C’est quoi le gorpcore, le style qui a enterré le normcore ?

Inspiré par les vêtements techniques conçus pour la randonnée ou l’escalade, et adopté par des stars du rap, le look gorpcore (re)devient tendance. Phénomène fait pour durer ou simple logique commerciale ?

A priori, enfiler des chaussures de trekking et accrocher des mousquetons sur son sac n’a rien de très naturel pour prendre le métro. Le principe du style « gorpcore » tient justement dans ce contraste : porter des tenues de montagnard dans un environnement urbain. Le terme fait référence aux en-cas consommés par les randonneurs : des bons vieux raisins et des cacahuètes (de l’acronyme « Gorp« , pour « Good Old Raisins and Peanuts« ).

« Beaucoup de ces pièces peuvent être associées à des activités qui, dans la société, sont considérées comme des activités de riches, telles que le ski et la randonnée récréative. » (Le styliste Todd Johnson)

Une doudoune North Face, une veste softshell Decathlon, des baskets de trail Salomon, une polaire Patagonia… Le gorpcore, dont la popularité décolle initialement vers 2017, a fait une sorte de faux départ avec la pandémie, avant de revenir sur le devant de la scène.

Adopté par des stars comme A$AP Rocky, le style cartonne aujourd’hui sur TikTok, avec plus de 900 millions de vues associées au hashtag #gorpcore. En France, le look est associé à des rappeurs comme Stavo de 13 Block, grand fan de Quechua.

Adiós norcmore, bienvenido #gorpcore ✌🏽 Te contamos cómo es este estilo que llevan celebs como Drake y ASAP Rocky >> https://t.co/CSWUsj8MSI pic.twitter.com/vpYYrB6pU0

— Malvestida (@malvestida) May 28, 2017

Volonté d’échapper au train-train du béton avec un look de survivaliste, prix relativement accessibles selon les marques… Pour expliquer le succès du phénomène, le styliste et directeur créatif Todd Johnson évoque aussi dans un article de CNN Underscored « un sentiment d’inaccessibilité qui (…) attire beaucoup de gens de la mode » d’autant plus que « beaucoup de ces pièces (…) peuvent être associées à des activités qui, dans la société, sont considérées comme des activités de riches, telles que le ski et la randonnée récréative« .

Justin trudeau gorpcore era ??? pic.twitter.com/bPTjpWsRPJ

— Athu cornichon (@athu_cornich) April 25, 2023

Avant le gorpcore, l’échec du normcore

Un papier du Financial Times, signé par le chroniqueur Robert Armstrong, rappelle que, sur le principe, transformer des vêtements sportifs en tenues casual n’a rien de bien neuf. Malgré ça, « la persistance du gorpcore contraste avec son ancêtre, le normcore » : un style apparu il y a plus de dix ans et basé sur des fringues standards, avec par exemple des baskets de sport basiques, des chaussettes blanches passe-partout ou encore des casquettes de baseball banales au possible. « Le mot a eu du succès (…), mais les marques n’avaient pas grand chose à vendre. Le normcore haut de gamme était une contradiction et avait l’air stupide« , commente l’auteur. Ce qui s’est vite révélé obsolète.

Alors pourquoi la tendance gorpcore survit aussi bien ? « Le gorpcore a une logique commerciale puissante. Arc’teryx, le boss des marques gorpcore, peut prendre ce qui est (à mon simple avis) un imperméable North Face, en doubler le prix et le vendre à quelqu’un qui ne testera ses coutures qu’entre un taxi et un restaurant« , écrit Robert Armstrong.

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— mint. (@thats_mint_) January 5, 2023

« Les créateurs de tendance et les marques s’emparent d’un simple vêtement fonctionnel, sous une forme ou une autre, et espèrent en faire quelque chose qui illustre le bon goût, la distinction et (ne l’oublions pas) la richesse« , analyse le chroniqueur. Bref, une « machine commerciale poussée à son paroxysme » capable de transformer tout et n’importe quoi en « quelque chose de puissant et d’original« . De quoi atteindre les sommets de la superficialité ?