C'est l'un des derniers-nés du rap français. Aladin/Adrien a 19 ans. Il a grandi avec le rap des années 2000, Sinik, Tandem, LIM, Booba. Surtout Sinik, et ça se ressent - dans le flow, dans l'imaginaire, dans les quelques instrus au violon. Tout cela donne un rap qui se veut mi-conscient, mi-hardcore, mais il ne veut pas être cantonné à un style, à une seule catégorie de rap. Son premier EP, "À peine majeur", est sorti fin octobre : c'est l'occasion d'en savoir un peu plus sur lui.
Qui es-tu ?
Je suis Aladin 135, un jeune rappeur parisien du groupe Panama Bende, qui a été créé il y a un an et demi. Se retrouver à 7 en studio c’est pas mal de contraintes, du coup tout seul j’ai plus de notoriété que le groupe, mais on est un tout. J’ai commencé à balancer des sons sur Internet il y a deux ans. Ça a pris de l’ampleur rapidement, ma musique a été super bien relayée. Nekfeu et Alpha Wann (du groupe 1995, NDLR) ont été cool. On les côtoyait au studio, dans différents événements rap. Ils sont plus âgés que nous, ils nous poussent un peu, même si on est assez différents. Je viens d’avoir 19 ans, j’ai eu mon bac l’année dernière. Peut-être que je reprendrai plus tard, là je me lance à fond dans la musique et mes ambitions n’ont pas de limites.
Tu n’as pas peur que ça aille trop vite ?
J’ai pas changé mon quotidien en fonction du succès que je peux avoir. J’ai toujours le même état d’esprit, je fais la musique que j’aime, au moment où je veux, j’écris pareil. J’ai une certaine liberté, qui est super importante pour moi. J’ai toujours suivi ce que je voulais faire et c’est ça que les gens aiment, je pense. Et je vis au jour le jour. Peut-être qu’un moment je n’aurai plus d’inspiration. Là, en ce moment j’en ai tellement… Autant profiter, tout donner.
On t’a souvent comparé au rappeur Georgio. Qu’est-ce que tu en penses ?
On me compare de moins en en moins à Georgio. J’ai une voix aiguë, et des instrus mélancoliques, à l’ancienne. Dès que deux artistes d’une même génération, avec des critères similaires dans les choix artistiques arrivent en même temps, on les compare. C’est normal, mais bon. On fait partie de la même vague mais ce n’est pas pour autant que l’un copie l’autre.
Ta mixtape s’appelle « À peine majeur ». Tu revendiques ton jeune âge ?
La page est en train de se tourner. Je suis fier de ce que j’ai fait à mon âge, et maintenant je vais passer à autre chose, mon âge n’est plus une « excuse » entre guillemets. L’EP, c’est derrière moi maintenant. Toute chose a son temps, maintenant je vais avancer. Et l’âge c’est pas le plus important, je veux être un rappeur, peu importe mon âge. Hier on a reçu trois prods d’un jeune… C’était bien. On était brusqués !
Comme Busta Flex tu dis « puff puff », tu rappes aussi sur des prods d’Ill Bill. Tu as un petit côté « old school », non ?
Plus underground je dirais, plutôt qu’old school. C’est mon côté freestyler. Avant, je freestylais un peu partout dans Paris. Plus maintenant, mais je suis attaché à cette notion, à l’idée de pouvoir rapper sur tout type d’instru. La différence entre un freestyleur et un rappeur, c’est qu’un freestyleur peut rapper n’importe quand, n’importe où, il va performer en une seule prise. Un rappeur, c’est un mec qui s’est créé une musique, une mélodie. Moi, je suis les deux. Je fais aussi très attention à l’interprétation. Je peux avoir un texte super, mais si je l’interprète mal ça ne servira à rien.
Tu as tout sorti sur Internet, tu voudrais sortir un CD, avoir ta musique sur un support matériel ?
Le digital, c’est une étape, l’EP est dispo sur iTunes entre autres. D’ailleurs, je vais même revenir avec du gratuit, je ne l’avais pas encore dit, c’est une exclu Clique ça ! (rires). J’ai déjà commencé à bosser dessus. J’aimerais sortir un disque mais sans brûler les étapes, ça ne sert à rien d’investir si pour l’instant c’est sur Internet que ça se passe. Enfin presque. Sur Internet ce sont les jeunes qui envoient des messages, qui relaient, qui retweetent mais mon public est parfois plus âgé, je vois vraiment de tout. Il y a pas mal de filles aussi.
En parlant des filles, tu as souvent des mots assez durs à leur encontre. Pourquoi ?
On évoque nos vies, ce qu’on peut ressentir. À quel mec de 18 ans ce genre de phrase n’a jamais traversé l’esprit ? Tu sais, on dit qu’on va faire ci, ça… Et puis j’en parle bien aussi, genre « J’ai 18 piges j’ai pas l’temps d’traîner avec la hype. lls veulent de moi, mais j’suis difficile j’préfère chiller avec ma wife ». L’atmosphère musicale t’amène à tout abuser, parfois t’es tellement ambiancé par la musique que tu as envie de dire tout et n’importe quoi.
Quand Gainsbourg disait des folies dans ses sons on disait rien, maintenant, quand c’est nous, on dit « la jeunesse va mal ». Ça reste de la musique… C’est que de la musique. 3 minutes 30 de bons moments. Sinon on n’a qu’à écouter les conférenciers.
Photos – Guillaume Durand