On était au rassemblement pour Zyed et Bouna devant le Palais de Justice de Bobigny. De 19h à 21h environ, ou du banquet bon enfant à la lacrymo.
Sur fond de Soldat lambda, tambours et sifflets, un buffet s’installe ; les gens mangent, sourient, se réconfortent et répondent aux questions des nombreux journalistes. Des tracts sont distribués pour rappeler d’autres affaires où la police est remise en cause comme celle d’Ali Ziri.
Organisé par les collectifs Urgence notre police assassine, Vérité et justice et Brigade anti-négrophobie, le rassemblement était d’abord solennel.
Des centaines de personnes choquées, tristes, en colère.
Elles viennent de tous les bords, de toutes les franges : zadistes, hippies, communistes de la première heure, lascars, jeunes, vieux de la vieille, blancs, noirs, arabes, asiatiques unis par une même rage, la rage de ce qu’ils considèrent comme une injustice : la relaxe définitive de Sébastien Gaillemin et Stéphanie Klein, les deux policiers mis en cause dans la mort de Zyed et Bouna. Les collectifs sont d’ailleurs là pour leur montrer, leur dire à eux et à Muhittin Altun (l’unique rescapé du drame de Clichy-sous-Bois), que ceux qui sont là ne sont : « Pas dupes de ce procès qui ne devait pas être celui de la police mais qui l’a été et qui nous a fait preuve de son impunité et d’une justice complice ».
Les prises de paroles commencent. Témoignages sur les violences et les bavures policières, l’impunité et l’injustice qui « créent des monstres ». Rappel du déroulé de la course poursuite qui a conduit à la mort de Zyed et Bouna et du procès puis discours enflammé sur le néo-colonialisme de la France à la manière des prêcheurs américains par Franco, le leader de la Brigade.
Chaque phrase forte est marquée par les applaudissements et les «Zyed, Bouna, on oublie pas !», «Pas de paix, pas de justice !» et «Police partout, justice nulle part !» ,repris par la foule. Le temps est encore au recueillement ou à l’indignation, mais pas à la violence.
La pluie ne tarde pas et avec elle le vent se lève, dans tous les sens.
Sous le porche du Palais de Justice, la tension monte d’un cran aux cris de : «Police assassin, État raciste !».
Les CRS observent de l’intérieur, juste derrière les baies vitrées. Ils ne tardent pas à sortir après que des torches à main ont été allumées et que certains frappent sur les carreaux. Les journalistes sont partis. Après une trentaine de minutes à se jauger, regards en chien de faïence et provocations, les CRS s’énervent alors qu’ils tentent d’effectuer des contrôles sous les protestations.
Ils repoussent violemment le petit groupe qui s’est amassé, sortent les matraques et frappent les personnes les plus proches, même celles qui sont tombées. Un autre asperge des jeunes avec sa lacrymo. Tout le monde est parqué, entassé sur le pont qui passe au dessus de l’avenue Paul Vaillant Couturier. Les gens s’éparpillent, continuent de chanter dans la rue. Peu après 21h les cars de CRS s’en vont, certains restent encore à pied pour encadrer le palais, en riant des évènements…