En agglomérant les vidéos les plus pointues du réseau social, des adeptes ont créé un nouveau mouvement esthétique. Mieux, il remet carrément en cause leur outil. Révolutionnaire ?
On connaissait le mashup, cette technique consistant à coller ensemble des morceaux de musique n’ayant a priori rien à voir les uns avec les autres, pour créer un nouveau son imparable. Dans les années 2000, elle a fait le bonheur des DJ dont les Belges de 2 Many DJ’s, devenus la référence mondiale du genre.
Sur TikTok, c’est un autre genre de mashup qui fait parler de lui, le #corecore, aussi appelé #nichecore. Si vous n’y avez pas déjà succombé, il faut décomposer cette nouvelle tendance pour comprendre sa viralité et son impact. Un prof de français dirait que le mot « core » est un suffixe qu’on peut ajouter sur n’importe quel autre mot pour dire qu’on est accro « hardcore » à cette chose.
Autrement dit, si tu es obsédé par les sorcières et que tu publies des vidéos sur les copines d’Harry Potter, tu pourrais les taguer #witchcore et si tu préfères les vidéos de salles de gym, les filles des années 80 en lycra rose ou les mecs qui transpirent en salle, ce sera #coreworkout. Plus la passion est cheloue – il y a même du #cottagecore pour les accros à la campagne anglaise, plus le domaine est pointu, plus c’est #core. Jusque là, c’est simple comme bonjour.
Corecore is my favorite. This one is an all-timer. pic.twitter.com/e1mJh4CXMm
— hunter (@ghgoodreau) January 19, 2023
Trop de vidéos pointues tuent le pointu ?
Là où ça se complique, c’est que le #corecore correspond aux vidéos cumulant automatiquement des simples séquences de #core n’ayant rien à voir les unes avec les autres ou que des adeptes ont eux-même créées. Surtout que l’algorithme aspire tous les genres d’images : extraits de films, de séries, de clips, d’émissions télé, d’anime, de manga, mèmes… Et le résultat est loin d’être le grand n’importe quoi attendu. Au contraire, en juxtaposant ces très courts extraits vidéos, TikTok met tout au même niveau, prend de la hauteur et crée un discours sur lui-même. Avec quel effet ?
« C’est comme une sorte de baume pour les cerveaux cassés par TikTok. » (Kieran Press-Reynolds)
Critique hardcore(core)
En un mot, cela donne quasiment le vertige à ses utilisateurs, chacun réalise que toutes ses images, à l’origine soigneusement sélectionnées, finissent par se valoir, par perdre leur authenticité et leur intérêt. Bien aidé par le choix comme bande-son d’une musique douce, apaisante.
obsessed with corecore tiktok pic.twitter.com/3jhCV0OpEx
— ⭐️ (@DIGIC4M) January 26, 2023
Autrement dit, le #corecore développe une critique du réseau social, du geste consistant à poster des images et du fait de les regarder à longueur de journées et finit soit par apaiser ses adeptes soit par les déprimer. « La structure chaotique de ces clips capture parfaitement le sentiment de désarroi technologique et d’ennui que partagent plein de jeunes d’aujourd’hui, explique Kieran Press-Reynolds, un bloggeur qui a commencé à écrire sur le phénomène en novembre dernier. C’est comme une sorte de baume pour les cerveaux cassés par TikTok ».
Ça vous rappelle quelque chose ? Oui, quand on est descente après avoir pris une drogue. À ceux qui croiraient que ce phénomène ne concerne qu’une niche justement, il faut savoir que le hashtag #corecore cumule plus de… 600 millions de vidéos. Hardcore !
Crédit photo : Flickr Solen Feyissa