Ian Urbina, journaliste au New York Times, a une étrange passion : il demande aux gens leurs mots de passes. Ces affreux codes qu’on oublie, qu’on change, qu’on perd, mais qui révèlent tant de leurs propriétaires. « Beaucoup de nos mots de passe sont infusés de pathos, de sottises, parfois même de poésie » conte-t-il dans un article-fleuve, The Secret Life of Passwords, où « une phrase de motivation, un tacle à notre boss, un autel caché à un amour perdu, une blague à soi-même » sont autant de prétextes pour remonter le fil des souvenirs. Comme ceux d’Howard Lutnick, terribles. Au lendemain du 11-Septembre, ce chef d’entreprise est abattu. Il vient de perdre 658 employés, dont son frère. Pour remettre en branle sa société, il est contraint d’appeler les familles des victimes et s’enquérir de leurs mots de passe. Surprise – nombre d’enfants, prénom de leur chien, date de mariage… En une journée de quête, il en découvre plus sur eux qu’en plusieurs années de travail en commun. La plus dramatique des histoires, parmi celles que Ian Urbina distille avec brio. Pour les autres, il faudra lire son excellent papier.