De grands rassemblements étaient prévus ce mercredi 9 mars pour protester contre la réforme du code du travail. À Paris, la manifestation partait de la place de la République. Clique y était, comme les élèves de quelques lycées franciliens.
Mercredi 9 mars, les principaux syndicats, professionnels et étudiants (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL et FIDL) appelaient à la mobilisation générale pour protester contre les mesures du gouvernement en matière de protection sociale. L’objet de la colère : la réforme du code du travail, entamée par la ministre Myriam El Khomri. Annoncée, puis reportée, la “loi travail” est au coeur du débat. À Paris, le gros rassemblement de la journée était à 14h, place de la République. Là ont convergé les différents cortèges, avant de se diriger place de la Nation. Ils étaient entre 27 000 et 29 000 manifestants dans la capitale, selon la préfecture de police. 100 000, selon la CGT.
En quelques jours, la mobilisation de travailleurs a pris une teinte de grève générale dans les médias. La participation des syndicats lycéens aux manifestations a soulevé les habituelles questions sur l’engagement des jeunes en politique, et leur récupération. Plutôt discrets, les lycéens sont bien là, avec leurs revendications, et une certaine crainte d’être utilisés.
Tout le monde a en mémoire, toujours vive, la mobilisation de 2006 contre le Contrat Première Embauche de Dominique de Villepin.
Comme si la puissance d’un mouvement de contestation se mesurait à sa capacité à toucher les plus jeunes. Le soutien de la jeunesse comme gage de crédibilité.
Place de la République, l’organisation est millimétrée. Chaque université, syndicat, a son carré, et le gros des manifestants semble appartenir à telle ou telle organisation. À première vue, pas de soulèvement populaire. Ceux qui sont dans la rue ont visiblement l’habitude d’y être. Les ballons de la CGT, de Lutte Ouvrière mangent le ciel déjà un peu couvert. Tout le monde a son autocollant. Il y a du monde, et le concours de pancartes atteint de beaux sommets. Quelques slogans versent dans le sexisme crasse.
Parsemés dans la foule, des plus petits cortèges, menés par des professeurs ou des étudiants plus âgés, concentrent certains élèves de lycées d’Île-de-France. La rengaine veut que les lycéens sortent dans la rue avant tout pour louper les cours. Pas si sûr. Parmi eux, Rose, 15 ans, étudie au lycée Hélène Boucher, à Paris. Son constat est sans appel.
“Je suis consciente qu’il peut y avoir de la manipulation derrière, mais autant dire non maintenant pour ne pas le regretter après” Rose, 15 ans, lycéenne à Paris.
Jeanne, son amie, acquiesce vivement. Le groupe de lycéens est alpagué par leur encadrant, il doit avancer. Rose explique sa mobilisation en marchant : elle a lu des tracts, mais essaie de ne “pas trop croire à tout”. Elle se politise par ses “discussions avec les adultes”. “Je m’intéresse beaucoup à la politique, et pour moi aujourd’hui c’est une vraie première action” explique la lycéenne. Si elle ne s’estime pas forcément encore assez “renseignée” elle conclut sincèrement : “Ça fait du bien de dire non de temps en temps”.
Les lycéens d’Hélène Boucher pendant la manifestation du 9 mars.
Les profils des lycéens présents lors du rassemblement sont divers. Il y a ceux comme Rose ou encore Anton, 16 ans, du lycée André Boulloche à Livry Gargan, qui n’ont pas d’engagement politique mais tiennent à signifier leur colère. Le jeune homme hausse les épaules : “ce genre de mobilisation peut effectivement être un réveil politique pour moi, comme pas du tout…”. Il y a aussi ces deux jeunes filles qui sautillent au rythme d’un slogan pour le moins unique : “Khomri ! Khomri ! On veut des filtres !”. Et puis il y a ceux qui sont déjà des habitués des combats, les jeunes vétérans. Plus engagés et depuis plus longtemps, comme la camarade d’Anton, Lilissa, 17 ans.
“On espère surtout que dans 10 ans, on n’aura plus à manifester” Lillisa, 17 ans, lycéenne à Livry-Gargan.
Il y a 10 ans, c’était le CPE, la colère jeune, et un début en politique pour certains. Lillissa cite l’adjoint au maire d’Anne Hidalgo, Bruno Julliard, sous le feux des projecteurs à l’époque. Elle même est encartée au NPA, et c’est loin d’être la première action à laquelle elle participe. “On essaie de ne pas se poser la question de la récupération politique, on a un message à faire passer, contre la précarité !” tonne-t-elle. La rue maintenant, pour ne pas y être dans 30 ans, comme le crie une affiche de l’UNEF, un peu plus loin.
Le cortège se met lentement en marche vers la place de la Nation vers 15h. Les étudiants, de Paris 8 et Paris 1, et plusieurs groupes de lycéens sont bien présents en tête. Sur la pancartes, la jeunesse fait beaucoup de choses, elle “emmerde la loi travail”, elle veut “rêver”, est “en colère”, et refuse d’être de “la chair à patron”. Les adolescents sont peut-être ici parce qu’on leur a indiqué comment y arriver. Mais le fait est qu’ils sont bien là. L’essentiel est d’être dehors aujourd’hui, dire non quitte à dire quelque chose, puisqu’on le leur demande. Pour le reste c’est comme pour tout : l’avenir le dira.