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Le Gros Journal

Le Gros Journal avec Alain Garrigou : « Nous aurons probablement un Président des sondages »

Ce soir dans le Gros Journal, c’est dans un bar PMU, là où tout le monde donne son opinion, que Mouloud Achour reçoit Alain Garrigou, directeur de l’Observatoire des sondages.  Omniprésents dans les primaires et la campagne présidentielle, quitte à « fabriquer » des candidats selon certains, les sondages n’ont pourtant su prédire ni le Brexit, ni l’élection de Trump. Les sondages sont-ils inutiles, trompeurs voire dangereux pour la démocratie ? Pour Alain Garrigou, il faut savoir se méfier des questions biaisées et des « prophéties auto-réalisatrices.


Le Gros Journal avec Alain Garrigou, l… par legrosjournal

Mouloud : Bienvenue au zinc d’un PMU. J’aime bien dire zinc comme MC Solaar disait “Il rentre dans le zinc commande un indien”… Nous sommes avec Alain Garrigou, professeur de sciences politiques et président de l’Observatoire des Sondages. Pourquoi est-ce que vous avez choisi un PMU ?
Alain Garrigou : C’est un lieu classique de la politique. C’est même l’un des premiers lieux de la politique citoyenne où des candidats par exemple allaient rencontrer des électeurs.

On va vous poser une question très simple aujourd’hui qu’on va développer : les sondages font-ils du bien à la démocratie ? Est-ce que c’est pas finalement l’ennemi de la démocratie ? On a l’impression qu’aujourd’hui les sondages font les candidats et pas l’inverse…
L’abondance, pour ne pas dire l’inflation, est un vrai problème. Je ne vais pas dire que c’est antidémocratique de poser des questions mais les poser de manière complètement caricaturale, bâclée etc, là, cela pose problème.

Pourquoi est-ce que les sondages se sont trompés sur Trump et le Brexit
Ils se sont trompés sur le Brexit, incontestablement, sur Trump il y a eu une méprise qui est plus celle me semble-t-il des médias que celle des sondeurs aux États-Unis parce que globalement ils ont annoncé une avance pour Hillary Clinton, ça c’est vrai, mais ça c’est au niveau national, cela n’a aucune espèce d’intérêt aux États-Unis. C’est un système fédéral. Par contre là où ils se sont trompés aux États-Unis, c’est sur certains États qu’ils donnaient comme d’avance en faveur des démocrates, notamment dans ce que l’on appelle la “rust belt”, la ceinture de rouille, des endroits désindustrialisés, et là c’était faux. Et là, l’État-major démocrate n’a pas fait campagne, et probablement c’est une trop grande crédulité à l’égard des sondages qui a provoqué la victoire de Trump.

C’est quoi votre métier à vous en tant que président de l’Observatoire des Sondages ? Concrètement ? C’est de nous dire que les sondages sont de la merde ? Ou c’est de nous dire qu’il y en a des bien ?
C’est pour, disons une démarche pédagogique. Il y a des choses qui sont parfaitement malhonnêtes, je pourrais vous en citer en longueur…

Citez-moi en une. Une malhonnête, que je comprenne. C’est quoi un sondage malhonnête ?
Alain : Il n’y a que l’embarras du choix. Par exemple…

Allez, “le chapeau à embarras du choix”, le sondage malhonnête, j’écoute.
Par exemple je vais vous demander si “vous êtes pour l’arrêt des centrales nucléaires comme les écologistes le veulent”. Je vais augmenter le nombre de “non non je ne suis pas favorable” parce qu’il y a ceux qui ne sont pas favorables, et ceux qui sont contre les écologistes. Vous en voulez une autre ? Une autre question biaisée ?

Oui…
“Est-ce que vous êtes pour le démantèlement des camps illégaux de Roms ?” Bah si c’est illégal, oui. Une autre, “est-ce que vous êtes pour la sanction des magistrats qui font mal leur travail, qui commettent de fautes entraînant des erreurs judiciaires” ? Bien sûr, vous allez répondre oui. Et ainsi de suite.

J’ai une question. Quand on se fait sonder, est-ce qu’on est préparé à la question ? Ou est-ce qu’on est attrapé à brûle-pourpoint ? comme ça ? J’ai placé brûle-pourpoint !
Oui, c’est très bien, simplement c’est un petit peu quand on met le doigt dans l’engrenage. C’est-à-dire quand on commence à répondre, bah on ne va pas arrêter en route et de toute façon ne serait-ce que parce que vous allez gagner un euro et que vous êtes en acces panel sur internet, et qu’à la fin de l’année vous allez avoir une centaine d’euros, cela va faire un petit caddy. Soit parce que vous êtes au téléphone, et alors là il y a le côté bon élève, c’est à dire je veux répondre, je ne veux pas avoir l’air idiot parce que je suis avec quelqu’un, et ce quelqu’un il ne faut jamais oublier qu’il est payé – c’est l’enquêteur, ce qu’on appelle l’enquêteur – il n’est payé que s’il n’a pas trop de “non réponse”. En gros ils ont le droit à trois non-réponses. Et donc, il y a des astuces pour faire parler les gens. Par exemple, madame ne sait pas, elle dit “ah non non non, ça je sais pas”. “Ah mais excusez-moi madame, je n’ai pas le “non-réponse” et on encourage les gens à répondre.

Parce que les mecs sont payés à la réponse en fait ? C’est aussi bête que ça…
Au questionnaire, oui au questionnaire fini.

Et vous vous êtes pour ou contre les sondages ?
Alors ça, c’est un micro-trottoir, ce n’est pas un sondage, il n’y a pas la représentativité, donc là vous biaisez un petit peu, c’est un peu l’arnaque, mais bon.

D’un point de vue politique, moi je me méfie personnellement des sondages parce que j’ai l’impression que depuis des années, les sondages sont manipulés notamment par les gens venus de l’extrême-droite, comme Patrick Buisson, ou comme le frère de Florian Philippot qui est à l’IPSOS et que ces sondages servent à distiller une idéologie de rejet, d’extrême-droite, et que beaucoup de journaux – je pense notamment au Point qui en a sorti pas mal – ont balancé tout le temps des sondages avec des questions ultra ultra flippantes. Est-ce qu’il y a une manipulation de l’opinion, est ce qu’il y a une droitisation des sondages qui s’est opérée ? Est-ce que l’on peut le dire ?
D’abord je vais vous dire, il y a une crétinisation. Alors si vous voulez dire que crétinisation, cela donne sur la droitisation, pourquoi pas, cela mériterait examen. Alors c’est vrai que c’est un instrument pour les politiques, pour faire l’opinion, bon simplement c’est du bruit.

Je vous ai donné des noms de gens précis.
Écoutez, alors vous parlez de gens qui me font des procès, notamment Monsieur Buisson, j’ai eu un procès parce que j’avais dit à propos des sondages de l’Élysée, dans un quotidien, que soit c’était un escroc, soit c’était un monsieur qui faisait du financement politique. Alors j’ai gagné le procès mais cela m’a embêté pendant trois ans, avec un appel. Donc je ne vais pas vous dire que… je crois qu’en gros ce qui s’est passé après montre que j’étais pas complètement délirant… bon.

Quand on voit un cadre de l’IPSOS, qui est le frère de Florian Philippot, qui rejoint le FN…
On le savait, beaucoup de gens le savaient, cela ne se disait pas jusqu’au moment où c’est passé. Bien entendu, il n’y a pas de règle déontologique en la matière. Il y a une commission des sondages qui ne sert à peu près à rien, ils dorment je crois, enfin c’est pour faire les décorations sans doute. Ils n’ont jamais imposé une pénalité et ils se vantent d’avoir de bonnes relations avec les sondeurs.

J’ai une question très bête, si on lit les sondages depuis quelques temps Marine Le Pen est quoi qu’il arrive au 2nd tour et François Fillon est sûrement président…
Alors, il vaut mieux ne pas croire à ces choses-là. Ça, c’est peut-être le pire biais pour ce qui est du jeu démocratique.

Parce que du coup tout le monde se dit “mais qu’est-ce qu’on va faire au deuxième tour alors que le premier tour n’a pas eu lieu”…
Non, d’ailleurs on ne devrait pas – à un moment il était question, il y a eu des mises en garde – on ne devrait pas faire de deuxième tour avant le premier. Dernièrement il y a eu plein de sondages, il y avait des vrais candidats – déclarés – et puis il y avait des gens qui ne savaient pas s’ils allaient passer la primaire… Alors ça c’est faussé, bon… Dans ces sondages électoraux, il y a un problème, qui est le problème de la prophétie auto-réalisatrice. C’est-à-dire que probablement nous aurons un président de sondage. C’est fort ennuyeux parce que nous n’aurions pas le même, c’est pas sûr c’est pas sûr, si on devient assez critique. De toute façon tous les sondages sur le Front National se sont trompés ces derniers temps. Prenez les départementales, les régionales de 2015 où on nous annonçait des exécutifs Front National, ils se sont trompés. Ils se trompaient il y a 10 ou 20 ans parce qu’ils sous-estimaient le Front National. Aujourd’hui ils surestiment le Front National, je peux vous l’expliquer techniquement. Il y avait un effet de honte dans les sondages il y a 20 ans à se déclarer Front National, tout simplement parce que les sondages étaient fait par téléphone. Aujourd’hui ils sont fait par internet, et à chaque fois on les surestime, pourquoi ? Parce qu’il y a des déclarations d’intention de vote Front National plus importantes. On ne sait pas ! Qui aurait juré, en 2011, au début de la campagne, que monsieur Hollande serait Président de la République ? Il partait à 5%, certes il n’y aura peut-être pas un scandale sexuel à chaque campagne électorale – encore que cela animerait peut-être les choses – mais on ne peut pas savoir.

Avec Fillon cela ne va pas arriver.
On aimerait être étonné

Merci beaucoup Alain Garrigou, merci d’être venu au Gros Journal, dans ce PMU où est normalement l’agora et où devraient se faire les sondages entre hommes et femmes et discuter et pas juste en lisant des questions comme ça posées au téléphone ou sur internet…

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