Du haut de ses 21 ans, Claire Laffut pose en couverture des magazines, possède une marque de tatouages éphémères, vend ses toiles, joue dans des clips et travaille à travers le monde en tant que directrice artistique.
Qui es-tu Claire ?
Je m’appelle Claire Laffut, j’ai 21 ans et je suis une artiste belge. Je suis parfois peintre, directrice artistique, mannequin, chanteuse, actrice mais surtout créatrice de bijoux de peau éphémères.
De la jeune danseuse dans un village belge, tu es devenue créatrice de tatouages éphémères parisienne. Comment est-ce arrivé ?
Très jeune, j’ai commencé à prendre des cours de théâtre, de danse, de piano et surtout de dessin dans une petite académie de mon village en Belgique, à côté de Namur. Je passais tout mon temps à crayonner sur tout ce que je trouvais à l’école ou chez moi, mais je voulais être danseuse. Suite à une blessure, j’ai arrêté la danse tout en continuant le dessin.
À l’âge de 17 ans, mon père m’a demandé de lui dessiner un tatouage. Il voulait un personnage tiré de la bande dessinée belge « Thorgal ».
J’ai donc cherché des techniques pour lui faire essayer ce tatouage. J’ai découvert la décalcomanie, utilisée par la marque de chewing-gum Malabar. De fil en aiguille, j’ai commencé à dessiner des tatouages éphémères (très loin de l’univers des Vikings de Thorgal) pour mes amis et pour moi. À 18 ans, enfin, j’ai lancé ma marque LACLAIRE, qui englobe tous mes compétences, du tatouage à la direction artistique. Finalement, c’est un atelier de création. Depuis trois ans, je vends mes tatouages éphémères sur Internet et en Belgique, dans certaines boutiques.
Comment as-tu réussi à te faire connaître ?
Grâce au mannequinat et aux réseaux sociaux. Je n’aime pas du tout ce travail de mannequin, mais cela m’a énormément servi pour rencontrer du monde, voyager et avoir des photos à poster sur Internet. Je crois que les premières personnes qui m’ont suivie sur Facebook ou Instagram ont d’abord été attirées par mon visage. J’utilisais ces photos comme plateforme d’exposition où je me mettais moi-même en scène, avec mes tatouages. C’est un outil de communication avec lequel je réussi à avoir beaucoup de visibilité aujourd’hui. Je fais très attention à ce que j’y poste. D’ailleurs, si je n’avais pas Facebook, je n’aurais pas de boulot !
Photographie © Robin Lempire
Ton travail dans la mode inspire-t-il tes créations ?
Parfois les deux mondes se confondent, comme lorsque je collabore avec la marque Alexander Wang ou Chloé, dont j’ai fait la dernière campagne. Je leur dessine des tatouages pour des évènements particuliers ou des lancements de produits. Ce qui m’inspire réellement, ce n’est pas la mode, mais le processus de création qu’il y a autour.
Mon art est très personnel, je le lie beaucoup à mes expériences. Il repose essentiellement sur l’étude des émotions : ce sont des moments de vie posés sur la matière.
Par exemple, en peinture, mon triptyque appelé « Me to you » s’inspire de mes histoires d’amour. Pour ce qui est des lignes que l’ont retrouve très fréquemment dans mon travail, il s’agit de veines. Je suis fascinée par celles du corps mais aussi par celles des matières, comme sur le bois ou le marbre. La première fois que c’est devenu une obsession, c’est lorsque j’ai eu un œil au beurre noir. Les étapes de rétablissement du corps m’ont fascinée, notamment lorsque les veines sortaient.
Quelles sont les inspirations de tes 3 collections de tatouages ?
Encore une fois, elles viennent de mon vécu. Quand je suis arrivée à Paris, j’ai travaillé en tant que scénographe dans une galerie d’art qui faisait de l’archéologie romaine et égyptienne. Je trouvais ces arts sacrés, forts, grâce aux mythes et légendes qui les inspirent. Le tatouage « old school », comme ceux sur le torse de mon frère Corentin et la technique du pointillisme, pour les ombres, m’inspirent aussi beaucoup.
As-tu déjà voulu être tatoueuse ?
Même si j’ai beaucoup de demandes, mon trait est très fin et mes tatouages ne peuvent pas être reproduits pour de vrai sur la peau. D’ailleurs, les tatoueurs n’aiment pas ce que je fais, car les clients viennent avec mes dessins et demandent des reproductions. Le tatouage a quelque chose de sacré, les tatoueurs sont des artistes. C’est un art que je respecte beaucoup. Mes dessins ne sont que des bijoux de peau, rien de plus. Je ferai peut-être ce métier un jour, mais ce n’est pas prévu pour le moment.
La peinture, le dessin, la scénographie, la direction artistique… d’où te viennent ces envies de création ?
Je crois que la création relève d’un processus : une fois trouvé, tu peux l’insérer dans tout ce que tu fais.
Depuis que je suis petite, je vois mon père récupérer de vieux bâtiments et les rénover, de la structure à la décoration qu’il chine avec soin. Ma maman, qui est coiffeuse, était très protectrice avec mes frères, mais son rapport à moi était différent. Elle voulait que je sois plus débrouillarde qu’eux. J’ai grandi dans un univers où la fibre artistique est présente dans le style de vie. Aujourd’hui je suis très fière de ma marque, c’est mon bébé, je l’ai créé sans aucune aide.
Aujourd’hui, tu te tournes vers le théâtre. Qu’est-ce qui t’attire dans ce domaine ?
J’ai toujours adoré jouer des personnages. Il m’arrive de m’habiller presque en religieuse et de recouvrir mon cou avec mes tatouages, alors que je n’ai pas un seul vrai tatouage sur le corps. Les personnes que je croise dans la rue sont choquées, ça me fait vraiment rire. Mais mon rêve ultime reste le cinéma. Aujourd’hui, je suis dans une école de théâtre et je commence tout juste les castings grâce à l’agence dans laquelle je viens de signer. J’ai notamment joué dans quelques courts-métrages, et dans des clips, comme celui de Keren Ann ou dans celui du rappeur Kekra qui sortira prochainement.
Si ce n’est le cinéma, as-tu d’autres projets ?
J’ai récemment commencé à chanter. Mon copain Dylan Ezekiel Nelson est musicien. Il m’a entrainé à poser ma voix sur le titre Bleeding Soul, une création de L’Inlassable Music, le label de son groupe. J’ai adoré ça, mais j’avoue ne pas trop assumer. Pour ce qui est de la prochaine série de tatouages j’aimerais collaborer avec d’autres artistes, comme Jean André, un autre dessinateur. Je souhaite sortir des sentiers battus. Tout en gardant un œil sur les collections, je voudrais ouvrir ma marque à d’autres artistes.
Photographie à la Une © Romann Warren Sebag
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