Dans les années 90, Malmö, minée par la crise industrielle, se faisait ville-fantôme. Richard Orange, journaliste au Guardian, explique comment les migrants et réfugiés venus du Moyen-Orient ragaillardissent la zone. Et les pois chiches n'y sont pas pour rien.
En Syrie, il était homme d’affaires. Il exportait des serviettes en papier à travers tout le monde arabe. A Malmö, Fisal Abo Karaa a ouvert son restaurant syrien, un an à peine après que sa traversée vers l’Europe et la guerre civile lui ont coûté une grande partie de sa fortune. Ses associés et lui auraient investi autour de 535 000 euros pour transformer un vieux Pizza Hut en un restaurant typique, réplique d’une maison damascène. Alors qu’en Syrie, rien ne s’arrange (et qu’en ce moment, la chute vertigineuse de la monnaie syrienne s’ajoute à la guerre civile), nombreux sont les businessmen qui choisissent de placer leur argent dans les mains de leurs compatriotes en exil.
Si l’affluence des Syriens à Malmö connaît une nouvelle vague depuis le début de la guerre en 2011, la mécanique, elle, ne date pas d’hier. Dans un reportage, Richard Orange, journaliste au Guardian, explique comment depuis plus de 20 ans, les migrants et les réfugiés venus du Moyen-Orient revitalisent la troisième ville de Suède, un temps minée par son déclin économique. Alors qu’au début des années 90, Malmö licenciait à tours de bras, prise à la gorge par la fermeture des chantiers navals, ils continuaient d’affluer, principalement d’Irak. Et si le bilan de leur intégration n’est ni homogène, ni tout rose, ensemble, ils ont transformé la ville.
> Lire le reportage (en anglais) sur le site du Guardian.
Grâce à un fond d’investissement public destiné aux immigrés, nombre d’entre eux ont pu financer des projets divers, qui vont du cabinet dentaire à la livraison de chicha à domicile. Mais le business qui a rencontré le plus de succès à travers les décennies, relève le Guardian, est sans conteste celui du falafel. À tel point que ces croquettes de pois chiches venues d’Orient sont devenues partie intégrante du patrimoine de Malmö – et aussi populaires (si ce n’est plus) que les kötbullar, les boulettes de viandes, grand classique du repas suédois. Pendant plusieurs années, un blog local appartenant à un journal du sud, le « Falafelbloggen » – (« le blog du Falafel ») s’est même consacré à la couverture de ce sujet.
Le succès des premiers restaurants orientaux a mené ces derniers à se démultiplier (au-delà du goût, Munchies l’explique par le faible coût du falafel : en 1995, un sandwich revenait trois fois moins cher qu’un Big Mac). Aujourd’hui, la ville compte plus de 50 restaurants de ce type. Depuis janvier dernier, quatre nouvelles enseignes ont déjà ouvert, toutes tenues par des Syriens. Un Irakien, interrogé par le Guardian, remarque que ces nouveaux venus sont animés, encore plus que lui en son temps, par la volonté de s’en sortir. Syrienne, elle aussi propriétaire d’un restaurant, Sabah Akkou explique ainsi cette ambition sans bornes : « Vous l’aurez remarqué, les Syriens sont très différents des autres nationalités, parce qu’on aime travailler. On n’aime pas demander de l’argent à l’État ».
Photographie à la Une © Malin Palm. The Observer/The Guardian