« L’art est un mensonge qui révèle la vérité ». Inspiré par l’adage de Pablo Picasso tiré d’une conversation en espagnol avec l’artiste mexicain Marius de Zayas, en 1923, l’artiste brésilien Loro Verz s’est lancé dans un projet d’oeuvres numériques, surréalistes et légères, nommé « Art Lies » – « L’Art Ment », en version française.
Albrecht Dürer, Autoportrait aux gants, 1498.
Dans ses livres d’Histoire de l’Art, l’artiste découpe des portraits de grands maîtres de la peinture, des détails de leurs oeuvres ou encore certains de leurs personnages. Il les emmène en promenade dans les rues de Saõ Paolo, sa ville, puis les prend en photo. Depuis trois mois, il poste ses réalisations sur un compte Instagram au nom de Lorenzo Castellini, son alter ego fictionnel. On peut y voir, entre autres, la Vénus de Botticelli sur un coquillage des temps modernes – rappelant un précédent détournement d’Andy Warhol, en 1984 :
Botticelli, La Naissance de Vénus, vers 1485.
… Ou encore Marguerite, fille d’Henri Matisse, en pleine rédaction de texto :
Henri Matisse, Marguerite, 1906.
« Ce projet est un pur fruit du hasard », dit Loro Verz. Il y a quelques mois, il parcourt l’un de ses livres d’art lorsque la triste mine de Jérome Bosch, grand peintre néerlandais du XVe siècle, le percute. Il est vrai que son autoportrait supposé, issu du « Couronnement d’épines » (vers 1495-1500), le montre plutôt morne : « j’ai eu envie de lui faire faire une promenade, littéralement ! ».
Aussitôt dit, aussitôt fait. En quelques coups de ciseaux, Loro détache la tête du maître et l’emmène dans le métro. Via un « collage aérien » – « Air Collage » – sans colle, il l’immortalise les mains accrochées à un cabas rose, l’air de vouloir initier une conversation avec sa voisine de banquette.
Lorsqu’il rentre chez lui, Loro Verz décide de découper tous ses livres d’art. Vincent Van Gogh, Frida Khalo, Caravage et Dalí… Méthodiquement, il incruste la grande peinture dans des scènes de la vie quotidienne.
Vincent Van Gogh, Autoportrait, 1890.
Vincent Van Gogh, Vieil homme triste, 1890.
La Méduse de Caravage, vers 1598-99.
Frida Khalo, Autoportrait au Collier, 1933.
L’artiste décrit sa technique comme une « composition surréelle », où l’éloignement est un double enjeu. Il y a d’abord la distance physique : pour obtenir les bonnes dimensions, l’espace entre le sujet et le fond doit être maîtrisé. Et puis, il y a celle qui se joue entre les époques : en goguette en 2015, Albrecht Dürer, Coca-Cola à la main, semble chercher désespérément le rooftop le plus proche, quand Van Gogh investit les cuisines d’un restaurant et que son « Vieillard Triste », lui, quitte sa chaise originelle pour une cuvette des toilettes – et l’on dirait juste, alors, qu’il a un peu trop bu.
Le résultat, est cocasse, sans prétention (sur la Toile, le détournement d’oeuvres classiques est désormais ordinaire). Art Lies, résume son créateur, montre simplement « de grands maîtres qui prennent du bon temps ». Et si Loro Verz est le premier à donner son nom à la technique du « Air Collage », d’autres le pratiquaient déjà à leur insu, sur Instagram. C’est le cas de My Day With Leo, par Joel Strong, qui fonctionne sur le même principe… mais version people :