Gérard de Nerval ne l'aurait pas renié - Ateph Elidja est le "soleil noir" du label Bromance. En trois morceaux depuis son entrée sur le label, il est déjà en orbite : le site prescripteur américain Pigeons and Planes vient de le pointer comme l'un des dix meilleurs producteurs français de 2014. Rencontre, accompagnée de la photographe Gabrielle Malewski.
Qui est Ateph Elidja ?
Je suis un compositeur-producteur. Je ne rejette pas l’étiquette de DJ, parce que c’est mon gagne-pain aujourd’hui, je mixe en club, en concert et je fais du live avec ma propre musique. Mais au départ, je suis plus un mec du studio qu’un DJ. Je me considère un petit peu comme un artisan, quelqu’un qui contrôle les machines.
Tu as toujours fait de la musique ?
J’ai commencé par la danse. À 8-9 ans, je faisais du modern jazz et du new style, puis j’ai arrêté tout ça à l’âge de 18 ans. Pendant ce temps, à l’âge de 11 ans, mon frère m’a offert une boîte à rythmes. Il mixait un peu lui, mais il était plus dans les vinyles. Il m’a amené dans un festival techno. Là-bas, j’ai vu plein de petits boutons qui s’allumaient… Je me suis dit : « ça, c’est fait pour moi » (rires). Je fais de la musique assez expérimentale qui peut varier entre la techno et le hip hop. Aujourd’hui, ça n’a pas vraiment de nom.
Ça vient d’où, cet intérêt pour le hip hop ?
J’ai commencé à écouter du hip hop à cause de mes frères. Je dis bien « à cause ». Moi j’étais plutôt Nirvana, Chemical Brothers, Daft Punk… J’ai été heureusement bercé par Gainsbourg. Björk aussi. Mon père me faisait écouter des chansons marocaines. Tu sais ce genre de musique berbère où tu entends dans leur voix leur tristesse profonde. Sur mes premières machines, j’ai commencé à faire de la musique électronique, mais par la suite j’ai fait du hip hop, simplement parce que c’est ce que j’écoutais tous les jours.
Comment es-tu revenu à la techno ?
J’ai toujours fait des sons techno en parallèle, mais c’est vraiment revenu avec la découverte de pas mal de labels anglais, berlinois comme BPitch Control, et français comme Ed Banger. Je trouvais qu’ils avaient un truc ultra hip hop. Je me suis dit, pourquoi pas le faire, utiliser ces sonorités de la techno, très minimales ou maximales, et en faire du son hip hop ? La maximale c’est ce qui est arrivé en 2007 avec des artistes comme SebastiAn. Je suis venu à Paris en 2007 pour faire de la musique, mais j’étais un peu immature. Je ne savais pas où je voulais aller artistiquement. Je faisais des sons expérimentaux, on me disait « mec t’es fou c’est des sons que personne peut écouter ».
Depuis, il y a eu Bromance. Comment s’est passée ta rencontre avec le label ?
Il y a eu du chemin, énormément. J’ai d’abord sorti un album en autoprod’, au nom de Rhaft, très samplé. Mon label s’appelait ArtJacking. Puis je suis parti à New York, deux fois. J’ai pris du recul sur ce qui se passait en France musicalement, et je suis tombé sur le Bromance n°1… et là j’ai pris une claque. Je me suis reconnu dans l’image très sombre. J’ai contacté Louis (Brodinski, NDLR) par mail, je lui ai envoyé des sons tous les jours pendant un mois, et au bout d’un moment ça a marché. Ça va faire un an tout pile.
Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Beaucoup de choses… J’ai pas mal partagé de dates avec les mecs du label. Artistiquement, j’ai pas mal évolué à côtoyer Mike (Gesaffelstein), les mecs du Club Cheval et Louis. Je termine mon EP, qui est prévu pour mars 2015. Je veux arriver avec un projet qui va plus surprendre qu’autre chose, qui va être dans la lignée de ce que je joue sur scène.
Pigeons & Planes vient de te nommer comme l’un des producteurs les plus doués de 2014. Verdict ?
Je ne m’y attendais pas, je suis très content de faire partie de ce classement. Je suis content que ça vienne d’un mag US. Et surtout, je suis heureux de partager ça avec trois membres du label Bromance.
Le dernier morceau d’Ateph, 8TRAUMA, est à retrouver sur Homieland, la première compilation du label Bromance.
Photos © Gabrielle Malewski