"Belgica", film belge réalisé par Felix Van Groeningen, est en salles depuis le mercredi 2 mars. Clique a rencontré le réalisateur pour parler de son film, prix de la mise en scène au festival de Sundance en 2015, et de sa bande son, composée par Soulwax.
« Belgica » raconte l’histoire croisée d’un café, le Belgica, en plein coeur de la ville de Gand, et celle des deux frères, Jo (Stef Aerts) et Frank (Tom Vermeir), qui reprennent l’affaire.
Comme le hurle Jo dans la bande annonce, le Belgica se veut “le lieu de perdition préféré” de tous les paumés de la ville.
Une fête permanente ouverte à tous et filmée avec brio par le réalisateur flamand Felix Van Groeningen, qui avait déjà convaincu la critique avec ses deux précédents films, « Alabama Monroe » et « La Merditude des Choses », primés à Cannes, Berlin ou encore aux Césars. Cette fois, son film a conquis le festival de Sundance, plus grand festival du film indépendant américain – et c’est mérité.
Il n’y a pas de fête sans musique, et tout le rythme du film tient grâce à sa bande son précise et éclectique, composée par le groupe Soulwax.
Ce qui marche avant tout dans Belgica, c’est sa musique. Le duo belge de musique électronique, proche du réalisateur et lui-même originaire de Gand, a créé 16 titres ex nihilo, en mêlant les styles et les influences pour coller aux différentes ambiances de fêtes qui traversent le film. Interrogé par Clique, Felix Van Groeningen, raconte le travail de calibration : “On a fait beaucoup d’aller retours. J’écrivais, ils me proposaient des morceaux, de sortes de croquis, et on échangeait dessus, pour voir s’ils collaient à l’énergie de telle scène”.
L’argument narratif du film est peut-être un peu léger : Frank, le grand frère, se détruit dans ses addictions, Jo découvre maladroitement l’amour, la violence et le succès, et la descente aux enfers appelle forcément la rédemption. Rien de particulièrement passionnant. Mais là où le film surprend, c’est dans les scènes de soirées, qui dépeignent l’ambiance du café, métamorphosé à chaque étape de son histoire. Soulwax accompagne chaque fête par des morceaux qui gagnent en intensité au fur et à mesure.
« Ce n’est qu’au montage que je me suis rendu compte qu’on ne quittait pas beaucoup le café de tout le film » – Felix Van Groeningen.
La caméra explore tout l’espace du café, se faufile à travers la foule de consommateurs, passe derrière le comptoir, dans les coulisses, pour montrer l’étendue des relations sociales qui se tissent dans le nuit. Un faux huit-clos qui ne respire que provisoirement, quand les personnages vont se réfugier chez leurs familles, loin de la ville.
« J’ai longtemps voulu faire un film sur la nuit » explique Felix Van Groeningen. L’histoire du café Belgica, c’est celle d’un vrai café à Gand, que le père du réalisateur a vendu à deux frères dans les années 90. « L’inspiration est venue de toutes les histoires qu’on nous a raconté sur cette période, les anecdotes de personnes qui ont travaillé dans ce milieu » poursuit le réalisateur. Il raconte par exemple, qu’une image forte du film, où deux personnes soufflent dans un préservatif qui recouvre intégralement leur visage, est une histoire rapportée par un membre de l’équipe. « C’est con mais c’est incroyable » s’amuse-t-il.
Cela dit, « Belgica » n’hésite pas à tacler les excès et travers de cet univers. « Très vite dans le film on montre ce côté sombre, on voit Frank continuer à sniffer jusqu’au petit matin » tempère le cinéaste quand on lui demande s’il n’a pas peur d’esthétiser la drogue, omniprésente.
Le film s’aventure même timidement à aborder la question du racisme des videurs : « C’est une question que mon père s’est posé il y a 20 ans, est-ce qu’on doit bloquer l’accès aux minorités pour avoir une boîte qui marche mieux ? C’est inquiétant… ».
On finit « Belgica » comme ses personnages, essoufflés, soulagés sans être satisfaits du dénouement. Pour le Belgica, pour Jo, Frank, comme pour Felix Van Groeningen, il faut passer à autre chose. On ré-écoutera probablement la bande son de Soulwax encore un temps, pour danser. Quelque part, à Gand ou dans d’autres villes, la musique ne s’est probablement d’ailleurs pas encore arrêtée. La fête continue.