Le frère d’Adama Traoré a été accusé d’avoir mimé des pistolets avec ses mains en menaçant des gendarmes. Un signe caractéristique du rappeur Jul – qu’aimait d’ailleurs beaucoup Adama… L’histoire pourrait faire sourire, mais Bagui Traoré, en détention provisoire, risquait deux mois d’emprisonnement ferme.
Ce vendredi 23 février 2018, Bagui Traoré, frère d’Adama Traoré, comparaissait devant le tribunal de Pontoise après une plainte déposée par les gendarmes pour « Outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique » qui aurait été commis le 25 juillet 2016, six jours après la mort de son frère dans la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise.
À l’origine de cette plainte : un geste des deux mains mimant un pistolet, d’après la version des gendarmes. Bagui Traoré, déjà en détention provisoire à Fleury-Mérogis, risquait deux mois d’emprisonnement ferme.
Rappel des faits : le 25 juillet 2016, Bagui Traoré et trois de ses amis prennent la route en direction de Paris. À proximité de Piscop (95), leur véhicule croise une voiture de gendarmerie. Des regards s’échangent, et Bagui Traoré fait des signes avec ses mains en direction des gendarmes. Quelques minutes plus tard, Bagui Traoré fera l’objet d’une interpellation, qui se soldera par un dépôt de plainte pour outrage.
Dans leurs déclarations, les deux gendarmes impliqués évoquent les gestes de Bagui comme « deux mains en signe de pistolet » et « des mains devant lui, les index vers nous, les pouces vers le ciel ».
Bagui Traoré mimait-il deux pistolets avec ses doigts ? Dans quelle mesure le placement de ses doigts a-t-il été menaçant envers les gendarmes ? C’est à cette (supposée) brûlante question que s’est employée à répondre la présidente du tribunal de Pontoise, devant une salle comble malgré l’horaire matinal de la séance.
Pour justifier les deux mois de prison ferme de sa réquisition, le procureur du tribunal de Pontoise s’est employé, à l’instar de la présidente avant lui, à mimer les gestes de pistolets qu’aurait mimé le principal intéressé du dossier.
Dans son argumentaire, il a aussi été fait mention des déclarations fluctuantes de Bagui Traoré, ainsi que des nombreuses mentions que comportent son casier judiciaire. « Une décision sereine » a finalement été demandée d’après les mots du procureur qui a reconnu le fait qu’il « y avait plusieurs types d’outrages ».
Interrogé sur les faits reprochés, Bagui Traoré ne nie pas avoir fait de geste de la main, mais il conteste le mime de pistolets. « Il a mal interprété mon geste des mains. Il a voulu comprendre ce qu’il a voulu comprendre », a déclaré l’accusé.
« Je n’avais pas envie de voir de gendarmes, ils ont tué mon frère dans une voiture. Je voulais leur dire : poussez-vous » a expliqué Bagui Traoré pendant l’audience.
En charge de sa défense, Me Lastelle et Me Chirez ont tenu à souligner le fait qu’aucune insulte n’ait été proférée par leur client lors de l’interpellation, bien qu’une arme de poing, puis un taser, aient été braqués sur lui par l’un des gendarmes au moment de l’interpellation.
La défense a aussi tenu à rappeler qu’après constatation, les vitres de la banquette arrière où se situait Bagui ne pouvaient pas s’ouvrir, alors que les déclarations des gendarmes indiquaient que ses mains se trouvaient à l’extérieur au moment des faits.
Face à la proximité chronologique des faits reprochés à Bagui Traoré par les gendarmes et la mort de son frère, la présidente du tribunal a finalement rendu son verdict en choisissant la relaxe. « Une petite victoire » pour Assa Traoré, sœur de Bagui, qui décrit cette plainte « comme une preuve de faiblesse » de la part des gendarmes dans son combat pour éclaircir les circonstances du décès de son frère Adama, et rendre la justice.
Image à la Une © Fr.N pour Le Parisien.