Dans la conversation entre Mouloud Achour et Barry Jenkins, de nombreuses références parfois cryptiques sont évoquées : cinéma français et américain, musique, projets avortés... Voici cinq infos si vous voulez en savoir plus.
Menace II Society, l’autre regard sur la jeunesse afro-américaine
Sorti en 1993, ce brûlot réalisé par les frères Hughes est instantanément devenu un film culte, qui a traumatisé une génération entière. Menace II Society raconte la lente descente aux enfers de deux jeunes afro-américains dans un Los Angeles ravagé par les émeutes raciales post-Rodney King. Avec sa violence crue, sa bande-son gangsta rap et ses répliques cultes (ce long métrage est souvent crédité pour avoir, malheureusement, répandu l’emploi du mot « n**** » en France), Menace II Society devient la représentation officielle et désespérée d’une certaine réalité des ghettos américains. Vingt-trois ans plus tard, Barry Jenkins veut, avec Moonlight, présenter un regard complémentaire sur la terrible condition des afro-américains. Le réalisateur se déclare d’ailleurs grand admirateur du film des frères Hughes.
Le morceau « Cell Therapy » de Goodie Mob, pivot musical de Moonlight
Sorti en 1995, ce titre culte est le premier single de Goodie Mob ; c’est également leur seul morceau à s’être classé dans le Billboard top-40, le hit parade américain. Belle performance pour un morceau très sombre qui parle de… paranoïa et de complotisme. Et si vous ne connaissiez pas le groupe, il y a des chances que l’interprète du second couplet vous dise quelque chose : il s’agit de Cee-Lo, qui fondera plus tard le duo Gnarls Barkley et signera le tube mondial « Crazy« .
Goodie Mob fait partie du collectif Dungeon Family, crew mythique d’Atlanta qui incluait entre autres OutKast et les producteurs Organized Noize (qui ont justement produit « Cell Therapy », et auquel un récent documentaire vient d’être consacré). Leur premier album, dont est extrait ce titre, est considéré comme un classique ayant contribué à l’éclosion du rap du sud. Le style ? Des influences funk, des basses ronflantes, un tempo lent et des textes où se mêlent revendications sociales et éloge du lifestyle du sud.
Pour le plaisir, on en profite pour partager avec vous « Just the Way (players play) » du chanteur de R&B Alfonzo Hunter. Ce classique absolu, très affectionné des membres de notre rédaction, est inspiré du morceau de Goodie Mob.
Alfonzo Hunter – Just the Way par Thug
Le projet fou autour de Stevie Wonder
Après son premier long métrage Medicine for Melancholy, Barry Jenkins a signé un contrat avec la société de production Focus Features, qui lui a proposé de développer les projets de son choix. Il s’est alors tourné vers un scénario fou de voyage dans le temps qui transporterait un personnage joué par Solange Knowles (!) en 1972 pour rencontrer Stevie Wonder. Le film inclurait également un personnage inspiré du rappeur/beatmaker Madlib. Étrangement, le projet a été abandonné au bout de deux ans de développement… mais on garde bon espoir de le voir resurgir un jour ou l’autre.
#PassionClaireDenis
Pour la sortie de son dernier film dramatique Les Salauds, le journal Le Monde titrait : « Claire Denis ne fait rien pour se faire aimer ». Pourtant, elle a frappé en plein cœur le réalisateur Barry Jenkins. Si la cinéaste est née à Paris, c’est au Cameroun qu’elle passe la majeure partie de son enfance. De retour en France, à l’âge de 14 ans, elle se retrouve face à son pays d’origine qui lui semble pourtant étranger. C’est certainement la raison pour laquelle le thème du déracinement est manifeste dans tous ses films. Que ce soit dans Les Salauds où un commandant doit abandonner son navire ou dans White Material qui raconte le dilemme d’une femme qui refuse de quitter sa plantation de café malgré une guerre civile, Claire Denis réussit toujours à exploiter cette thématique tout en poésie et en finesse.
Jenkins se déclare tout particulièrement fan de Chocolat, Vendredi soir et Beau travail, dont vous trouverez la bande-annonce ci-dessous. Pour aller plus loin, la chaîne YouTube de l’European Graduate School contient une collection impressionnante de conférences de la réalisatrice, consultable ici, sur des sujets aussi variés que la narration, l’écriture ou encore la construction du de l’identité, de la nationalité et du genre.
Les remixes Chopped and screwed
Créé à Houston par DJ Screw dans les années 90, le chopped and screwed est un style de remix qui consiste (pour simplifier) à ralentir des morceaux de rap et à les hâcher. Le résultat ? Des musiques aux ambiances vaporeuses et planantes, souvent associées aux effets que procure la consommation abusive de… sirop pour la toux. En effet, les habitants de la région ont remarqué que ce médicament bourré de codéine se mariait très bien au soda et les mettait dans des états seconds. Si ce cocktail est devenu très populaire, il n’en n’est pas moins mortel : DJ Screw est décédé en 2000 d’une overdose de sa consommation, tout comme le rappeur Pimp C et, vraisemblablement, A$AP Yams, fondateur du crew d’A$AP Rocky, qui aurait succombé à une apnée du sommeil liée à cette boisson.
Pour l’anecdote, Mouloud Achour a une bonne raison d’y faire allusion : il avait une grippe lors de cette conversation avec Barry Jenkins, et son traitement incluait du sirop pour la toux…
Pour le plaisir, voici le remix de Solange évoqué par Jenkins, et le remix de Notorious B.I.G par DJ Screw que nous avons utilisé en générique de fin.
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Image à la une : Barry Jenkins par le photographe Daniel Bergeron