À 66 ans, l'acteur culte, tête d'affiche du prochain film de Wes Anderson, se lance dans la musique classique et dans une ligne de vêtements de golf.
Il y a bien longtemps que Bill Murray a dépassé le statut d’excentrique-en-chef d’Hollywood pour rejoindre celui de légende urbaine. Il faut dire qu’il est susceptible d’apparaître à chaque coin de rue et de faire un bout de chemin avec vous, pour peu que vous habitiez outre-Atlantique.
L’an passé, l’acteur s’était improvisé barman, le temps d’un week-end, dans l’établissement new-yorkais tenu par son fils Homer.
Bill Murray en plein service au 21 Green Point, à Brooklyn. Photographie – New York Times.
Quand il ne lit pas une série de poèmes à des ouvriers en bâtiment, casque de chantier visé sur la tête, il s’immisce dans des soirées étudiantes, s’incruste dans des mariages ou sur des photos d’un couple, et se fend de beaux discours sur la vie et l’amour alors que personne ne lui a rien demandé (comme ici, lors de l’enterrement de vie de garçon d’un parfait inconnu) :
« Quand Bill Murray s’incruste à mon enterrement de vie de garçon » : le discours inspiré de Bill Murray (2014) est à voir sur YouTube.
Et voilà qu’à 66 ans, l’acteur fétiche de Wes Anderson (on le verra dans son prochain film, Isle of Dogs) et de Sofia Coppola, consacré roi des doux dingues par son public et la critique, se choisit deux nouveaux domaines d’activité on ne peut plus conventionnels : la musique de chambre et les vêtements de golf.
L’acteur vient en effet d’annoncer qu’il sortirait bientôt un album de musique classique. Le disque, dont la date de sortie n’est pas encore connue, complètera une tournée avec un ensemble de musique de chambre nommé Bill Murray, Jan Vogler & Friends, mené par le célèbre violoncelliste Jan Vogler, rencontré en 2013 dans un avion pour Berlin. Le quatuor se produira pour la première fois le 20 juillet en Californie, avant d’entamer une tournée nord-américaine. Quant aux billets pour le concert de Chicago, mi-octobre, ils se vendent tout de même à 156 dollars – et montent jusqu’à 250 dollars pour la dernière au mythique Carnegie Hall de New York.
Ce projet hybride – du chant mêlé à des lectures publiques – explorera le thème de l’identité américaine et son rapport à l’Europe : Bill Murray interprétera des morceaux de la comédie musicale West Side Story et de Stephen Foster (considéré comme le « père de la musique américaine ») et lira des extraits d’œuvres de grands auteurs américains, dont Ernest Hemingway… Le tout sur fond de Schubert et de Bach. Et il semblerait que Bill Murray s’entraîne déjà : on l’a vu début juin, en costume, reprendre Van Morrisson lors d’un festival à… Dresde, en Allemagne.
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Mais ce n’est pas tout. Hyperactif, l’acteur se lance dans une aventure entrepreneuriale avec ses six frères. Ensemble, ils ont lancé une ligne de vêtements de golf, William Murray Golf. Celle-ci rend hommage au passé de la fratrie : pendant leurs jeunes années, tous ont été caddys (« assistants golfeurs », pour les novices) et depuis 16 ans, ils organisent chaque année un tournoi de golf caritatif. Après avoir dévoilé ses premières pièces à l’automne, William Murray Golf a eu droit, pour sa collection de printemps, à un article dans les pages Mode Homme du New York Times qui retrace l’histoire de sa création.
Pas de panique pour autant : l’acteur ne s’assagit qu’en apparence. L’une de ses répétitions musicales, décrite par Ben Sisario du New York Times, n’a rien de normal. Ce jour-là, Murray lit bien des extraits d’Huckleberry Finn pendant que le trio joue « Moon River ». Mais comme avec lui rien n’est jamais vraiment normal, il porte une chemise rose criard, un bandana, et peut se targuer de s’époumoner devant une fan pas comme les autres – en l’occurrence la réalisatrice Sofia Coppola, venue lui faire un gros câlin et filmer le tout à l’iPhone.
Bill Murray en répétition – Photo New York Times.
Pour les vêtements, c’est pareil : l’acteur, auteur d’un best-seller sur le golf et d’un incident diplomatique à cause d’un crash de voiturette, refuse encore et toujours de trop se prendre au sérieux. Les imprimés sont criards ; quant à la matière privilégiée – le polyester -, elle est souvent considérée triviale… et donc plutôt boudée par le petit monde fermé du golf.
Vous l’avez reconnu ? Ce polo, le best-seller de la marque, est un clin d’oeil à la célèbre scène du karaoké de Lost In Translation :
Sans compter qu’à bien y réfléchir, cet intérêt pour la musique et le golf marque moins un aller simple vers l’ennui que la volonté de l’acteur de persévérer dans des voies qu’il a touchées du doigt toute sa vie.
On l’a vu chanter (plutôt faux, mais est-ce bien grave ?) dans plusieurs films : Lost In Translation bien sûr, mais aussi dans Cradle Will Rock (en ventriloque qui interprète « l’Internationale« ), en crooner de Noël dans A Very Murray Christmas ou en fan de Bob Dylan dans St. Vincent. Dans la vie privée, il n’est pas en reste : il concurrence Mariah Carey en s’égosillant – littéralement, et en crachouillant aussi d’ailleurs – lors d’un match de baseball devant un stade plein à craquer, et pousse la chansonnette avec son copain Clint Eastwood, juste pour le plaisir.
Côté golf, les frères Murray ont contribué à écrire l’histoire de ce sport au cinéma avec le film Caddyshack (1980), co-scénarisé par l’un d’eux. Cette comédie largement autobiographique tourne en dérision la Sainte Trinité clubs, gazons et voiturettes et scelle, en images, la passion de la fratrie pour la discipline.
Caddyshack, fort de son succès commercial, dévoilera l’acteur au grand public – et avec lui son goût pour l’absurde, sa spontanéité et sa tendresse qui en feront une star. En témoigne cette séquence délirante dans laquelle l’acteur adresse un monologue enflammé à un gopher (un rongeur nord-américain qui ressemble comme deux gouttes d’eau à une marmotte, sans en être une pour autant).
Pour la petite anecdote, cette scène de Caddyshack, au-delà de montrer tout l’amour de Bill Murray pour le golf, était quasi-prémonitoire : treize ans plus tard, en 1993, une comédie romantique dans laquelle il partage le premier rôle avec Andie MacDowell installera pour toujours Bill Murray sur son trône d’acteur culte : il s’agit de Groundhog Day, soit, en version française, Un jour sans fin ou… Le Jour de la Marmotte.