Découvert avec le titre « La Magie de Paris » l’an passé, Le Club vient de sortir sa première mixtape : Série 97. Nés un an a peine avant la coupe du monde France98, Tayz et La Kanaï comptent bien sur leur technique et leur finesse pour marquer les esprits. Le Club a reçu Clique à Montreuil, pour une interview à domicile.
Vous vous connaissez depuis que vous êtes très jeunes, et c’est votre manager qui vous a un peu mis sur la voie…
La Kanaï : Ouais c’est ça, on se connaît depuis qu’on a trois ans. On a fait la maternelle, le collège, et le lycée ensemble à Montreuil. On a commencé à rapper vers la 3ème, à la fin du collège. C’était lui qui avait commencé à rapper. Tayz l’a suivi et j’ai fait de même.
Tayz : Après on a commencé à rapper chacun de notre côté au lycée. On faisait des petits freestyles avec les potes…
Qu’est-ce qui vous pousse à écrire, réfléchir sur des textes, à tenter des choses ?
Tayz : La démarche d’écrire nous a été inspirée par des rappeurs comme Guizmo, ou Volte Face. À l’époque ils nous mettaient vraiment des claques ! Guizmo avait un truc plus touchant, et Volte Face avait ce côté piquant qui nous séduisait.
Vous avez fait une série d’open mics à vos débuts, grâce auxquels vous avez pris de l’expérience. Commencer par la scène a-t-il été un choix ?
Tayz : Ça s’est fait parce qu’on a eu l’opportunité de le faire. La première scène qu’on a faite c’était un open mic au café «La Pêche» en face de notre lycée.
La Kanaï : Là-bas, il y a une petite salle où quelques artistes passent de temps en temps. D’ailleurs Guizmo était passé là-bas lors de notre premier concert. Les open-mics se faisaient par tirage au sort. Dès que t’entendais ton nom, tu devais monter sur scène et rapper.
Est-ce que c’est à ce moment là que vous avez eu votre révélation ?
Tayz : Bah c’est pas une révélation dans les moments où tu chantes pas et t’attends ton tour je t’avoue ! Après quand le truc part, ça va super vite, tu n’as pas le temps de réfléchir et tu débites ton texte. Je pense que le kiff est surtout dans ces instants là.
La Kanaï : C’est stressant quand même au début.
Le Club, en détente à Montreuil.
« T’entends ton nom, t’es dans la foule donc tu sais ce que vas voir le public. Et je sais pas si on s’appelait déjà Le Club à l’époque. Tu te faufiles, tu montes sur la scène et là … t’as chaud ! » – Tayz à propos de son premier open-mic.
La Kanaï : Après c’est une ambiance cool parce que dans le public, on voyait que nos potes !
Vous êtes très jeunes, 19 ans pour La Kanaï et 20 ans pour Tayz, on en sait très peu sur vous. Est-ce que vous continuez les études à côté du rap ?
La Kanaï : J’ai arrêté les études après le bac. Après avoir fait « La magie de Paris », j’ai arrêté les études et j’ai décidé de me mettre à fond dans la musique.
Tayz : Moi j’ai continué un petit peu après le bac. J’ai fait une première année de BTS qui m’avait pas convaincu et je me suis consacré pleinement à la musique.
Qu’est-ce que ça fait qu’on prend le risque de vivre de sa passion à 20 ans ?
Tayz : C’est bandant. Je sais pas, tu te dis que… Moi je pars du principe que j’ai qu’une vie et si j’ai un projet, faut que je le fasse marcher et si j’en vis, c’est la plus belle victoire.
Vous avez parfois provoqué l’attente de vos projets, volontairement ou non…
La Kanaï : Je te le confirme, c’était pas forcément voulu !
La Kanaï, 19 ans, rappeur et observateur du réel.
Comment se passe le processus créatif ?
Tayz : Déjà, nous on écrit chacun de notre côté. Le soir tard en général… Quand il y en a un qui a un texte solide, il appelle l’autre et on échange comme ça. On travaille avec le DJ Ambitious qui est notre pote et qui est à fond dans le projet avec nous. Pour cette mixtape là, en général, on arrivait avec des fragments de textes que l’on finissait d’écrire au studio avec les productions.
Dans cette mixtape, il y a plusieurs thèmes marquants. On a l’impression qu’il se coupe un peu en deux. Il y’a d’un côté une envie festive d’ailleurs, de filles…
La Kanaï : Il y’a pas de thèmes particuliers.
Tayz : Ça peut dépendre après. Y’a des sons comme « 2047 », « Over » et « Dose » par exemple, qui ont été écrits sur un thème précis. Et après, les autres chansons, c’était plus du feeling…
Mais en même temps il y a une partie plus sombre qui parle d’illicite, du quotidien parfois un peu compliqué…
Tayz : C’est en partie dû à nos deux personnalités. La Kanaï va être plus concerné par la description du quotidien, le récit de vie. Et moi j’écris beaucoup ce que je veux, ce que j’ai pu avoir, des souvenirs du passé… Et c’est ça un peu le mélange de nous deux.
« Je pourrais écrire un son juste via l’observation, ce que je vois autour de moi tous les jours » – La Kanaï
Tayz : Quand moi je vais être plus être dans le ressenti, quitte à aller vers l’imaginaire, en tous cas j’essaie.
Derrière Le Club, il y a tout une imagerie présente dans le groupe qui est déjà une marque. La pochette m’a fait penser au jeu GTA Vice City Stories…
Tayz : Ouais, c’était exactement la référence ! Ce jeu a bercé notre génération. Ça avait commencé avec GTA San Andreas… Et je trouvais ça cool de glisser cette référence. Le néon rappelle un peu les années 1990 de manière un peu vintage. Il fait aussi penser à toute l’ambiance de Miami… Le néon que l’on voit peut être un néon de boîte, ou un néon d’Amsterdam… C’est l’objet qui t’éclaire dans la nuit… Le petit palmier avec une fille, ça revient à ce que tu nous a dit avant, à l’envie d’évasion.
Le Club et leur logo très soigné.
Beaucoup ont été impressionnés par vos clips. Quand on voit des phénomènes rap comme Fianso ou PNL, qui ont une image de marque très ancrée, c’était important pour vous d’arriver avec des choses sérieuses dès le départ ?
Tayz : C’était la base. Au début on rappait entre nous. Et il y a plein de gens qui commençaient à nous monter le crâne en mode « faites des sons, faites des sons ! ». Au début, on était pas trop chauds. Mais au bout d’un moment quand tu vois des mecs qui émergent et d’un coup qui percent…
La Kanaï : Tu te dis que tu peux le faire aussi.
Tayz : et du coup quand fait les choses on essaie de les faire du mieux qu’on peut. Donc avec « La Magie de Paris » on a mis tout ce qu’on le pouvait mettre dans ce clip.
C’est ce titre-là qui vous a fait connaître, grâce à une production tirée d’un morceau de Young Thug…
La Kanaï : En fait, l’histoire de ce son là remonte aux premiers sons de Young Thug. Y’avait le son «Check» qu’on avait adoré. Et c’est notre manager qui nous avait fait écouter le son «No Way» et j’ai accroché direct. Tayz et moi on a kiffé la prod’.
Tayz : À l’époque aussi, on savait pas forcément comment avoir de beatmaker derrière nous, on connaissait pas Ambitious. Et c’était dix fois plus simple de prendre une production sur Youtube, de louer un studio 20 balles de l’heure, et on a posé dessus.
Young Thug a été une grande inspiration pour vous. Sa capacité à rapper de manière très dure, et puis se mettre à chanter… Cette direction vous inspire ?
« J’aime bien rapper, mais j’aime bien chanter aussi. Quand j’étais petit, je faisais de la chorale. C’était en maternelle, et je me souviens de super souvenirs » – La Kanaï.
Tayz : Et puis il y avait aussi le fait qu’avant on posait sur des productions boom-bap à l’ancienne…
En même temps vos références, Guizmo et Volte Face, ne sont pas trop connues pour chanter…
Tayz : C’est vrai, faut dire qu’à l’époque c’était pas un style forcément propre au chant. Nous même on posait sur des productions à l’ancienne boom-bap… Moi la première que j’ai écouté le son « check » de Young Thug, je me suis dit « Wesh Attends ! ». C’était mortel, le mec il te mélange du rap, du rock, du chant. C’était trop puissant ! Et donc on essaie de mélanger toutes les influences.
Vous êtes en indépendant, comme PNL et JUL qui ont tout raflé cette année. Comment est-ce que vous appréhendez leurs parcours ?
Tayz : Ça motive en fait, tout simplement. Tu te dis que si eux y sont arrivés, tu peux tout aussi bien y arriver de ton côté.
Tayz l’autre partie du Club.
Comment est-ce qu’à 20 ans, on fait pour résister aux appels du pied des maisons de disque où tout pourrait être plus simple ?
Tayz : Tu sais quand tu es en indépendance, tu es beaucoup plus maître de toi-même. On avait envie de contrôler un maximum, essayer de bien gérer les choses, même si l’on n’est pas des professionnels. Je pense qu’il y a des gens qui font les choses dix fois mieux que nous…
La Kanaï : Il y a aussi le plaisir de faire les choses soi-même…
Tayz : Et aussi le plaisir de travailler entre nous. La cover, par exemple, a été réalisée par un ami. Pareil pour le logo. Tout s’est fait un peu comme ça.
Est-ce qu’il y a un moment où vous avez hésité dans votre démarche artistique?
Tayz : Oui, c’est surtout par rapport à nos parents. Tu sais quand tes parents savent qu’il y a telle maison de disque qui t’as proposé des choses, ils ne réfléchissent pas comme nous. Ils sont pas forcément dans la même atmosphère que toi, et donc ils te disent « mais fais-le avec eux ! ».
Tayz, tu as grandi dans une famille où l’on écoutait beaucoup de rap… Aujourd’hui vous écoutez quoi ?
Tayz : On écoute vraiment de tout. Y a pas un artiste que l’on va saigner plus qu’autre. C’est vraiment en fonction du feeling du son. Par exemple, en ce moment on écoute beaucoup Keblack, Ninho, Jul… Mais on reste connectés à ce qu’il se fait aujourd’hui quitte à se faire des petites sessions nostalgiques.
Une de vos premières scènes s’est faite aux « Nuits Fauves » à Paris… Quels sont vos projets, vos envies à la suite de la sortie ?
La Kanaï : L’idéal serait de faire le plus de scènes possible un peu partout.
Tayz : Si l’on peut bouger pour faire découvrir notre musique, ce serait juste mortel.
De quoi on rêve, quand on a 20 ans, que l’on vient de sortir sa première mixtape et que l’on fait du rap ?
Tayz : Que ça pête ! On rêve de disque d’or, de disque de platine… Que tout projet prouve à tout le monde que tu as réussi.
« L’objectif pour c’est de pouvoir se dire : voila, j’ai fait mon projet, on a charbonné ensemble, on a réussi, et on va pas s’arrêter » – Tayz.