Après la mode de l’écriture des titres de chanson tout en minuscules, les grosses lettres débarquent à leur tour dans les charts sur les albums et les applis de streaming musical. Inutile de porter des lunettes, on tente de vous expliquer POURQUOI.
Ce n’est pas une erreur de frappe. De plus en plus d’artistes choisissent un nom de scène, un nom d’album ou de chanson qui s’écrit uniquement EN LETTRES CAPITALES. Il n’y a pas que les énormes artistes internationaux comme ROSALÍA voulant écraser la concurrence, on trouve également de sympathiques chanteurs français comme DISIZ, CHATON, COSMO ENVOIE DES TRACKS ou le vétéran MIKA, et même des Brésiliens comme ROGE, qui sacrifient à la mode. Et l’on ne parle pas des rappeurs qui depuis des lustres ont choisi des acronymes qui s’écrivent en majuscule des ancêtres NTM et IAM, à PLK ou le désormais tristement célèbre MHD, SCH etc… Quand Beyoncé a trouvé le moyen d’être encore plus visible
Alors qui a lancé la mode ? Une certaine Queen B apparemment, qui pour son album de 2008 I AM SASHA FIERCE avait tenté cette nouvelle technique de marketing mais en vain puisque l’album était alors loin d’avoir cartonné. Mais quand elle a publié RENAISSANCE l’année dernière, le triomphe des 16 titres de « BREAK MY SOUL » à « COZY » ayant tous opté pour les grandes lettres fut tel que le truc s’est répandu comme une traînée de poudre. Entre temps, Billie Eilish avait déjà frappé un grand coup en la matière avec son album WHEN WE FALL ASLEEP, WHERE DO WE GO ?. La Californienne a décidément un problème avec sa machine à écrire puisque chaque titre était alors écrit en lettres minuscules sans aucune majuscule et dont la première chanson n’était autre que « !!!!!!! ». Il est vrai que c’est de famille, puisque son frère et compositeur n’est autre que FINNEAS. Depuis, tout le monde s’y est mis notamment Travis Scott pour ses trois derniers albums dont le tout récent UTOPIA, Bad Bunny qui ne s’est pas remis de sa séance chez l’ophtalmo pour le disque YHLQMDLG, ROSALÍA avec l’incroyable MOTOMAMI ou encore Booba pour l’album ULTRA. La majuscule, meilleure arme du capitalisme visuel ?
Qu’on se rassure, il n’y a pas que les artistes qui se sont entichés des lettres majuscules, c’est le monde entier qui s’y met explique le graphiste néerlandais Ruben Pater dans son dernier ouvrage CAPS LOCK : How capitalism took hold of graphic design and how to escape from it. En un mot, il raconte comment le capitalisme est depuis sa naissance intrinsèquement lié au graphisme, des billets de banque aux logos des marques. Et recycle toutes les nouveautés permettant de mieux rendre visibles ses produits, culturels ou non. Au passage, il note qu’à ce titre le graphiste qui se vit volontiers comme un rebelle n’est qu’un des outils d’un système exploitant son savoir-faire. Ainsi, il n’est pas étonnant que les artistes, petits et grands, déjà connus ou non, de plus en plus pressurisés pour faire du chiffre se retrouvent à employer une technique vieille comme la propagande politique, celle qui consiste à écrire PLUS GROS QUE SES CONCURRENTS pour être sûr d’être repéré dans la jungle des services de streaming de musique.