Cela faisait plus d'un an que le plus graphique des magazines de football n'avait pas sorti de numéro. SURFACE (créé en 2011), est de retour avec une nouvelle formule qui a musclé son jeu : tous les textes sont en français et en anglais, et on retrouve en couverture la superstar Neymar Jr., pour un shoot photo inédit et un dossier qui retrace son parcours de Santos à Paris. Le magazine joue d'ailleurs la carte parisienne jusqu'au bout, avec des interviews de Dani Alves et de l'architecte Roger Taillibert, qui a dessiné le Parc des Princes. Pour Clique, Vivien Lavau (co-fondateur du magazine) est revenu sur l'ambition de ce numéro, de son magazine, et du rapport parfois compliqué des Français avec le football.
« Le Roi du Parc des Princes » est en couverture de Surface.
Clique : Vous consacrez six pages à Neymar dans un dossier très complet, de sa jeunesse au Brésil, en passant par son étape au Barça et son arrivée devant quatre-cents journalistes au Parc des Princes, mais ce n’est pas votre première fois avec Neymar…
Vivien Lavau : Nous avons une histoire un petit peu parallèle avec Neymar. La première fois que je l’ai pris en photo, c’était au Brésil, à l’époque où il jouait pour le club de Santos. C’est un joueur que l’on a accompagné depuis super longtemps ! J’ai même réalisé des séries de photos pour des magazines espagnols au moment où il était à Barcelone. On l’a suivi un petit peu avant qu’il soit connu en Europe. En 2013, on a pu s’apercevoir que c’était déjà une star au Brésil. Et c’est ce qui nous a permis de pouvoir faire des choses avec lui, parce qu’on a gardé des contacts depuis longtemps.
Neymar et Surface, une longue histoire. © Vivien Lavau.
Neymar en couverture, Dani Alves et l’architecte du Parc des Princes en interview… Est-ce que vous ne craignez pas d’avoir une ligne éditoriale très marquée PSG pour ce numéro ?
Bien au contraire, on a appuyé le trait jusque dans la couverture. La photo d’origine n’était pas celle-là du tout, et finalement on a décidé d’appuyer le trait au maximum. Par expérience, je sais que de toutes façons, quand tu mets la lumière sur un joueur, tu auras moins de ventes dans les villes rivales, donc autant jouer le coup à fond.
De toute façon, Neymar dépasse le cadre de Paris et même de la France, cela se vérifie par le fait que l’on reçoit des commandes qui viennent de l’étranger. Aujourd’hui, Neymar dépasse les rivalités de clubs. C’est une rockstar !
Depuis quelques numéros, Surface peut se lire en français et en anglais. Pourquoi ce choix ?
On s’était rendus compte qu’il y avait pas mal de personnes hors de France qui voulaient bien acheter Surface mais qui nous disaient « ça a l’air cool, on aime bien les photos, mais on comprend rien à ce que vous dites ! ». Il y a un an et demi on a sorti UNLIMITED, un hors-série multi-sports avec Kevin Durant en couverture, Cristopher Froome et Renaud Lavillenie, avec trois couvertures différentes en testant le bilinguisme. On a vu que la magazine se vendait très bien sur le marché étranger, donc on a tenté le pari de l’anglais avec Surface.
UNLTD (février 2016), conçu par l’agence Keep Diggin, qui édite le magazine Surface.
Aujourd’hui on voit de plus en plus de médias indépendants de sport se lancer en ligne… Pourquoi continuer le papier ?
Tu parles à des gens qui ont toujours considéré que le papier doit exister ! Nous, on estime qu’un média papier aujourd’hui est fait pour que les acheteurs le gardent après leur lecture. En tant que photographe, un cliché n’aura jamais la même valeur sur un écran que celle sur papier. On voit le papier comme un support presque artistique, dans lequel on arrive à placer un contenu intéressant.
Quel est le challenge majeur pour un magazine papier en 2018 ?
L’objectif principal est de trouver des sujets qui puissent durer dans le temps. C’est ça le plus dur. Parce qu’il y a des sujets, par exemple, que l’on avait commencé à traiter et qui se retrouvaient obsolètes entre le début de la conception et le bouclage du numéro. Parfois, on a des joueurs que l’on a pu faire parce qu’ils nous intéressaient au début de saison, et maintenant moins, de par leur performances, leur actualité… On aimerait que cet objet soit quelque chose que tu puisses consulter, te replonger dedans quelques mois, voire quelques années plus tard.
Outre les papiers au long cours, il y a aussi une grande part accordée à la mode, dans ce magazine.
Cela fait totalement partie de notre identité. Dès le départ, on s’était rendus compte que les joueurs avaient un intérêt pour la mode. Les observateurs les regardent comme des OVNIS habillés n’importe comment en ne comprenant pas forcément leurs choix vestimentaires. Mais aujourd’hui, tu te rends compte que les premiers rangs aux défilés sont de plus en plus remplis par des joueurs de foot.
Neymar et Lewis Hamilton à Londres en septembre 2017 pour le défilé Tommy Hilfiger. © SIPA.
Comment tu décrirais le rapport que certains footballeurs ont avec la mode ?
Les mecs aiment ça, ils sont toujours tous sapés… Pour moi, il n’y a pas de débat : cela fait partie de leur ADN et de leur univers. On peut leur reprocher des choix, mais c’est aussi leur environnement qui joue sur leur garde-robe. C’est aussi pour ça que l’on veut créer un univers marqué par la tendance avec des footballeurs. Ne serait-ce que parce que ces mecs-là font tous près d’un 1 mètre 90, ils sont gaulés comme des mannequins et ils pourraient avoir la légitimité de l’être.
Comme Dani Alves par exemple ?
Danis Alves c’est un mec sur-sapé. Et quand on l’a pris en photo, il était très sobre. Il a accepté de se plier au jeu du costume en laissant de côté l’extravagance qu’on lui connaît. Mais je pense que si on l’avait laissé s’habiller, ça aurait été complètement autre chose. Il y a certains joueurs de foot qui, lors des shoppings, vont faire attention au styliste engagé – et il peut s’avérer que le footballeur soit dix fois plus pointu que toi !
Le style Dani Alves qu’il définit lui même comme « bon mais fou ».
Au-delà de l’intransigeance face au style vestimentaire, pourquoi est-on autant sévères avec nos footballeurs en France ?
Il y a eu des exemples récemment qui n’ont pas aidé le football français. Mais sans faire de généralités, il faut dire qu’en France il y a un problème avec l’argent. On le voit quand on entend l’argument qui consiste à dire « pour ce qu’il est payé, moi aussi je pourrais courir…». Mais il y a aussi un élément à prendre en compte, le positionnement de certains médias par rapport au football : les radios qui parlent de foot toute la journée font leurs audiences en cartonnant des joueurs tous les soirs…
Vous voulez être à l’opposé de ce schéma?
Avec Surface, on nous a reproché d’être trop complaisants avec les joueurs. Mais il faut bien se dire quelque chose :
Un joueur de foot n’est pas en promo. C’est à dire qu’il n’a rien à vendre en interview. Son objectif premier, c’est d’être sur un terrain, marquer des buts, défendre ou arrêter des buts et faire des bonnes passes. Donc s’il vient en interview, c’est qu’il sort déjà de son cadre habituel.
À partir du moment où il est mobilisé pendant une heure, voire deux, pour faire des photos, se plier à l’exercice, je ne me vois pas le maltraiter derrière. Aujourd’hui, dans certains médias, c’est plus facile de donner la parole à un chauffeur de taxi qui va recomposer l’équipe du PSG et tailler les joueurs, plutôt que de se poser avec eux et d’essayer de comprendre leur quotidien et leur performance…
Surface est disponible en kiosques et en ligne pour 5,90 euros.
Photographie à la Une © Couverture du numéro 41 de Surface Magazine.