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Par Adeline Grais-Cernea

CES GENS QUI… sont POUR ou CONTRE la fourrure

LE MANTEAU DE MAMIE
Tout a commencé le jour où ma mamie adorée m’a offert un de ses beaux manteaux en fourrure. Je partais vivre au Canada et il lui semblait inenvisageable que je passe l’hiver en simple anorak. Elle m’a tout d’abord proposé son long manteau, celui qui descendait bien à la cheville et qui me donnait 50 ans de plus. Finalement, plus raisonnables, nous avons jugé de concert que « la version veste » était plus adaptée et que légèrement reprise au niveau des épaules, elle serait parfaite.
À ce moment-là, j’étais comblée. Vraiment. Je me regardais dans la glace, enfouie, disparaissant entre les longs poils châtains clairs, caressant du bout des doigts les gros boutons ronds légèrement nacrés en me disant que j’avais de la chance d’avoir une mamie qui m’aime autant (et même si, concrètement, j’avais le look de Sigourney Weaver dans Working Girl).

sigourney weaver

À aucun moment, et je le souligne : à aucun moment je n’ai eu, à cet instant précis du moins, conscience que je portais sur moi les vestiges épidermiques d’une pauvre bête que l’on avait tuée juste pour son tissu pileux.

Je portais le manteau de Mamie ! Celui que j’avais toujours connu ! Celui qui était sur toutes les photos de famille ! Celui qui refaisait son apparition tous les hivers et à chaque mariage… Celui qui portait ses initiales à l’intérieur…

J’ai pris le manteau dans ma valise. Je lui ai fait traversé l’Atlantique. Je l’ai accroché dans la penderie.

L’hiver est arrivé. -20°. Le manteau est resté dans la penderie.
L’hiver est passé. Toujours dans la penderie.
Retour en France. Manteau en soute. Nouvel appart, nouvelle penderie.

Je n’ai jamais pu porter cette pièce… J’ai bien tenté une fois d’aller la faire reprendre, par principe, mais non, même ça, incapable. Acte manqué.
Le manteau est toujours chez moi et quand je le touche, ça arrive, j’ai l’impression de caresser un bon gros toutou que j’aurais depuis des années et qui serait bien sage.

photo-2

I LOVE LES ANIMAUX
Je suis prise dans la tourmente : j’aime trop les animaux pour pouvoir imaginer qu’on les massacre juste pour nous fabriquer des vêtements. (Attention, quand je dis « nous », j’entends « pays occidentalisés qui ne respectons rien et qui n’avons clairement pas besoin de fourrure pour affronter le froid. » Je n’inclus pas les Inuits et les Sibériens.) Et en même temps, j’aimerais porter la fourrure de ma grand-mère, me sentir comme chez elle encore un peu, lui faire honneur et avoir ce sentiment que quelque chose perdure.

Je ne mange pas beaucoup de viande, je comprends Brigitte Bardot quand elle dit préférer les animaux à l’humanité, je comprends mon père qui ne supporte la compagnie que de ses chats, et je comprends Booba quand il dit que plus il connaît les hommes, plus il aime son chien. Je soutiens l’Inde qui a décrété que le dauphin était « une personne non-humaine« ; l’été quand une guêpe se noie dans la piscine, je plonge pour la sauver et je ne comprendrai jamais, JAMAIS, que les réalisateurs de documentaires animaliers laissent mourir les bêtes devant leurs caméras, « pour ne pas influer sur le processus de la Nature ».

Mais bon sang, tu en fais partie de cette Nature ! ALORS SAUVE CE BÉBÉ MANCHOT !!!

Je suis vraiment pro-animaux, je ne déconne pas. Et pourtant. Ce dilemme. Cette envie. Cette affliction.
Est-ce que Cruella d’Enfer aimait tellement les dalmatiens qu’elle est tombée malgré elle dans la folie de vouloir tous les dépecer ? Se vêtir d’eux pour « entrer » en eux, pour les posséder à l’extrême ? Est-ce que c’est comme ça qu’on devient cannibale ? En aimant trop ses semblables ? Je m’égare…

Cruella d'Enfer

Existe-t-il seulement des conditions pour que mon amour puisse assumer de porter sur mon dos la dépouille d’un frère renard ?
J’ai essayé de trouver une réponse à la question : voudrais-je vraiment pouvoir me rouler dans une couverture Hudson Bay (en admettant que je puisse un jour en acheter une) ?
Je me dégoûte.

Totalement dépassée par la question, et en proie, une nuit, à un délirium fulgurant où j’accouchais de chatons qui portaient tous des petits complets en python, je me suis tournée vers mes amies. Mes copines. Qu’en pensaient-elles ? Quelle était leur opinion sur la fourrure ?
Je les ai donc interrogées. Sur Facebook. Et la question allait droit au but :
« Vous portez de la fourrure, vous ? »

FACEBOOK, SUR 16 FILLES 12 SONT CONTRE.
Elles me répondent en me vomissant à moitié dessus : « NON MAIS ÇA VA PAS!!! »
Elles s’offusquent littéralement de la question mais beaucoup ne vont pas plus loin qu’un simple :« Je ne vois pas l’intérêt ».
Ça va de : « On n’a pas le droit de maltraiter les animaux pour se faire plaisir » ;
en passant par : « C’est immonde, je préfèrerais encore me faire une culotte en peau de lépreux » (ce qui, pour le coup, est dégueulasse, nous en conviendrons).
La deuxième raison à ce pétage de plombs collectif est d’ordre plus esthétique : la fourrure, c’est devenu manifestement ultra ringard. Ça fait « vieille mémère », ça fait « vieille tapin de luxe », ça fait « mi-pute mi-déglingos » (je ne fais que retranscrire, hein).
En gros, c’est désuet et un peu vulgaire.
La raison numéro 3 a un goût de bile purement financier : « Non, c’est trop cher. »
Point.
Est-ce que « c’est trop cher, donc je n’en ai pas », ou est-ce que « c’est trop cher, donc je n’en veux pas »… je n’ai pas demandé de précisions.
Ce qui, PAR CONTRE, a éveillé mon intérêt, c’est lorsque les trois quarts de ce panel d’offusquées hystériques m’ont très naturellement avoué avoir « un col de manteau en lapin », « une chapka en lapin », « une bordure de gants en lapin »…. « mais bon, que des petits accessoires, pas des manteaux, quoi ! » – comme si ce n’était pas grand-chose ou plutôt, comme si c’était différent :
1/ ce sont de petites pièces
2/ ce n’est que du lapin

QUE DU LAPIN
Il semblerait alors que le lapin ne soit pas sur un pied d’égalité avec les autres espèces quand il s’agît de le déchiqueter.

« Après tout, le lapin, on le mange », m’a-t-on répondu, « c’est comme le mouton, on a tous une peau de mouton sans qu’on trouve ça particulièrement infâme », m’a-t-on encore soutenu en pensant que je n’y verrais que du feu.

Parce que oui, forcément, on mange moins de loups ou de renards de par chez nous. Alors quel est le message ?
Le vison, le bébé phoque, le chinchilla ou l’hermine, au secours ! Crime ! Mais le lapin, on s’en care, il est déjà habitué à ce qu’on le bouffe de toute manière ?
Cette vision compartimentée me dérange et pour le coup, je n’arrive pas à concevoir que l’on puisse culturellement hiérarchiser la cruauté de la sorte. De plus, cet argument « porter ce que je mange », est-il vraiment recevable ?

Beaucoup de personnes pensent que les animaux élevés pour être dépecés sont ensuite envoyés sur le tapis roulant de l’industrie alimentaire. 2 en 1, pas de gâchis. Qu’en est-il vraiment ?
J’ai posé la question à Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot :

Pouvez-vous nous dire si les animaux élevés pour leur fourrure sont les mêmes qui sont ensuite vendus à l’industrie alimentaire ?
Christophe Marie : Non, ce n’est pas lié car, hormis les lapins en France ou les chats et chiens en Asie, les animaux utilisés pour la fourrure ne sont pas consommés. Dans notre pays il y a une vingtaine d’élevages de visons, détenus dans des conditions effroyables, et de nombreux élevages de renards en Europe. Tous ces animaux sont élevés et tués uniquement pour leur fourrure. En ce qui concerne les cols et capuches en fourrure, qu’on voit partout, il s’agit souvent de coyotes ou autres canidés piégés, notamment pour la marque Canada Goose.

Est-ce que le lobby du lapin français est très puissant ?
C.M : C’est peu de le dire, les enquêtes menées dans les élevages français font l’objet d’une censure de la filière cunicole, soutenue par les autorités nationales… Rien d’étonnant quand on sait que la fourrure de lapin « Orylag » a été créée par l’INRA, organisme placé sous la double tutelle des ministères de la Recherche et de l’Agriculture. Les élevages de lapins sont effrayants : de la batterie comme pour les poules en cage, du grillage et rien d’autre. Idem pour les élevages de visons. Le code rural impose des « conditions compatibles avec les impératifs biologiques » de l’espèce et cela n’est pas respecté dans les élevages pour la fourrure… Où sont les terriers des lapins, les bassins d’eau pour les visons qui sont des animaux semi-aquatiques ?

Merci Monsieur Marie. Je vous redemanderai d’autres précisions tout à l’heure.

Je me souviens avoir vu, il y a très longtemps à la télévision, un reportage bouleversant sur la façon dont était fait le foie gras d’oie. Toujours dans l’esprit 2 en 1, les oies étaient gavées puis déplumées vivantes afin que leurs plumes restent de meilleure qualité et puissent être vendues. J’étais jeune, je ne sais plus du tout où cela se passait, et probablement pas en France, d’ailleurs. Je me souviens juste de cette petite oie que l’objectif de la caméra avait prise en amour. Déplumée vivante, meurtrie de douleur et de honte, elle partait s’isoler dans un coin de l’enclos et… se mettait à pleurer.

UNE OIE ÇA PLEURE, OUI ! Et c’est insoutenable, croyez-moi.

Comment supporter que cela puisse être encore d’actualité ? Que certains animaux soient ainsi écorchés alors qu’ils sont toujours en vie ? Et surtout pour quoi ? Pour une fourrure que l’on est capable de reproduire synthétiquement ?Même certaines tribus zoulous ont accepté le fait que malheureusement certaines traditions de l’homme pouvaient sur le long terme causer la disparition d’espèces animales et ont accepté de revêtir de fausses peaux pour leurs grands événements traditionnels, comme le rapporte le magazine Sciences et Avenir.

Est-ce que le synthétique de luxe (celui qui serait rare, parce que non polluant et donc perfectionné et donc cher) suffirait à rassasier les porte-monnaie arrogants qui veulent exister en dépensant toujours plus, court-circuitant alors dans la foulée l’industrie de la vraie fourrure animale ?

LA CONSCIENCE

« On reconnait l’élégance d’une femme au nombre de bêtes qu’il a fallu pour l’habiller. »

adeline grais-cernea

Je ne sais plus qui a dit ça honnêtement, mais ça ne m’étonnerait pas qu’il s’agisse de notre Coco nationale (je ne parle pas de Gad Elmaleh) et à vous de voir quel sens donner à « bêtes ».

L’autre jour j’étais chez une jeune femme qui au détours d’une conversation me sort une paire de bottines vraiment ravissantes au demeurant. « Ce sont des Chanel ». Elles ont l’air doux et sur le moment je ne peux contenir mon envie de caresser leur bout arrondi tout en demandant avec un naturel qui me déconcerte encore :
« C’est quoi?
– C’est du poulain », me répond-t-elle.
Je laisse alors échapper un petit cri. Le petit cri qui vient du fond des intestins mais que j’essaye de ravaler pour ne pas trop indisposer mon hôte qui me regarde maintenant avec des yeux tout ronds, l’air un peu gêné :
« Je n’avais jamais vraiment réalisé… jusqu’à ce que je t’entende crier », me confie-t-elle.

N’est-ce pas là tout le souci ?
Notre cerveau tenterait-il de se protéger en ignorant presque volontairement certaines choses ?
Réalise-t-on vraiment ce que représente l’univers ?
Réalise-t-on vraiment ce que c’est que d’être carnivore ?
Réalise-t-on vraiment ce que c’est que de procréer ?
Réalise-t-on vraiment qu’on porte la dépouille d’un renard juste pour notre fantaisie ?
Réalise-t-on vraiment ce que c’est que la vie ?

J’ai tenté de trouver une réponse à cette question (la numéro 4) en m’adressant à mon ami Arthur, doctorant en neurosciences :

Arthur, je me demandais si le cerveau avait la capacité de se « protéger » lui-même de choses qui le dépasse… La vie, la mort, l’Univers….
Sur les jeunes femmes que j’ai interrogées à propos du port de la fourrure, beaucoup m’ont répondu, ne pas avoir conscience qu’il s’agissait d’animaux morts ou même pire : ne jamais l’avoir vraiment conceptualisé… Alors dis-moi : est-ce que porter de la fourrure ferait partie d’une liste de choses que le cerveau rendraient abstraites pour être en mesure de les faire de manière supportable, sans trop se poser de questions… ? (Question posée en ces termes, à peu près.)

Réponse d’Arthur :

« Je crois que ce qu’il faut savoir c’est que le cerveau est avant tout PARESSEUX. Réfléchir consomme énormément d’énergie, si bien que généralement, on ne réfléchit pas trop.

En gros, l’attitude de base, c’est de ne pas se poser de questions. Si on a une représentation immédiate du monde qui nous convient, on ne va pas chercher plus loin. Il faut vraiment que la discordance entre les faits immédiatement observés et son propre modèle du monde devienne grande pour qu’on commence à revoir son modèle (il faut aussi que l’enjeu soit perçu comme assez important). Je pense que les jeunes femmes que tu as interrogées n’ont jamais conceptualisé qu’elles portaient un animal mort sur elles parce qu’elles ne se sont jamais posées la question. Je veux dire que leur cerveau ne s’est jamais posé la question. Même de manière inconsciente, la question ne s’est pas posée.
Leur cerveau ne leur ment pas ou ne les protège pas : il n’y a jamais réfléchi, c’est tout. »

Ah bon ?
C’est tout ?
C’est juste de… de la connerie ? Enfin, non pardon, je ne voulais pas dire ça comme ça…
« C’EST JUSTE DE LA CONNERIE ?  »

Mon ami Eno a eu une très bonne idée pour que la prise de conscience advienne de façon presque naturelle : « Il faudrait faire des modifications génétiques des poils de ces animaux et leur faire exprimer la protéine-hormone du dégout afin que toute personne qui les touche soit prise de remord, pitié, aversion…. mais ça touche à la science-fiction. » Dommage, c’était une bonne idée quand-même.

J’ai voulu m’entretenir avec des femmes qui, elles, avaient complètement conceptualisé le projet de la peau arrachée et qui, en tout état de cause, ne faisaient pas tout un foin de porter de la fourrure un peu, beaucoup …

PASSIONNÉMENT ?
Le FourrureClub, c’est LA communauté francophone pour les amoureux de fourrure ! Vous aimez la fourrure pour sa sensualité, sa douceur, son pouvoir érotisant ? Fétichiste de la fourrure, amateur de modes et tendances, fou du renard, du vison, du chinchilla, de la zibeline, du lynx, vous n’êtes pas seul et le FourrureClub est là pour vous !

fourrure club(au secours…)

Aurélie a une trentaine d’année. Elle est jolie, très sympathique, drôle et très rapidement ON SAIT qu’elle est, en plus, très intelligente. Elle se considère comme « une fourrure addict » (mais n’a rien à voir avec le FourrureClub et porte gentiment une fausse fourrure sur la photo) et quand je lui ai demandé si elle pouvait répondre à quelques questions, elle n’a pas hésité :

Auré Lika

Est-ce que c’est toi qui achètes tes fourrures, ou est-ce qu’on te les offre?
Aurélie : Je me les achète. Malheureusement.

Est-ce que les gens essayent de te faire culpabiliser de porter de la fourrure ?
A : Très souvent. La plupart du temps, ce sont d’ailleurs des gens que je ne connais pas. J’en porte depuis 7 ans, un moment où ce n’était pas spécialement à la mode. Un jour, un vendeur de Kookaï m’a carrément insultée, sur son lieu de travail. En allant au ciné il y’a deux semaines un mec m’a lancé un : « Meurtrière! ».
Je ne compte même plus les « T’as pas honte ? », venant de gens que je rencontre pour la première fois.

Quel est ton discours quand on te dit : « Mais tu penses à l’animal mort que tu as sur le dos ? »
A : Je réponds à toutes ces personnes qu’elles aussi portent des animaux morts à leur pieds (chaussures en cuir), à leurs mains (gants en cuir), au bout de leur bras ou en bandoulière (sac en cuir), pour ranger les sou-sous (portefeuilles, porte-cartes et autres petites maroquineries en cuir, donc), sur leur dos avec leur jolis petits blousons en cuir. Et qu’est ce que le cuir ? Un animal tout aussi mort.

Le cuir, c’est une sorte de fourrure chauve, quoi.

De plus mes fourrures sont vintage (sauf une), donc beaucoup plus « respectables » (même si je ne cherche pas le respect, mais juste une certaine cohérence de jugement) que toutes les fringues des gens qui m’insultent et qui sont fabriquées par des enfants de 5 ans au Bangladesh. Sans compter que 95% des gens que cela choque ne sont bien évidemment pas végétariens ou simplement respectueux d’un quelconque code alimentaire « concerné » (animaux élevés en pein air, nourriture bio etc.), ce qui est mon cas, par exemple.

J’ai parfois la sensation que la fourrure est un arbre à poils qui cache une forêt d’hypocrisie absolue.

Loin de moi l’idée de juger ni même d’être parfaitement cohérente avec tous mes idéaux, c’est juste que je trouve la position ou la réflexion des gens très binaires : porter de la fourrure = c’est mal, sans balayer devant sa petite porte.

As-tu une éthique propre en ce qui concerne la fourrure (pas de tel animal, pas de neuf etc.) ?
A : À part pour le vintage où j’accepterais des animaux comme le vison etc., je refuserais d’acheter neuve de la fourrure d’animaux en voie en disparition, des races rares, menacées etc. Je ne porte que du lapin, qui est loin d’être en voie extinction, et ce aussi parce que je ne suis pas bien riche.

Comment te sens-tu quand tu es emmitouflée dans une fourrure ? Est-ce quelque chose que tu relies directement à la féminité, à la richesse, à la séduction ?
A : Être dans une fourrure c’est le bonheur, la béatitude, la joie ! Depuis que j’ai découvert la fourrure il m’est quasi impossible de vivre sans en hiver, je me sens trop bien dedans. Ça a un côté fonctionnel pour moi : grâce à ça, tu n’as jamais froid. En plus, « stylistiquement », ça me convient vu que je trouve très peu de manteaux à mon gout, la fourrure va avec mon côté vintage. Elle évoque pleins de féminités : la fille de petite vertu, la réac’ de droite, la babouchka etc. Ça m’amuse beaucoup de jouer avec toutes « ses femmes ». J’aime son côté suranné, à réinterpréter.

(Question intime, pas forcée d’y répondre…) As-tu déjà pensé à la relation fourrure et épilation féminine ? Quelle est ta « routine épilatoire » ?
A : Je n’ai jamais pensé à ça et je m’épile tout ce qui est « épilable » ! Enfin vu que je ne suis pas en couple en ce moment il y a du laisser-aller, mais sinon tout y passe ;).

Parce que oui, c’est un curieux paradoxe tout de même. Cette volonté d’avoir la peau lisse comme du marbre pour tout d’un coup revêtir plusieurs kilos de poils avec comme seul prétexte que l’hiver approche ? Curieux, curieux.
Pour rebondir sur les opinions d’Aurélie, j’ai re-demandé le point de vue de Monsieur Marie, qui, je le rappelle, est porte-parole de la fondation BB :

Que répondez-vous aux gens qui se défendent de porter de la fourrure en disant que pratiquement tout le monde porte du cuir ?
Christophe Marie : Le cuir provient de l’industrie alimentaire, pour autant on peut très bien s’en passer. Il n’entraîne pas une production spécifique contrairement aux élevages de visons, renards qui, outre une incontestable souffrance animale, entraînent de graves pollutions, notamment celles des nappes phréatiques.

Que pensez-vous des gens qui portent de la fourrure mais uniquement vintage ?
C.M : Le souci est que c’est un phénomène de mode et comme tout phénomène de mode, l’industrie s’adapte. On trouve déjà du faux vintage comme on trouve des jeans faussement usés. L’étiquetage est fantaisiste, même pour les vêtements en « fausse fourrure ». Les douanes ont fait une saisie, à Paris, de 4000 vestes avec cols et capuches étiquetés « fausse fourrure », mais après vérification et tests ADN, il s’est avéré que ces vêtements produits en Chine avaient été réalisés en fourrure de chats et de chiens. La traçabilité est un leurre, nous préférons militer pour un boycott total de la fourrure plutôt que cautionner une fourrure prétendue « éthique »… C’est comme commercialiser de l’ivoire ancien, l’expérience nous montre que c’est la porte ouverte à tous les trafics. Pour protéger les éléphants il faut interdire tout commerce de l’ivoire, pour protéger les visons, renards, coyotes, etc. il faut boycotter tout vêtement et accessoire comportant de la fourrure.

ÉTHIQUE PARCE QUE VINTAGE ?
Ce point de vu sur la fourrure vintage, ne m’est pas étranger.
Quand j’étais à Montréal, j’ai découvert Harricana.
Lancé par Mariouche Gagné en 1996, cette marque plutôt luxueuse utilise exclusivement de la fourrure recyclée et a déjà permis, à ce jour, de « sauver » 800.000 bêtes en donnant « une nouvelle vie » (n’y voyez rien de sarcastique) à 80.000 manteaux laissés pour compte. Prêt de 90% de son stock est d’origine québécoise et participe ainsi à réduire le nombre d’animaux abattus dans un pays qui, soulignons-le, est tout à fait légitime dans sa ténacité à vouloir se protéger du froid. -15° quand tu veux rentrer chez toi et que tu ne trouves pas de taxi, mieux vaut être bien couvert.
Mais, quand on habite en Europe, en France, où il fait 14° un 27 novembre (et rarement en dessous de 0° en plein hiver), est-ce utile, raisonnable, compréhensible, ACCEPTABLE de porter de la fourrure et de participer ainsi activement à ce massacre ?
À un moment je m’étais dit : « Ok. Moi vivante, je suis contre l’élevage ou l’importation de « nouvelle » fourrure. Ce business devrait tout bonnement être interdit. Cependant, en ce qui concerne toutes les fourrures datant d’avant le 15 mai 1981 (date de ma naissance, avant quoi je ne pouvais clairement pas intervenir) je reste tolérante… »

Suis-je moi-même perdue dans la forêt d’hypocrisie dont parlait Aurélie ?
Est-ce que porter de la vieille fourrure n’est pas un incitateur, une provocation, une façon tout aussi violente de s’allier à ce business ? Un peu comme avec les flingues. On sait que c’est mal. On est contre la vente et le port d’armes. MAIS censure-t-on Navarro pour autant ? Et pour peu qu’on nous tende une arme à feu, est-on vraiment certain que l’on ne va pas avoir envie de tirer ? Même sur une canette, au stand de tir ou dans le garage de tonton ?
« Oh ça va, ce n’est qu’un col en lapin et il date probablement d’avant Mitterrand… »
AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !

J’avais besoin de réponses (encore et toujours), alors j’ai demandé à Madame Gagné, fondatrice de cette marque « écololuxe » ce qu’elle en pensait :

Y’a-t-il une année au delà de laquelle Harricana décrète qu’une fourrure n’est plus vintage ?
Mariouche Gagné : Le mot vintage signifie une certaine valeur (matière première et époque). Nous ne pouvons décréter qu’un manteau en fourrure de lapin datant de cinq ans est vintage, mais nous pouvons dire qu’un vison brun foncé datant des années 70 (qui rappelle le style et la mode de l’époque) l’est.

La clientèle Harricana vient-elle primordialement pour le concept éthique ou pour le design des pièces qu’elle apprécie par dessus tout ?
M.G : Les clients viennent d’abord et avant tout pour le design de nos pièces, car même si nous proposions une mode éthique mais pas très jolie, les clients ne l’achèteraient pas. Donc, ils viennent pour le design et par la suite pour le concept éthique d’une mode qui encourage le développement durable.

Pensez-vous de la même façon que l’on peut avoir envie de se remettre à fumer quand on voit quelqu’un une cigarette à la main, que la fourrure appelle la fourrure et que même recyclée, la fourrure vintage participe toujours (même indirectement) au développement de ce marché ? (Attention, elle ne va pas du tout répondre à la question)
M.G : Si le domaine de la fourrure était plus éthique de prime abord, ce serait déjà mieux et moins polluant que la plupart des matières synthétiques utilisées. Il faut être conscient des enjeux et être un consommateur averti. La mode « écololuxe » que nous mettons en place est un bon moyen de consommer de manière intelligente, puisqu’elle recycle et réutilise les matières nobles, tout en respectant la faune et la flore. C’est donc du développement durable.

Pensez vous que le fait de vouloir porter de la fourrure est un acte (besoin?) totalement humain au delà du fait qu’il ait été sublimé par la mode?
M.G
: Dans les pays où il fait froid, la fourrure devient un besoin (un des besoins fondamentaux est celui de l’habillement, d’ailleurs). La fourrure est synonyme de protection et c’est à cela qu’elle sert : à protéger les êtres contre les intempéries.

Pour écrire ce papier et trouver des réponses à mes questions, j’ai tout de même été sur plusieurs sites, qu’ils soient pro-fourrure ou pour la défense des animaux et donc absolument anti-fourrure.
Visuellement, voici le constat :

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Capture d’écran 2014-12-10 à 15.27.05AVANT / APRÈS – car c’est bien la consommation qui engendre la production.
(Et croyez-moi je vous épargne le pire. Âme sensible s’abstenir)

Alors, comment gérer le mal quand le mal est fait ? Et quand le mal est si doux ?
Ce n’est plus juste une histoire de manteau de fourrure, de chaud ou froid ou de transmission familiale.
Jusqu’où sommes nous allés ? Des lunettes en fourrure ? Allô Givenchy, Dior, qu’est ce qui se passe ? Lady Gaga, hey salut, je voulais juste te dire : « Ce n’est pas parce que tu as fait des trucs douteux dans ta vie comme te pavaner en robe de viande pour devenir un peu connue, qu’il est trop tard. Maintenant, tu es connue ! C’est génial ! Tu vas enfin pouvoir porter un message intelligent, réjouis-toi, et dis à ton cerveau (maintenant qu’on les sait paresseux) de passer en mode gym tonique et d’ouvrir les yeux ».

J’ai écrit un e-mail à tous les députés qui ont rédigé une proposition de loi tendant à limiter l’utilisation de fourrure animale en France. Pour leur poser des questions.
Bon. Je n’ai jamais reçu de réponse…

Il y aura toujours une façon de faire éthique, de trouver un compromis, de transformer le problème en développement durable, mais concernant la fourrure, j’ai comme l’impression que les hommes ont été trop loin, vraiment, et qu’il est malheureusement trop tard.
Faut-il aller jusqu’à interdire non seulement l’élevage, la fabrication, la vente, mais aussi le port (!) de la fourrure ?
Tolérer le vintage mais demander que chaque pièce soit répertoriée, numérotée, soumise à des contrôles très strictes et considérer enfin que tous les éleveurs soient jugés coupables de crime envers La Nature (excepté certains éleveurs du grand Nord qui auraient des dérogations) ?

Je ne mens pas en vous disant que je finis d’écrire cet article en pleurant devant mon ordinateur.
Vintage ou à mamie, recyclé ou « juste sur ma capuche », il paraît évident que l’on ne peut humainement pas cautionner que des animaux soient massacrés et torturés vivants pour la satisfaction stylistique des hommes. Si ces pratiques insoutenables sont le fruit d’une industrialisation parallèle bien qu’elle se dise plus éthique et contrôlée, alors cette dernière devrait sans doute prendre une grande décision et cesser toute activité pour couper court à cet engouement.
Il n’y a visiblement pas de juste milieu à considérer dans cette affaire : soit l’on supporte le destin tragique d’animaux innocents et la cruauté humaine qui va avec, dans quel cas on porte de la vraie fourrure ; soit l’on refuse catégoriquement (et même juste par principe) qu’un seul animal soit dépecé alors qu’il respire encore et on condamne alors toute l’industrie responsable de cette horreur. À chacun de choisir.

Pour ma part et en connaissance de cause, je promets (tant que je vivrai en France et non en Sibérie) de ne plus jamais porter de la vraie fourrure animale et surtout de ne jamais encourager qui que ce soit à en porter.

(Du coup, je ne bosserai a priori jamais pour Vogue… damned… bon tant pis.)

lisa-simpson-grade-me

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