Numéro 1 de l’industrie musicale mondiale, le fondateur de Spotify revient sur sa carrière précoce, la rémunération des artistes, les faux streams et aussi les ambitions de la plateforme.
Route vers la reconnaissance et déception
Je n’aime pas être admiré. Si je pouvais juste travailler avec mon équipe et que personne ne savait qui je suis, je serais bien plus heureux.
D’une nature discrète et préférant habituellement rester en marge des médias, Daniel Ek était sur le plateau de Clique pour se livrer à Mouloud Achour dans un entretien exceptionnel.
Si Spotify est entré en bourse à New York en 2018, le suédois s’est plongé dans le milieu des affaires dès l’âge de 14 ans avec une première entreprise portée sur la création de sites Internet. Face à l’engouement de ses clients et une fiche de paie dépassant de loin celles de ses deux parents réunis, Daniel Ek prend deux ans plus tard le chemin vers Google. Pourtant, la firme n’a pas su voir en l’adolescent son véritable potentiel. Il se souvient que “lorsque Google m’a refusé, j’étais très déçu. J’ai décidé de créer mon propre moteur de recherche, car ça ne pouvait pas être si dur. C’est ce que j’ai fait. Et en fait, ça a été très dur. Ce fut un échec. Mais ça m’a tellement appris. Donc, je suis d’avis que tant qu’on essaie, on apprend. Et cet apprentissage a créé ce cycle qui vous permet de trouver autre chose que vous pouvez faire.”
Daniel Ek, PDG de Spotify, raconte à Mouloud Achour la fois où il s'est fait recaler de Google dans un Clique X exceptionnel avec "l'homme le plus puissant de la musique" (dispo sur myCANAL). pic.twitter.com/eoKs9jMZLh
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Pas encore adulte, l’entrepreneur a déjà un moral d’acier et une ambition débordante. Il continue sa course et, à 23 ans, après avoir vendu l’un de ses programmes, il devient millionnaire. Tout va très vite, il découvre la jet set, la vie d’excès, de grosses voitures, de grosses maisons et de grosses soirées avant de perdre pied et de tomber en dépression. Des années plus tard, Daniel Ek a une vision plus lucide sur qui il était, ses désirs et ses erreurs : “D’une certaine façon, j’ai cru que mon but dans la vie était de gagner plein d’argent, de bien réussir. J’ai cru qu’en ayant du succès, je deviendrais peut-être populaire. (…) Et après avoir goûté à tout ça, je me suis rendu compte que c’était une vie creuse, qui ne me ressemblait pas. Ce que j’ai fait, ce n’était pas pour l’argent, même si je l’ai parfois cru. C’était avant tout par passion.”
Aujourd’hui il sait comment trouver son équilibre et ce qui lui plaît dans ce milieu. Pour lui, c’est surtout une affaire de création et d’émulsion intellectuelle avec ses collègues. La célébrité, c’est une contrainte et non pas un objectif de vie. Il l’affirme : “Je n’aime pas être admiré. Si je pouvais juste travailler avec mon équipe et que personne ne savait qui je suis, je serais bien plus heureux. La célébrité n’est pas une chose qui m’attire. Je me fiche un peu que les gens soient célèbres. Et ce que je dis souvent aux gens qui deviennent mes amis, que ce soient des artistes ou des chefs d’entreprise, s’ils sont très célèbres, je leur dis : ‘Je t’aime bien, en dépit du fait que tu sois célèbre, pas pour ça’. La célébrité ne m’attire pas.”
Spotify, le début d’une nouvelle ère musicale
« On a changé la culture et la consommation. »
L’idée de créer Spotify intervient à cette époque. Après son overdose de célébrité et d’excès, il tombe en dépression et décide de se réfugier dans une cabane en bois pour se reposer et se recentrer. Là, émerge le concept qui deviendra ensuite la plus grosse plateforme de streaming mondial plusieurs années plus tard. “D’une certaine façon, on a changé la culture et la consommation. Mais pas autant qu’on le pense. On n’a pas décidé de rendre le hip-hop populaire ou de faire ceci ou cela. Notre boulot, c’est de refléter la culture. J’adore le fait qu’on soit différents, qu’il y ait de la musique africaine, qu’il y ait de la musique arabe, du hip-hop. J’adore le fait qu’il y ait du punk au Myanmar. Dans la façon dont on reflète la culture, c’est d’avoir rendu la musique plus accessible pour les gens. Puis on l’a rendue disponible partout”, considère l’entrepreneur suédois.
« Les gens se demandent quel est le tarif par stream. Mais on ne rémunère pas comme ça. »
Spotify a apporté une révolution dans notre écoute de la musique et nombreux sont les artistes qui tentent de se lancer dans l’aventure. “Si tu crées quelque chose que beaucoup de gens veulent écouter, tu gagnes beaucoup d’argent. C’est très simple. Les gens se demandent quel est le tarif par stream. Mais on ne rémunère pas comme ça” explique Daniel Ek avant de continuer : “Notre modèle fonctionne comme ceci : chaque mois, on a une certaine quantité de revenus qui rentrent. Spotify engrange environ un milliard d’euros par mois. Près de 70 % de ce montant va dans ce pool. Et sur ce pool, en fonction du succès qu’il a eu ce mois-là par rapport à tous les autres artistes, l’artiste aura un certain pourcentage. Ça fonctionne comme ça. Si vous êtes un artiste très populaire et que vous comptabilisez 1 % de tous les streams ce mois-là, vous touchez 1 % de ces 70 %, ou de ces 700 millions d’euros.”
"Spotify ne paie pas par stream."
Le PDG de Spotify, Daniel Ek, dévoile comment la plateforme rémunère les artistes dans un Clique x dispo en intégralité sur myCANAL (lien en bio). pic.twitter.com/luTY0bfmXa
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Si la plateforme ne parvient pas encore à être bénéficiaire malgré son succès, de nombreux escrocs ont trouvé comment se faire une place entre fausses promesses et faux streams. Selon le PDG, “on est confronté à deux types d’escroqueries. Dans le premier cas, ce n’est pas le fait intentionnel des artistes. Ce sont des escrocs qui disent qu’ils vont les mettre sur des playlists et les faire cartonner. Souvent, ce n’est pas vrai, mais ils vous prennent votre argent. Puis on a les gens qui essaient activement et de façon industrialisée, pour des tas de raisons… Ils essaient d’empocher de l’argent revenant à des artistes légitimes. Ces deux pratiques sont interdites par notre politique.”
"Les artistes qui trichent ont recours à des techniques de plus en plus sophistiquées."
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Déjà à 4 ans, Daniel Ek reçoit une guitare à son anniversaire et un an plus tard ses parents lui offrent un ordinateur Commodore VIC-20. De ses deux obsessions précoces, l’entrepreneur a gardé le désir d’authenticité et de se rapprocher de l’essence même de la musique : le partage d’un talent unique à un public qui l’attendait sans le savoir encore.
Pour le PDG, “Spotify s’adresse aux gens qui veulent en faire leur métier. Il y a des gens, et pas seulement dans la musique, qui ont un talent qui est un don de Dieu. Ce sont des individus uniques. Quand vous entendez des chanteurs qui vous émeuvent profondément, ce sont les personnes que nous voulons aider et avec lesquelles nous voulons travailler. Si vous êtes un individu lambda et que vous voulez partager une photo, c’est super, mais on ne travaille pas pour ces personnes-là. On bosse pour les vrais artistes.”
Alors sachez que selon le numéro 1 de l’industrie musicale lui-même, si vous comptez vous lancer, il y aura toujours une oreille pour vous écouter.
Clique x Daniel Ek disponible en version intégrale sur YouTube et myCANAL.