victimes de violences. 

Le chien, victime des normes de genre

Selon l’autrice, le chien est victime du patriarcat autant que la femme dite “chienne” par ceux qu’elle rencontre dans la rue, à la télé, au travail : tout lieu public où elle se retrouve confrontée à la violence d’une société imprégnée de sexisme. 

“Chienne” est l’un de ces mots qui, une fois dit à haute voix, entraîne très régulièrement un instant de gêne, un petit rire moqueur ou un silence de connivence. À l’instar de “chatte”, “moule” ou encore “cochonne”, la chienne fait partie de ces êtres vivants qui se retrouvent très souvent mobilisés pour évoquer bien plus qu’un intérêt animalier. La chienne, c’est celle qui couche trop, celle qui ne se respecte pas, celle qui n’a pas d’estime pour elle-même et se rabaisse aux bassesses crues de besoins primaires. Elle ne fait pas “l’amour”, elle “baise” et ça, ça choque, ça énerve, et ça finit par entraîner une exclusion sociale. 

Ovidie remarque avec ironie que le chien est victime des mêmes normes de genre que la femme et est lui aussi soumis au sexisme de notre société.
Là où le parallèle paraît encore plus flagrant, c’est lorsque l’on se tourne du côté du grand écran. Les chiens sont tout autant victimes du male gaze (regard oppressant masculin), à la limite de l’étrange, avec la création de corps canins fantasmés et inspirés de celui des femmes. On peut penser à la coquette Georgette (Oliver et Compagnie), les yeux de velours de Dixie (Rox et Rouky 2) ou encore Lady et Perdita (La Belle et le Clochard et Les 101 dalmatiens) qui ont pour seules caractéristiques d’être de jolies mamans. Avec ces corps sculptés et plantureux, les dessinateurs parviennent le tour de force de faire apparaître hanches et poitrine aux chiens des dessins animés de notre enfance.

Et si les femelles sont reléguées aux mêmes critères de beauté et soumission, les mâles eux, restent les héros de leur histoire. Du Milou de 1929 à Volt en 2008, on garde cette image de chien indépendant, curieux et aventurier qui ne manque pas de courage. 

De gauche à droite : Georgette (Oliver et Compagnie), Dixie (Rox et Rouky 2) et Perdita (Les 101 dalmatiens)

Le chien, victime des diktats de beauté

Pour Ovidie, le chien et la femme partagent cette même expérience d’état d’objet décoratif. Qu’ils se transforment en accessoires de mode, habillés, pomponnés, subissant différentes mutilations chirurgicales… L’éternel objectif est de correspondre aux normes de beauté du moment.
Il existe ainsi des tendances, des stylistes, des designers, des concours de beauté et des défilés. “Femmes et chiens sont les seuls être à qui on fait subir de la chirurgie esthétique” remarque l’autrice. Oreilles et queues coupées ou mutilations diverses, les chiens sont aussi victimes de transformations génétiques pour créer de nouvelles races trendy au mépris de leur santé. Le Carlin, Chihuahua ou encore le Cavalier King Charles profitent d’une vie fashion et choyée auprès de leur maître, si on ne prend pas en compte leur déformation crânienne qui ne permet pas à leur cerveau de se développer naturellement. 

Si, en 2023, 60% des femmes déclarent ne pas aimer leur reflet dans le miroir et ne pas être contre la chirurgie esthétique (source : IFOP), elles voient leur corps se capitaliser et devenir une véritable marchandise esthétique. Chiens et femmes sont confrontés à la transformation de leur corps dans une course effrénée dictée par les plaisirs d’autrui. Il ne semble alors plus avoir de limite à la multiplication de ces diktats lorsque leur besoin le plus vital finit par être touché. On pense à Kim Kardashian sur le tapis rouge du Met Gala dans une tenue l’empêchant de respirer ou au chien de Florence Foresti, opéré pour ne plus l’entendre ronfler, comble du confort. 

Gauche : Jamie McCarthy / Getty Images
Centre : DNPhotography / Abaca
Droite : Mike Coppola / Getty Images

Féminicide et canicide, un combat féminin

Pour Ovidie, si les femmes sont aussi engagées dans la lutte contre les violences faites aux animaux, c’est qu’elles sont aussi victimes de menaces physiques du fait de leur identité.
Lorsqu’en 1878, la SPA encourage la création de chambres à gaz pour lutter contre la propagation des chiens errants, les premières à se manifester contre cette politique sont des femmes. De même à Istanbul en 1910 : lorsque la ville déporte 35 000 chiens sur une île où la majorité meurt de déshydratation, de nombreux mouvements féminins font entendre leur voix.

Aujourd’hui, entre 68% et 80% des militants pour la cause animale sont issus des minorités de genre, et 67% des végétariens sont en fait des végétariennes. À l’inverse, la violence se trouve du côté du masculin avec des hommes représentant 98% de la communauté des chasseurs et 90% des bouchers. Pour ce qui est des violences envers les animaux de compagnie, Ovidie parle d’une probabilité 39 fois plus élevée pour un homme de frapper gravement son animal par rapport à une femme. Durant la période du confinement, il a été remarqué une hausse drastique et simultanée des violences faites aux femmes et contre les chiens. Une femme victime de violences conjugales a ainsi 5 fois plus de risque que n’importe quelle autre femme de voir son chien battu.
Le parallèle est clair entre les deux luttes car les femmes ont aussi dans leur histoire de nombreux cas d’expérimentations biologiques, génétiques et physiques, que l’autrice compare aux 2 millions d’animaux torturés en laboratoire chaque année. 

« Elle n’a pas besoin de lire les statistiques des féminicides dans la presse, elle sait d’instinct qu’il s’agit d’un animal dangereux. »

Ovidie, à propos de sa chienne Brünnhilde

Brünnhilde, une des chiennes de l’autrice, flaire les hommes et leur danger. À travers son apparition dans le livre, Ovidie dénonce un système oppresseur et meurtrier qui tend à marquer sa domination à coup de poing sur ce qu’il juge fragile et inférieur. Le patriarcat fait ainsi des femmes et des chiens ses premières victimes, avec déjà 52 féminicides dénombrés en ce mois de mai 2023.

“Assise, debout, couchée”, c’est Ovidie qui déclare sa flamme aux chiens qu’on imagine partant en promenade, aboyant contre une société étriquée où l’animal n’est pas toujours celui qu’on croit.
Parce qu’un chien, à force de violences, finit toujours par mordre. 

 Juliette Legrand

L’émission est à retrouver en replay sur myCANAL et l’interview d’Ovidie est disponible sur la chaîne YouTube CliqueTV.

Clique, tous les soirs en clair à 19h45 sur CANAL+.

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