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Ancien enquêteur à la police technique et scientifique, Gilles Reix a été témoin des plus grands drames des dernières décennies. Dans Clique, il évoque son travail lors des attentats de 2015 en France, le rôle de la police scientifique après des catastrophes d’ampleur et la discipline mentale nécessaire pour tenir le coup.
Quand le crime dépasse la norme
Gilles Reix décrit son métier avec une précision machinale. Le rôle d’un technicien de scène de crime ? “Délimiter les lieux, marquer les traces et les indices, photographier, prélever, analyser puis rendre compte.” Une telle mission laisse peu de place aux émotions : il faut tenir le choc. “Voir des morts n’a rien d’anodin. Ça laisse une empreinte, il faut l’empêcher de devenir une cicatrice. Alors on se met dans l’action, on applique les protocoles pour garder une distance avec ce qu’on voit.”
Même pour les éléments les plus expérimentés, certains crimes dépassent l’entendement. 5 ans avant sa retraite, Gilles Reix est dépêché sur les lieux de l’attentat de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. C’est le début de l’année la plus éprouvante de sa carrière. “On pensait savoir à quoi s’attendre, on avait l’habitude des scènes de crime, mais là, c’était une scène de massacre.” Une journée pareille ne se termine jamais vraiment. “On rentre tard dans la nuit, on est bouleversé par ce qu’on a vu et on se demande si on a oublié un détail. Si on dort, on dort mal. Le matin suivant, il faut enchaîner.” La même semaine, il découvre l’horreur de l’Hyper Cacher. “On s’est dit que ça n’allait jamais finir.”
Le 13 novembre 2015, la capitale est frappée à nouveau. Gilles Reix n’est pas appelé sur les lieux du Bataclan, il intervient plus tard : “on nous a apporté un fichier audio, un technicien avait enregistré le son du concert. Il s’est enfui mais l’enregistrement a continué. Il a fallu écouter et minuter tout ce qui s’est passé, même compter les coups de feu.” S’il a acquis une grande maîtrise de ses émotions, il admet que cette expérience le hante encore.
Gilles Reix est l'invité de Clique, ce soir en première diffusion exclusivement pour les abonnés CANAL+.
L’ancien membre de la police scientifique décrypte les plus grandes affaires de notre époque. pic.twitter.com/i4tDj6SAvI
— CLIQUE (@cliquetv) April 9, 2025
Au plus près de la catastrophe
En parallèle de ses enquêtes criminelles, Gilles Reix a travaillé au sein d’une cellule d’identification des victimes de catastrophes. Il est envoyé en mars 2015 sur le site du crash de l’A320 de Germanwings, causé par le suicide du copilote. Ici, pas de chasse aux indices mais un travail minutieux d’inventaire. “Après un crash d’avion, on ne retrouve pas de corps entier. Il s’agit de retrouver des parties de corps pour constituer une banque de données ADN. Il y en avait près de 3000, ça a pris une semaine et demie.” Avec une difficulté ajoutée : la pression du public. “18 pays étaient concernés, les caméras du monde entier étaient braquées sur nous. La prairie d’à côté était recouverte de journalistes, tout le monde attendait. Les familles aussi.”
Dans le parcours de Gilles Reix, aucune catastrophe n’a égalé l’ampleur du tsunami de 2004 dans l’océan Indien. Le bilan estimé oscille entre 250 000 et 300 000 victimes. “On s’est relayés par équipes de 3 ou 4 pendant un an, pour le relevage des corps sur place et les autopsies. Au départ, chaque pays s’intéressait uniquement à ses ressortissants, c’était la foire d’empoigne.” Le drame aura au moins permis d’établir une méthodologie adaptée à des cas d’une telle amplitude. “Interpol a pris la situation en main et a fait signer des conventions aux États pour imposer un protocole. Après ça, tout le monde travaillait pour tout le monde.”
Comment tient-on le coup pendant plus de 30 ans en étant confronté à de tels évènements ? Pendant sa formation, Gilles Reix a appris à envisager sa charge émotionnelle comme une valise : “certains peuvent mettre la moitié de leur garde-robe dans leur valise en gardant de la place, d’autres ont plus de mal.” Les métiers au contact de la mort suivent le même principe. “Les morts s’additionnent, il faut les classer. Quand on manque de place et qu’on ne sait plus où ranger la suite, ça devient dangereux.” Il faut savoir arrêter. Malgré la pression, Gilles Reix a tenu et développé une nouvelle conception de la vie : “Elle est belle et fugace. Il faut avancer et partager un maximum de positivité.”
L’interview de Gilles Reix est disponible en intégralité sur myCANAL.